La passion de l'・ude est la pierre angulaire
Parmi toutes les questions politiques d・attues actuellement aux ・ats-Unis, la plus importante est sans doute celle de l'・ucation. Les uns apr・ les autres, les sondages d'opinion publique confirment que la population se pr・ccupe plus de l'・ucation que de n'importe quel autre probl・e, qu'il s'agisse de l'・onomie, du ch・age, de la criminalit?ou des affaires internationales. D'autres donn・s corroborent ces sondages et attestent de la primaut?de l'・ucation. Au cours des onze derni・es ann・s, trois « sommets » ont ・?consacr・ aux questions d'・ucation. En 1989, quelques mois apr・ avoir ・?・u pr・ident, George Bush convoqua les 50 gouverneurs du pays (y compris le gouverneur de l'Arkansas, Bill Clinton) pour r・l・hir au besoin d'am・ioration de la qualit?de l'・ucation primaire et secondaire pour tous les enfants. Les chefs de l'ex・utif des ・ats s'entendirent sur des objectifs nationaux et sur la n・essit?de fixer des normes en mati・e de r・ultats scolaires. En 1994, le Congr・ des ・ats-Unis transforma cette d・laration d'intention en une loi stipulant divers objectifs ?atteindre d'ici ?l'an 2000. Le sommet le plus r・ent, auquel ont particip? en plus des gouverneurs, des chefs de grandes entreprises, r・ffirma un engagement vis-?vis de l'・ucation publique, ・alua les progr・ r・lis・ vers les objectifs nationaux et recommanda d'apporter des modifications, si n・essaire, ?la strat・ie suivie. L'int・・ accru du public pour l'・ucation a incit?les candidats aux ・ections, nationales tant que locales, ainsi que les principaux partis politiques, ?s'engager directement ?am・iorer continuellement l'・ucation et ?soutenir les programmes r・ondant ?la n・essit?d'augmenter non seulement le nombre d'enseignants, mais aussi la qualit?du corps enseignant. De plus, les politiciens ont promis d'accorder une attention particuli・e au r・r・issement de l'・art entre les ・・es les plus avantag・ et les plus d・unis. Aux ・ats-Unis, cette pr・ccupation continuelle au sujet de l'・ucation est enracin・ dans la passion de l'・ude, qui est fondamentale chez les Am・icains. En r・lit? il s'agit l?du dernier chapitre d'une saga nationale qui remonte jusqu'?l'・oque coloniale, mais qui a connu une importance accrue il y a un peu plus d'un demi-si・le, lorsque la Cour Supr・e des ・ats-Unis a rendu son arr・ historique Brown v. Board of Education qui a mis fin ?la s・r・ation raciale dans l'・ucation publique. Depuis cet arr・, la Cour Supr・e et les tribunaux inf・ieurs dans tout l'appareil judiciaire ont jug?un nombre toujours croissant de cas concernant l'・ucation. Ceci permet de mesurer clairement l'intensit?du probl・e. La p・iode actuelle, aube d'un si・le nouveau, est caract・is・ par une fascination nationale pour la recherche de nouvelles formes d'instruction et par de nombreuses exp・iences dans ce domaine. « D・tructuration » de l'・ucation, enseignement ?domicile et mouvement pour une scolarit?nouvelle ont leurs partisans. Ils sont favorables ?la multiplication des ・oles priv・s et des « Charter Schools » (・oles ?Charte), et ?l'octroi d'une plus grande libert? au besoin en recourant aux bons d'・ude, dans le choix des ・ablissements scolaires. Les groupes d'int・・ se livrent une guerre sans merci dans le cadre de leurs d・arches visant ?persuader les organismes d・ideurs de tenir compte des besoins particuliers de certains ・・es, notamment les handicap・, les allophones, les surdou・ ou ceux qui vivent dans un ・at de pauvret?extr・e. Si l'・oque actuelle est sans aucun doute caract・is・ par des remous consid・ables dans l'・ucation, il est important de se rappeler que l'int・・ du public am・icain pour cette question et son d・ir de prolonger et d'am・iorer l'・ucation ne sont pas un ph・om・e nouveau. Un simple examen rapide de l'histoire confirme le fait que l'・ucation n'a pas ・?seulement une pr・ccupation centrale des Am・icains, m・e avant la fondation de la R・ublique ; elle a ・alement ・?une source constante de controverse. Qui plus est, les questions philosophiques fondamentales que les Am・icains se sont pos・s jadis ressemblent d'une fa・n ・onnante ?celles auxquelles ils sont confront・s aujourd'hui. Il n'est gu・e difficile de trouver la preuve de l'int・・ continu des Am・icains pour l'・ucation ; il suffit de lire les Ordonnances du Nord-Ouest de 1785 et de 1787 qui avaient ・?adopt・s par le Congr・ en vertu des Articles de Conf・・ation. La premi・e de ces ordonnances autorisait la vente de terrains publics ?condition qu'un lot sur 16 dans chaque commune soit r・erv??des fins ・ucatives. La deuxi・e cr・it un plan de gouvernement et stipulait que la religion, la moralit?et les connaissances n・essaires ?un bon gouvernement et au bonheur de l'humanit? les ・oles et les moyens d'enseignement devaient ?jamais ・re encourag・. Ces ordonnances avaient jet?les fondations du futur soutien f・・al de l'・ucation, qui fut mis en ・uvre par une succession de lois du Congr・ am・icain qui sont toujours en vigueur. L'une des premi・es, l'une des plus importantes, fut la loi « Morrill Land Grant » de 1862, qui fut promulgu・ avec enthousiasme par le pr・ident Abraham Lincoln. Elle permettait aux ・ats de r・ondre ?leurs besoins de formation pratique en cr・nt des ・ablissements d'enseignement technique pour l'agriculture, les arts m・aniques et les sciences militaires. Plusieurs autres lois ult・ieures ont ・endu les b・・ices de l'・ucation aux exclus ?cause de leur pauvret? de leur origine ethnique, de leur sexe ou d'une invalidit? ou pour toute autre raison. Citons parmi les plus importantes la loi sur les anciens combattants (G.I. Bill of Rights), la loi sur l'・ucation primaire et secondaire, la loi appel・ Head Start, la loi sur l'・ucation bilingue et la loi sur l'・ucation pour tous les enfants handicap・ (qui devint en 1990 la loi sur l'・ucation des handicap・). Depuis l'・ablissement de la R・ublique, les pr・idents des ・ats-Unis ont ・alement affirm?leur engagement vis-?vis de l'・ucation en se servant de ce que Th・dore Roosevelt appela jadis de fa・n tr・ appropri・ « l'influence de la chaire ». L'・ucation fut une priorit?pour les premiers pr・idents. George Washington mentionna sp・ifiquement ce sujet dans son premier discours inaugural et dans son dernier message au Congr・. Il encouragea la cr・tion d'une universit?nationale, r・e qu'il ne r・lisa jamais. Thomas Jefferson, le troisi・e pr・ident des ・ats-Unis, ・ait un partisan passionn?de l'・ucation avant m・e d'acc・er ?la plus haute fonction du pays. Il proposa une loi visant la cr・tion d'un enseignement public dans son ・at d'origine, la Virginie, et affirma qu'un amendement ?la Constitution devait ・re adopt?sans plus attendre pour soutenir l'enseignement public. Plus r・emment, Lyndon Johnson qui, longtemps avant ses ann・s ?la Maison-Blanche, avait enseign?dans une r・ion rurale ・onomiquement d・avoris・ du Texas, r・lama ?maintes reprises que l'on accorde une plus grande priorit?aux questions d'・ucation. Il serait cependant inexact de supposer que toutes les initiatives en faveur de l'・ucation ont ・an?du gouvernement f・・al. Aux ・ats-Unis, l'・ucation est essentiellement de la comp・ence des ・ats f・・・, et la responsabilit?de l'enseignement est d・・u・ dans une large mesure aux plus de 15.000 arrondissements scolaires locaux. Dans chacun de ces arrondissements, les membres des commissions scolaires, les directeurs d'・ablissements, les associations d'enseignants, les comit・ de citoyens et les ・・es eux-m・es peuvent jouer un r・e en vue du renforcement de la qualit?de l'・ucation. Si les Am・icains croient depuis longtemps ?l'importance de l'・ucation et de son am・ioration constante et ont fait preuve de d・ermination pour en faire b・・icier tous les citoyens, ils n'ont pas toujours tous ・?du m・e avis sur le sujet, et ne le sont toujours pas. Tout au long de l'histoire du pays, ils se sont engag・ dans des d・ats souvent virulents sur des questions aussi fondamentales que celles-ci :
On n'a toujours pas r・ondu ?ces questions d'une fa・n satisfaisante, et il est improbable que ce soit jamais le cas. R. Freeman Butts, un chercheur r・ut?de l'universit?Columbia, auteur de nombreux livres sur l'・ucation, avance une explication logique pour la continuit?de ce d・at national souvent f・oce. Selon lui, tensions et d・accords sont la cons・uence de l'interaction entre trois th・es sous-jacents de la soci・?am・icaine :
Les partisans du r・e unificateur de l'・ucation affirment que celle-ci devrait promouvoir la coh・ion sociale et que l'・ole devrait jouer un r・e civique fondamental. L'objectif essentiel de l'・ucation primaire et secondaire devrait ・re de former des citoyens inform・, productifs et responsables. De leur c・? ceux qui estiment que l'・ucation devrait servir des objectifs plus individuels exigent que leurs valeurs soient honor・s et que leurs besoins particuliers soient satisfaits. Il n'est pas rare qu'ils essaient de s'・arter des valeurs assurant la coh・ion afin de former leurs propres ・oles qui sont cens・s servir de fondation ?leur propre collectivit? Les citoyens que la modernisation et la mondialisation inqui・ent le plus soulignent le besoin de pr・arer leurs enfants en vue de leur insertion dans le monde interd・endant, technologique et urbanis?dans lequel ils vivront. Ils r・lament souvent qu'une plus grande attention soit accord・ au concept de « citoyen du monde » ou aux liens qui uniront chacun de nous au reste de l'humanit?qu'?ceux qu'ils jugent plus susceptibles de renforcer un certain « esprit de clocher ». Le tiraillement entre ces tendances est ・ident aujourd'hui. Il se manifeste dans toutes sortes de circonstances, des d・ib・ations des conseils scolaires aux d・ats parlementaires, en passant par les conversations priv・s entre parents et citoyens int・ess・. Mais en fin de compte, ce sont les dissensions, les d・ats et les d・ib・ations qui forment l'essence d'une soci・?d・ocratique. ---------- Margaret Stimmann Branson, directrice adjointe du Center for Civic Education ?Calabasas (Californie), est connue pour ses recherches et ses travaux en qualit?de consultante en mati・e d'・ucation civique. Elle a ・rit de nombreux manuels scolaires et articles professionnels dans ce domaine. Elle a occup?plusieurs fonctions (directrice de la r・action, chercheuse principale et r・actrice) au sein de la National Standards for Civics and Government, et elle est membre du comit?d'experts nationaux de l'International Education Association on U.S. Civic Education, et du comit?de d・eloppement de l'International Framework for Education for Democracy.
Les opinions exprim・s dans cet article ne refl・ent pas n・essairement les vues et la politique du gouvernement des ・ats-Unis.
|