Le recrutement des enseignants : ?Faisons preuve d'imagination ?
Michael Bandler
Depuis pr・ de vingt ans, Mme Mildred Hudson se consacre ?une recherche intensive de m・hodes susceptibles d'attirer vers l'enseignement des hommes et des femmes enthousiastes, ?une ・oque o?cette profession souffre d'une grave p・urie. Dans cette interview, la conseill・e principale et directrice g・・ale de Recruiting New Teachers, Inc, centre de recherche et de documentation sans but lucratif ・abli ?Boston, se concentre sur certaines des le・ns qu'elle a apprises, les progr・ qu'elle et ses coll・ues ont d・lench・, les changements de comportement qui s'av・ent n・essaires et les probl・es qui restent ?r・oudre. Pr・・emment, elle a pass?sept ans au DeWitt Wallace-Reader's Digest Fund, o?elle a mis au point et appliqu?un programme de recrutement et de formation des enseignants, Pathways to Teaching Careers, que la Maison-Blanche et le minist・e de l'・ucation ont salu?comme une initiative remarquable m・itant d'・re adopt・. ?une ・oque o?le taux d'abandon de la profession est ・ev?aux ・ats-Unis, o?de 30 a 50 pour cent des professeurs de l'enseignement primaire et secondaire quittent la profession dans les cinq premi・es ann・s qui suivent l'obtention de leur poste, les solutions imaginatives sont manifestement la solution, affirme Mme Hudson. Question - Commen・ns par nous concentrer sur l'histoire r・ente de la profession d'enseignant. Mme Hudson - Traditionnellement, il s'est agi jusqu'?pr・ent d'une culture dans laquelle les enseignants eux-m・es optaient pour cette profession apr・ avoir suivi divers programmes menant ?un dipl・e dans le domaine des arts et des sciences, par exemple, et obtenu accessoirement quelques unit・ de valeur en p・agogie ou suivi, en plus, des cours classiques de formation ?l'enseignement. Une fois leur dipl・e en poche, peu d'entre eux choisissaient l'enseignement. Peu ?peu, ・ucateurs, chercheurs et sp・ialistes de l'・aluation des programmes ont compris que ce processus d'autos・ection, c'est-?dire la fa・n dont les gens entraient dans la profession, m・itait d'・re ・udi? Etaient-ils s・ieux au d・art ? D・iraient-ils vraiment enseigner ou s'agissait-il pour eux d'une solution de rechange ? Ce qui nous incitait ?agir, c'・ait le fait que non seulement il y avait p・urie d'enseignants aux ・ats-Unis, mais aussi que cette p・urie ・ait particuli・ement grave chez les enseignants appartenant ?une minorit? en particulier chez les Afro-Am・icains. Dans la recherche de moyens de recrutement et de formation des enseignants afro-am・icains dans le cadre du projet Pathways to Teaching Careers, nous avons commenc??mettre au point des m・hodes en vue du recrutement g・・al des enseignants. Nous pensions, par exemple, que les anciens b・・oles du Corps de la paix seraient un bon groupe ?attirer dans l'enseignement car, du fait de leur exp・ience ?l'・ranger, ils connaissaient peut-・re des langues ・rang・es et seraient plus r・eptifs ?l'・ard des effectifs scolaires multiculturels. Les adjoints d'enseignement ・aient un autre groupe auquel nous envisagions de recourir. Un grand nombre de programmes sont apparus spontan・ent, sur une base individuelle ou ind・endante, en fonction des besoins d'un ・at, d'une r・ion ou m・e d'une ・ole. Il est ・ident que, quand on met au point des m・hodes de recrutement, on doit songer ?la formation du personnel. Le programme de formation devait ・re modifi?pour ・re adapt??un groupe particulier de futurs enseignants. Parfois, les candidats avaient fait l'exp・ience de la salle de classe mais ne poss・aient pas la th・rie, parfois c'・ait l'inverse. Question - Vous abordez deux aspects diff・ents de la question : d'une part en encourageant les gens ?entrer dans l'enseignement et ?y faire carri・e, et d'autre part en vous adressant ?des gens qui, de prime abord, ne s'int・essent pas sp・ialement ?l'enseignement et en les amenant ?choisir cette profession. Les besoins dans ce domaine sont-ils si importants que la seconde de ces approches rev・ une importance primordiale ? Mme Hudson - Absolument. Mais ce n'est qu'une m・hode parmi des centaines d'autres. Question - Je suppose que ce que je vous demande, c'est s'il existe plus d'une voie qui m・e ?la profession d'enseignant ? Mme Hudson - Effectivement. En plus de la voie traditionnelle, il y a toutes sortes d'activit・ qui commencent dans l'enseignement secondaire et continuent dans les ・udes sup・ieures. Il y a des programmes de recrutement d'enseignants qui consistent ?amener les ・・es de l'enseignement secondaire du premier cycle ?songer ?la profession d'enseignant et m・e ?leur faire suivre des cours de p・agogie adapt・ ?leur niveau, bien s・, et les encourager ?servir de r・・iteurs et de conseillers ?leurs camarades de classe, ?travailler avec d'autres enfants. L'id・ ?la base de ce raisonnement est le fait que, lorsque la plupart des enfants appartenant ?des minorit・ ou ?des familles ・onomiquement faibles terminent leurs ・udes secondaires, il est trop tard pour les int・esser ?l'enseignement. Le but est donc d'ouvrir tr・ t・ la fili・e afin que des enfants qui n'auraient peut-・re pas fait d'・udes sup・ieures puissent ・re amen・ ?envisager une carri・e dans l'enseignement. Une autre approche consiste ?d・eler qui, dans la salle de classe, l'・ole ou la collectivit?pourrait, en recevant une aide p・agogique, ・re attir?par la profession. Il peut s'agir d'adjoints d'enseignement, de gardiens, de chauffeurs routiers, de serveurs de restaurants etc. qui suivent souvent des cours du soir par eux-m・es, mais dont on ne fait souvent aucun cas. Cette formule a donn?d'excellents r・ultats, elle fait partie de ce que l'on appelle, dans le jargon du m・ier, la recherche de candidats du ?cru ? c'est-?dire dans la collectivit?locale, voir qui y vit et les aider. Il y a aussi ceux pour qui l'enseignement est une seconde carri・e, par exemple des avocats ou des hommes d'affaires qui d・ident de quitter leur milieu professionnel pour devenir enseignants. Les universit・ locales offrent souvent des bourses pour le recrutement de ces personnes. En outre, de nombreuses universit・ ont des programmes qui permettent aux gens qui d・ident de changer de carri・e d'obtenir leur dipl・e en temps r・uit, sans pour cela sacrifier la qualit?de leur formation. Recruiting New Teachers, qui a ・?cr蜑 en 1989 pour am・iorer le prestige accord??la profession d'enseignant et fournir des connaissances et des renseignements dans ce domaine, a re・ plus d'un million d'appels en r・onse ?sa campagne de publicit?en faveur du service public, au cours des dix derni・es ann・s. Question - Avez-vous une id・ du taux de r・ention des enseignants admis dans la profession gr・e ?ces nouvelles m・hodes ou ?ces programmes, dans les r・ions et localit・ qui ont particip?au projet Pathways ? Mme Hudson - Il est consid・able. L'Urban Institute vient de proc・er ?une ・aluation nationale des r・ultats de Pathways sur une p・iode de cinq ans, qui montre que le taux de r・ention, principalement chez les adjoints d'enseignement et les anciens volontaires du Corps de la paix, c'est-?dire les deux groupes auxquels nous faisons principalement appel, se situe autour de 90 pour cent. Nous ne pouvons donc plus nous permettre de nous limiter aux m・hodes classiques de recrutement des enseignants, qui ont toujours ・?al・toires. Aujourd'hui, nous agissons davantage par anticipation, sur la base de connaissances th・riques et de donn・s solides. Question - Parlez-nous des autres initiatives ind・endantes en faveur du recrutement des enseignants. Mme Hudson - Teach For America et Troops to Teachers exploitent deux autres sources valables. Et ces groupes continuent ?progresser. Teach For America affecte des dipl・・ de l'enseignement universitaire dans les ・oles des quartiers pauvres des villes et des zones rurales pour une dur・ de deux ans, ?l'issue d'un programme de formation de six semaines qui a lieu en ・? Et Troops to Teachers encourage les militaires en retraite ?s'engager comme enseignants dans des arrondissements scolaires difficiles ?pourvoir en personnel. Ce qui est passionnant dans tout cela, c'est que, face ?cette situation difficile, nous avons fait preuve d'une grande imagination en mati・e de recrutement. C'est pour nous une grande source de satisfaction. Qui plus est, nous avons ・alement mis au point, pour ainsi dire fortuitement, une nouvelle fa・n de travailler avec des ・・es adultes susceptibles de devenir eux-m・es des enseignants. Question - Nous nous sommes concentr・ sur la p・urie d'enseignants et sur les options et m・hodes de recrutement comme s'il s'agissait d'un probl・e unique aux ・ats-Unis. Est-ce une supposition erron・ ? Mme Hudson - En effet. Il importe de souligner que le probl・e ne se pose pas qu'aux ・ats-Unis. Il s・it partout dans le monde. En Australie, par exemple, il est difficile de trouver des gens dispos・ ?travailler chez les aborig・es. Les Australiens essaient de mettre au point leurs programmes de recherche de candidats ?du cru ? Cela est vrai ・alement des Pays-Bas, o?la situation est comparable ?celle de la tribu Havasupai (am・indienne) du Grand Canyon. Question - Il faut donc faire preuve d'imagination. Mme Hudson - Faire preuve d'imagination, anticiper, favoriser l'int・ration et trouver des solutions ?long terme ?la p・urie d'enseignants. Question - Parlons maintenant des moyens actuellement utilis・ pour inciter les gens ?entrer dans l'enseignement et ?y rester. Mme Hudson - L?aussi les collectivit・, les ・oles et les gouvernements locaux et ceux des ・ats commencent ?faire preuve de cr・tivit? Il existe d'importantes incitations comme l'octroi de bourses, l'annulation des dettes encourues pour frais d'・ude, les garderies d'enfants et autres services, notamment un cours de p・agogie de niveau universitaire enseign?dans la collectivit? Point n'est besoin de r・nventer la roue. De nombreuses m・hodes sont d・?disponibles. Notre organisation vient de publier ?l'intention des arrondissements scolaires une s・ie de guides d・rivant les moyens d'am・iorer les campagnes de recrutement. Question - Les hommes et femmes qui entrent dans l'enseignement par certaines de ces voies nouvelles, que ce soit en tant que seconde carri・e o??leur sortie de l'universit? font-ils les efforts n・essaires pour ・re certifi・ et obtenir leurs dipl・es ? Mme Hudson - Ils y sont tenus. On ne peut enseigner que pendant un temps limit?sans certification permanente. Celle-ci est obligatoire. Il se peut qu'il faille plus de temps ?certains pour l'obtenir, il se peut aussi que des candidats aient ?suivre un ou deux cours compl・entaires. Mais personne ne peut se maintenir dans la profession sans ・re pleinement certifi? Question - Quoi de neuf en ce qui concerne le recyclage, qui permet aux enseignants de mettre ?jour leurs connaissances et leur m・hodologie ? Mme Hudson - L'une des cons・uences les plus b・・iques des nouvelles m・hodes d'admission dans l'enseignement a ・?l'expansion de l'・ucation permanente. C'est une chose excellente. Les universit・ doivent trouver de nouveaux moyens de se montrer plus imaginatives dans leurs rapports avec les ・・es adultes. Question - Pouvez-vous d・inir ce terme ? Mme Hudson - Nous appelons ・・e adulte toute personne qui reprend des ・udes tard dans la vie. Nous parlons de quelqu'un de plus de 22 ans qui, pour une raison quelconque, retourne ?l'・ole ?temps partiel ou a plein temps. Il peut s'agir d'un octog・aire qui d・ide de suivre un cours de langue ・rang・e. Ce qui s'est pass? c'est qu'en offrant aux gens des solutions de rechange pour entrer dans la profession d'enseignant, la collectivit?a d?r・l・hir ?la fa・n de travailler avec des ・・es adultes dans le sens le plus large du terme. Permettez-moi de vous donner un exemple. Nous avons d・ouvert les avantages pr・ent・ par ce que nous appelons les ?cohortes ? des groupes d'・・es adultes que l'on inscrit ensemble dans une ou deux classes, dans une universit?ou un centre communautaire. Nous savons qu'en se groupant et en suivant ensemble plusieurs cours, ils deviendront des amis et des coll・ues. Ils se rendront peut-・re des services de baby-sitting ou viendront en aide ?l'un de leurs camarades de classe qui songerait ?abandonner les cours. Cela donne g・・alement d'excellents r・ultats. Question - Cela d・eloppe donc leur sens de la collectivit? Mme Hudson - Parfaitement. Et nous constatons, au bout de deux, trois ou quatre ans, que les ・・es adultes obtiennent de meilleurs r・ultats dans leurs ・udes s'ils appartiennent ?un groupe que s'ils suivent ces cours individuellement. Question - Que pouvez-vous nous dire des programmes de mentorat dans ce domaine ? Mme Hudson - Ils sont devenus tr・ importants ces derni・es ann・s. En fait les universit・ d・eloppent ces programmes pour leurs dipl・・ et, ce faisant, montrent qu'elles pensent que les programmes s・ieux d'initiation sont la solution d'avenir pour aider les novices, tout comme les enseignants chevronn・, ?passer d'un ・ablissement ?un autre. En fait, notre derni・e ・ude, intitul・ Learning the Ropes : Urban Teacher Induction Programs and Practices in the United States, montre comment les programmes efficaces de soutien et d'・aluation, qui comportent des mentors, peuvent contribuer ?la r・ention des enseignants. Question - Donc, ?une ・oque o?l'on se pr・ccupe intens・ent de l'・ucation ?travers les ・ats-Unis, comment envisagez-vous son ・olution, sous l'angle du d・eloppement du corps enseignant de demain ? Mme Hudson - Je pense que les controverses sur les th・ries et la mise au point de m・hodes nouvelles rendent notre ・oque passionnante. La contestation est une chose tr・ saine. Les ・ucateurs ont obtenu l'attention du pays et celle des d・ideurs. On n'a jamais trop d'amis dans ce domaine. ---------- Les opinions exprim・s dans cet entretien ne refl・ent pas n・essairement les vues et la politique du gouvernement des ・ats-Unis.
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