La politique ・rang・e et la campagne pr・identielle de l'an 2000 :
Andrew Bennett
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Si le dossier de la politique ・rang・e a perdu du terrain par rapport ?d'autres questions qui sont abord・s dans le cadre des campagnes pr・identielles et que les divergences entre d・ocrates et r・ublicains se sont att・u・s sur ce terrain, " "les ・ecteurs continuent de juger les candidats ?l'aune de leurs valeurs, de leur comp・ence et de leur autorit?dans le domaine de la politique ・rang・e, en particulier en ce qui concerne leur capacit?de g・er les crises ", d・lare M. Andrew Bennett, professeur d'administration publique ?l'universit?Georgetown et conseiller pour les questions de politique ・rang・e au cours de plusieurs campagnes pr・identielles. D・ lors, ajoute-t-il, les erreurs ou les b・ues des candidats en p・iode de campagne ・ectorale peuvent avoir " "des effets ?long terme importants sur le cours des ・ections ". |
Le credo politique : la politique ・rang・e ne compte pas dans les ・ections pr・identielles
Les observateurs politiques partent g・・alement du principe qu'en l'absence de crises majeures ou de guerres, la politique ・rang・e a toujours fait figure de parent pauvre lors des ・ections aux ・ats-Unis et que la fin de la guerre froide en a encore raval?l'importance. De ce point de vue, depuis la fin de la guerre froide, la complexit?des dilemmes inh・ents ?la conduite des affaires politiques et l'absence d'un adversaire ・ranger puissant ont r・uit l'・art sur ce terrain entre les partis d・ocrate et r・ublicain. D'aucuns vont ?sugg・er que les Am・icains ont renou?avec l'isolationnisme et l'unilat・alisme, qu'ils n'ont g・・alement cure de la politique ・rang・e, qu'ils sont mal inform・ sur ce sujet et que la seule id・ de pertes humaines dues ?une guerre est pour eux un objet de profonde aversion, ce qui limite d'autant les options des pr・idents et des candidats en mati・e de politique ・rang・e.
Juste ?certains ・ards, exag・?ou par trop simplifi?dans d'autres, ce credo politique est fonci・ement erron?en ce qui concerne certains dossiers. La politique ・rang・e ・ait certes ?son z・ith pendant les ・ections pr・identielles qui ont eu lieu du temps de la guerre froide en p・iode de crise ou de guerre, mais il faut reconna・re qu'elle conservait une grande importance m・e en l'absence de crise, et ce du fait de la concurrence que se livraient les ・ats-Unis et l'Union sovi・ique. La fin de la guerre froide a rel・u?ce dossier ?une place subalterne lors des ・ections pr・identielles, comme on l'a constat?en 1992 en particulier, et les diff・ences de position entre r・ublicains et d・ocrates se sont effectivement estomp・s en 1992 et en 1996, mais il faut admettre qu'on a exag・?la r・lit? S'il est vrai que la politique ・rang・e a perdu de son importance par rapport ?d'autres dossiers et que l'・art entre les partis s'est resserr? force est de reconna・re que les ・ecteurs continuent de juger les candidats ?l'aune de leurs valeurs, de leur comp・ence et de leur autorit?dans le domaine de la politique ・rang・e, en particulier en ce qui concerne leur capacit?de g・er les crises.
Par ailleurs, il faut bien dire que la politique ・rang・e est le cadet des soucis de la plupart des Am・icains, en particulier depuis la fin de la guerre froide. Leurs instincts sur le plan internationaliste et multilat・al n'ont gu・e chang? mais ils s'informent et ils manifestent un esprit de discernement lorsqu'une crise ・late. L'opinion publique est sensible aux questions internationales qui affectent la vie quotidienne aux ・ats-Unis, ce qui est le cas, par exemple, de l'immigration, de la contrebande des stup・iants et du commerce international. En outre, un grand nombre de groupes d'int・・ ethniques ou commerciaux braquent toute leur attention sur la politique ・rang・e et savent faire sentir leur influence pendant les campagnes pr・identielles, que ce soit par le biais de leurs contributions financi・es ou de leurs activit・ de mobilisation ?la base. Enfin, les sondages r・・ent que les Am・icains, tout lass・ qu'ils soient des missions de maintien de la paix dans les r・ions en proie aux conflits ethniques et dans les ・ats non viables, sont pr・s ?accepter le risque de pertes humaines si les ・ats-Unis visent des objectifs strat・iques ou humanitaires (1).
Par voie de cons・uence, la politique ・rang・e a d・?marqu?la campagne pr・identielle 2000 de son empreinte et il continuera d'en ・re ainsi. MM. Albert Gore et George Bush se sont ralli・ ?une politique ・rang・e internationaliste et distanc・ de l'aile isolationniste de leurs partis respectifs. L'un et l'autre se sont montr・ sensibles ?certains groupes qui se consacrent ?des questions ponctuelles de politique ・rang・e. Bien que leurs prises de position ne diff・ent pas consid・ablement et que le public n'ait pas encore manifest?de pr・・ence, les deux candidats ont eu ?se mordre les doigts des erreurs ou des b・ues suppos・s qu'ils ont commises pendant leur campagne. Dans l'ensemble, c'est M. Bush qui en a p・i le plus.
Le pr・ent article pr・ente des arguments ?l'appui de ces conclusions. Dans un premier temps, il passe rapidement en revue les r・ercussions de la politique ・rang・e sur les campagnes pr・・entes. Ensuite, il examine la fa・n dont MM. Gore et Bush g・ent ce dossier dans le cadre de leur campagne ・ectorale, en s'int・essant particuli・ement aux effets des tergiversations du candidat r・ublicain au sujet du conflit au Kosovo et ?ses m・rises ?r・・ition sur le nom de chefs d'・at et d'autres personnalit・, ainsi qu'aux cons・uences de la maladresse qu'a manifest・ le candidat d・ocrate dans l'affaire Elian Gonzalez. Si elles n'ont pas boulevers?la donne de mani・e directe et spectaculaire, ces erreurs suppos・s ont malgr?tout eu des effets ?long terme sur la campagne ・ectorale, et toute crise de politique ・rang・e ou toute autre b・ue pourrait encore avoir des cons・uences de taille et plus imm・iates.
Les br・hes dans le credo politique : la politique ・rang・e
dans les ・ections pr・identielles apr・ la Deuxi・e Guerre mondiale
La plupart des arguments ?l'appui de la th・e selon laquelle " "la politique ・rang・e ne compte pas " lors des pr・identielles aux ・ats-Unis se fondent sur le caract・e " "saillant " des questions en jeu ou sur l'importance que le public y attache dans les sondages. Certes, le caract・e saillant de la politique ・rang・e est l'un des facteurs cl・ qui permettent de juger l'effet de ce dossier sur les ・ections, mais il y en a d'autres qui sont ・alement importants, comme par exemple les diff・ences entre les positions des candidats telles qu'elles sont per・es par le public, les valeurs qu'ils ・ousent et leur comp・ence en mati・e de politique ・rang・e. Si la politique ・rang・e est tomb・ de son pi・estal depuis la fin de la guerre froide, ces autres facteurs, eux, conservent toute leur importance.
Dans presque tous les sondages d'opinion r・lis・ depuis la fin de la Deuxi・e Guerre mondiale et jusque dans les ann・s 1980, le public citait la politique ・rang・e au nombre des trois dossiers les plus importants pour les ・ats-Unis et il la pla・it m・e souvent en premi・e place. Cette attitude s'expliquait essentiellement par l'importance g・・ale des relations avec l'Union sovi・ique, ?quoi il faut ajouter l'int・・ que rev・aient des questions ponctuelles lors de diverses ・ections : la guerre de Cor・ en 1952, le pr・endu retard des ・ats-Unis en mati・e de missiles en 1960, la guerre du Vi・ Nam en 1968 et en 1972, l'intervention de l'Union sovi・ique en Afghanistan et la d・ention d'otages am・icains en Iran en 1980 et, enfin, les changements spectaculaires dont l'Union sovi・ique fut le th蛯tre en 1988. Or la fin de la guerre froide a consid・ablement diminu?l'importance de la politique ・rang・e. Depuis 1992, c'est tout juste si ce dossier figure parmi les douze questions les plus influentes dans l'esprit du public. Par exemple, selon un sondage r・lis?par la soci・?Gallup en janvier 2000 et dans lequel les personnes interrog・s devaient s・ectionner les questions qu'elles estimaient les plus importantes, parmi une longue liste qui leur ・ait propos・, les d・enses militaires arrivaient en vingti・e position seulement et le r・e des ・ats-Unis dans les affaires mondiales ?la vingt-deuxi・e place (2).
Beaucoup d'observateurs voient dans les ・ections de 1992 une preuve de l'importance limit・ de la politique ・rang・e dans la foul・ de la guerre froide, faisant d'ailleurs remarquer que le public reprochait au pr・ident Bush de se d・int・esser des questions int・ieures et notant que sa cote de popularit? de 90 pour cent apr・ la guerre du golfe Persique, avait d・ringol?au point qu'il s'・ait fait battre aux ・ections ?peine plus d'un an plus tard. De fait, les questions de politique int・ieure l'importaient sur la politique ・rang・e dans l'esprit des ・ecteurs en 1992, mais l'imputation de la d・aite ・ectorale de M. Bush ?ce seul ph・om・e fait l'impasse sur les revers et occasions manqu・s qui ont ・aill?sa gestion du dossier de politique ・rang・e. Bien que M. Bush ait su somme toute n・ocier avec adresse la fin de la guerre froide, le conflit dans le golfe Persique n'a pas eu raison de Saddam Hussein et le pr・ident am・icain s'est vu reprocher son manque de " "vision " et son incapacit??d・inir les objectifs et la strat・ie du " "nouvel ordre mondial " au sujet duquel il multipliait les belles paroles ; enfin, M. Bush n'a pas pris de mesures efficaces vis-?vis de la Somalie (du moins pas avant les ・ections) ni ?l'・ard de la Bosnie. M・e Richard Nixon, l'un de ses pr・・esseurs, lui a tenu rigueur de son manque d'enthousiasme vis-?vis de la consolidation de la d・ocratie et des march・ en Russie. De surcro・, il y a lieu de noter que les candidats les plus enclins ?l'isolationnisme - tels M. Patrick Buchanan, le s・ateur Tom Harkin et l'ancien gouverneur de Californie, M. Jerry Brown - n'ont pas r・ssi ?d・rocher l'investiture de leur parti.
D・ lors, il faut bien admettre que les prises de position et la comp・ence des candidats en mati・e de politique ・rang・e ont leur importance et que ce dossier rev・ dans l'ensemble un caract・e important. Tout au long de la plus grande partie de la guerre froide, les candidats r・ublicains avaient beau jeu de passer pour des " "durs " vis-?vis de l'Union sovi・ique mais, la guerre froide termin・, ce qui les d・arquait des d・ocrates avait moins de raison d'・re. Lors des ・ections de 1996, malgr?quelques diff・ences sur le plan du symbolisme et des valeurs, par exemple lorsque M. Robert Dole, le s・ateur candidat ?la pr・idence, critiquait le secr・aire g・・al des Nations unies, M. Boutros Boutros-Ghali, la position du candidat r・ublicain et celle de M. Clinton ・aient essentiellement ・uivalentes sur la plupart des dossiers de politique ・rang・e, dont celui du d・loiement de soldats am・icains en Bosnie pour y surveiller la paix. Ce que l'on peut dire de plus cat・orique peut-・re sur la position des candidats, c'est que le pr・ident sortant qui brigue le renouvellement de son mandat ou le candidat dont le parti d・ient la Maison-Blanche a tendance ?・re plus internationaliste que le candidat du parti d'opposition. Lors de la campagne de 1992, par exemple, M. Clinton avait privil・i?les questions de politique int・ieure, mais devenu pr・ident il a commenc??faire pencher la balance en faveur de l'internationalisme, notamment en ce qui concerne le financement de l'organisation des Nations unies, les op・ations de maintien de la paix, l'autorisation qui permettrait ?l'ex・utif de soumettre des accords commerciaux au vote des parlementaires sans que ceux-ci puissent les modifier et le financement du Fonds mon・aire international (FMI), alors que le Congr・ pr・e une position plus isolationniste dans ces domaines depuis 1994, c'est-?dire depuis que les r・ublicains y sont majoritaires.
En mati・e de politique ・rang・e, l'exp・ience compte - et il en va de m・e pour les positions adopt・s sur divers sujets - mais elle n'est pas primordiale : le candidat le moins exp・iment?dans ce domaine a remport?l'・ection pr・identielle en 1992 (Bush-Clinton), en 1980 (Carter-Reagan) et en 1976 (Carter-Ford). Plus que l'exp・ience directe des candidats sur ce terrain, c'est leur discernement, leur comp・ence et leur force de caract・e, en particulier leur capacit?de g・er les crises, qui retiennent l'attention des ・ecteurs. Ces qualit・ indispensables ?la conduite des affaires ・rang・es, les ・ecteurs les ・aluent au cours de la campagne ・ectorale dans toutes sortes de contextes, dont certains n'ont m・e rien ?avoir avec la politique ・rang・e. Ainsi a-t-on pu se faire une id・ de la fa・n dont M. Clinton ferait face ?une crise lorsqu'on l'a vu sortir vainqueur, en 1992, des primaires tenues au New-Hampshire, alors que la presse faisait des gorges chaudes d'une liaison extraconjugale qu'on lui imputait. De m・e, le discernement et la personnalit?du s・ateur Gary Hart en mati・e de politique ・rang・e ont ・?mises en question en 1984 lorsqu'il a donn?l'impression, avant les ・ections primaires de New York, de changer d'avis sur la question du transfert de l'ambassade des ・ats-Unis en Isra・ dans la ville de J・usalem. En 1988, accus?lui aussi d'infid・it? il n'a pas su se tirer d'affaire aussi facilement que M. Clinton. Ces ・・ements ont contribu??l'・hec de M. Hart, qui n'a pas obtenu l'investiture du parti d・ocrate en vue de l'・ection pr・identielle.
Il appara・ donc probable que la facult?de g・er une crise constitue une sorte de " "test d・isif " pour les ・ecteurs lorsqu'ils se rendent aux urnes pour ・ire leur pr・ident. M・e s'ils n'accordent g・・alement qu'un faible rang de priorit??la politique ・rang・e, les ・ecteurs ont tendance ?se d・ier des candidats qui semblent incapables de ma・riser les situations difficiles.
En quoi la politique ・rang・e a-t-elle affect?la campagne pr・identielle de l'an 2000 ?
Cette ann・, les candidats ?la pr・idence doivent affronter un ・ectorat qui attache un faible rang d'importance ?la politique ・rang・e, mais qui demeure internationaliste dans ses prises de position et recherche un pr・ident capable d'assumer pleinement les crises de politique ・rang・e. Les candidats en ont tenu compte, et la politique ・rang・e qu'ils embrassent est la m・e dans ses grandes lignes, celle-ci ne diff・ant d'un candidat ?l'autre que sur le plan des d・ails, du symbolisme et de la pr・entation. ?ce jour, les sondages n'indiquent pas que les ・ecteurs donnent un avantage certain ?quelque candidat que ce soit dans le domaine de la politique ・rang・e, mais plus l'・h・nce ・ectorale se rapproche, plus les questions de comp・ence et de gestion des crises risquent de prendre de l'importance. Au bout du compte, en d・it de la faible dimension de la politique ・rang・e et du peu de diff・ences qui s・are les candidats, la fa・n dont le public percevra les b・ues commises sur ce terrain pendant la campagne et sa r・ction ?tout nouveau pas de clerc pourraient jouer un r・e d・erminant dans l'issue des ・ections.
Signe de la place effac・ de la politique ・rang・e, ni M. Gore ni M. Bush n'ont beaucoup insist?sur ce th・e dans leurs d・larations publiques. Ils ont tous deux pr・ent?les grandes lignes de leur politique ・rang・e ?l'occasion de quelques discours-programmes dans les premiers temps de leur campagne, adoptant g・・alement une perspective internationaliste (3). Les conseillers et les partisans de M. Bush dans ce domaine, dont Mme Condoleezza Rice, le g・・al Colin Powell, M. Henry Kissinger et le g・・al Norman Schwarzkopf, sans oublier le candidat ?la vice-pr・idence, M. Richard Cheney, ont jou?un r・e de premier plan dans sa campagne et ils vont souvent jusqu'?monter sur le podium avec lui lorsqu'il donne des discours importants de politique ・rang・e, et ce pour apaiser les craintes que suscitent son manque d'exp・ience dans ce domaine. Au vu de la longue exp・ience de M. Gore ?cet ・ard, les conseillers de l'actuel vice-pr・ident pour la politique ・rang・e jouent un r・e plus discret et moins public.
Les deux candidats se sont content・ de modestes allusions ?la politique ・rang・e lors du discours qu'ils ont prononc?? la convention d'investiture de leurs partis respectifs. M. Bush a bien ・oqu?la question de la disponibilit?des troupes au combat non seulement ?cette occasion, mais aussi dans les semaines qui ont suivi, mais le faible avantage que ces d・larations ont pu lui conf・er dans les sondages en mati・e de d・ense a eu un effet limit?en raison des informations diffus・s par les m・ias selon lesquelles le candidat r・ublicain aurait exag・?le manque de pr・aration au combat des deux divisions de l'arm・ de terre qu'il avait mises en cause dans son discours ?la convention d'investiture. De m・e, M. Bush a tent?de prendre l'avantage en mettant l'accent sur la construction d'un syst・e national de d・ense antimissile, mais cela n'a pas ・?tr・ efficace puisque M. Gore lui-m・e a toujours plaid?pour des recherches dans ce domaine et que les essais de ces syst・es ont ・hou??de multiples reprises. Lors de la convention du parti d・ocrate, M. Gore a consacr??la politique ・rang・e quelques paragraphes r・ig・ en termes tr・ g・・aux, passant outre aux suggestions de certains de ses conseillers qui lui recommandaient d'・iminer carr・ent toute mention de la politique ・rang・e (4). Les opinions des deux candidats en mati・e de politique ・rang・e ne divergent gu・e non plus sur d'autres questions r・uli・ement en vedette dans la presse : tous deux ・aient partisans de la normalisation permanente des relations commerciales avec la Chine et tous deux se sont oppos・ ?une proposition de loi visant ?imposer le retrait des troupes am・icaines du Kosovo au cours de l'・?2001.
Reflet peut-・re des diff・ences limit・s entre la politique ・rang・e des deux candidats et de la faible dimension de ce dossier, les sondages r・lis・ au printemps 2000, les derniers en date sur ce sujet au moment de la r・action du pr・ent article, r・・aient que les ・ecteurs ・aient partag・ sur la question de savoir qui, de M. Gore (42 pour cent) ou de M. Bush (43 pour cent), serait le plus capable de s'occuper des affaires ・rang・es (5). Ind・endamment de cette situation d'・uilibre, il semblerait que la politique ・rang・e ait jusqu'?pr・ent davantage fait le jeu de M. Gore. Dans un premier temps, en juin 1999, M. Bush l'emportait nettement sur son rival quant ?la question de savoir qui ・ait le plus ?m・e d'assumer le dossier de la politique ・rang・e, puisque 53 pour cent des personnes interrog・s lui donnaient la pr・・ence, contre 36 pour cent ?M. Gore. L'・osion, au cours de l'ann・ ・oul・, du soutien accord??la politique ・rang・e de M. Bush a certainement tenu en partie au prestige qu'a gagn?le vice-pr・ident en recevant l'investiture de son parti, ce qui est l?un ph・om・e classique. Pour autant, des sondages plus d・aill・ donnent ?penser que les faux pas et les b・ues de M. Bush en mati・e de politique ・rang・e - son r・e effac?sur le sujet du Kosovo et sa tendance ?se m・rendre sur le nom de dirigeants et de diverses personnalit・ - lui ont fait plus de tort que le revirement sur l'affaire Elian Gonzalez n'en a fait ?M. Gore.
Les tergiversations de M. Bush sur le Kosovo
On pourrait dire que l'erreur la plus co・euse qu'ait commise M. Bush en mati・e de politique ・rang・e pendant la campagne ・ectorale, c'est d'avoir tant h・it?avant d'・oncer une ligne d'action claire ?l'・ard de la crise au Kosovo. Lorsqu'elle a ・lat?fin mars 1999, le s・ateur John McCain, qui briguait lui aussi l'investiture du parti r・ublicain pendant les primaires, a imm・iatement d・lar?que les ・ats-Unis, s'ils d・idaient de recourir ?la force, devraient viser la victoire et qu'ils ne devraient pas exclure le d・loiement de forces terrestres. Cette prise de position, d'autant plus remarqu・ qu'elle ・ait celle d'un h・os de la guerre du Vi・ Nam, a permis ?M. McCain de faire beaucoup parler de lui ?la t・・ision comme sur les ondes, notamment pendant les journaux d'information. En revanche, M. Bush a laiss?des semaines s'・ouler avant de se prononcer clairement sur cette crise, et encore s'est-il fait l'・ho de son rival r・ublicain. Ce retard tenait peut-・re ?l'obligation de prudence qui incombait ?M. Bush en sa qualit?de favori pour l'investiture de son parti, mais le fait que ses conseillers de politique ・rang・e aient ・?partag・ sur la question n'y aurait pas ・?・ranger non plus (7). Ind・endamment de la cause de l'ind・ision de M. Bush, cet ・・ement a clairement marqu?l'avance prise par M. McCain sur les autres candidats ?l'investiture du parti r・ublicain et c'est aussi ce qui a oblig?M. Bush ?livrer un combat plus long et plus co・eux, sur le plan tant financier que politique, pour sortir vainqueur de cette ・reuve. Les sondages r・lis・ au New-Hampshire en avril et en mai montraient que M. McCain ・ait grimp??la troisi・e place, derri・e M. Bush et Mme Elizabeth Dole, et dans les sondages nationaux il recevait 6 pour cent des intentions de vote en mai, contre 3 pour cent en mars (8).
M. Bush rate une " "interrogation-surprise "
Des impairs commis par M. Bush, ceux qui sont les mieux connus concernent l'incapacit?dans laquelle il ・ait de citer nomm・ent plus d'un dirigeant sur quatre en r・onse aux questions qu'un journaliste lui avait pos・s ?br・e-pourpoint en novembre 1999 et ses erreurs fr・uentes sur les noms et adjectifs de nationalit?(par exemple, le fait de d・igner les Grecs par l'adjectif d・uet " "Grecian " au lieu du terme de rigueur " "Greek "). Mais ces b・ues n'ont pas provoqu?de baisse imm・iate ni marqu・ de sa cote de popularit?dans les sondages. ?l'・oque, les Am・icains ne s'int・essaient pas trop ?la campagne ・ectorale et, de toutes fa・ns, ils savent faire la part des choses entre la ma・rise des points de d・ail et la question du jugement de l'individu. En revanche, le comportement d・ensif de M. Bush au moment de son " "interrogation-surprise " et le rappel de ses erreurs sur les noms et adjectifs de nationalit?ont fait couler beaucoup d'encre et attaqu?la confiance du public dans son niveau de connaissances sur les affaires ・rang・es. Une recherche faite ?l'aide de la banque de donn・s Lexis-Nexis d'articles de journaux, avec les mots cl・ " "Bush " et " "interro ", a fait appara・re la liste de 96 articles rien que dans la semaine qui a suivi son petit test de connaissances et de 236 articles entre son interrogation ?br・e-pourpoint et la fin d・embre 1999. Une autre recherche, ?l'aide de la m・e banque de donn・s, a produit une liste de 91 articles de journaux, publi・ entre septembre 1999 et la mi-septembre 2000, qui contenaient les mots " "Bush " et " "Grecian ", et ?la fin de cette p・iode on continuait de trouver un ou deux articles par semaine dans lesquels figuraient ces deux mots. Dans le m・e temps, les sondages d'opinion qui mesuraient la confiance du public dans la capacit?de M. Bush ?" "bien g・er " la politique ・rang・e r・・aient que 55 pour cent des personnes interrog・s lui accordaient leur soutien ?la mi-janvier 2000, alors qu'elles ・aient 61 pour cent ?le faire ?la mi-septembre 1999. Selon un sondage effectu?en d・embre 1999, 58 pour cent des Am・icains estimaient que M. Gore ・ait suffisamment inform?sur la politique ・rang・e pour faire un bon pr・ident, tandis que M. Bush ne recueillait le soutien que de 44 pour cent d'entre eux. En revanche, en mati・e de politique ・onomique et de politique relative ?l'・ucation, les deux candidats se talonnaient, l'・art entre eux n'・ant que de 1 ?2 pour cent. L'・art entre MM. Bush et Gore sur le plan de la ma・rise des affaires ・rang・es telle qu'elle ・ait per・e par l'opinion publique s'est maintenu pendant tout le printemps, et les Am・icains donnaient au vice-pr・ident un avantage de cinq ?six points de pourcentage dans deux domaines, celui de " "la capacit??comprendre des questions complexes " et du fait de " "poss・er les connaissances n・essaires pour ・re pr・ident ".
Le revirement de M. Gore dans l'affaire Elian Gonzalez
M. Gore a fait un faux pas qui a terni son image de marque en politique ・rang・e lorsqu'il s'est subitement ralli? fin mars, ?une proposition de loi visant ?accorder le statut de r・ident permanent au jeune Elian Gonzalez, le petit Cubain rescap?de justesse quand son bateau a fait naufrage, ainsi qu'?son p・e et ?d'autres membres de sa famille. Cette position s'inscrivait en faux contre les voeux de la forte majorit?des Am・icains, qui estimaient qu'Elian devait ・re rendu ?son p・e, lequel tenait absolument ?regagner Cuba. Fait plus important encore et qui a des parall・es avec la situation dans laquelle s'・ait trouv?M. Hart en 1984 lorsqu'il avait chang?d'avis sur le statut de J・usalem, la d・ision prise par M. Gore a fait craindre que le candidat d・ocrate ne se soit laiss?ind・ent influencer par un groupe d'int・・ (en l'occurrence les Am・icains d'origine cubaine, ・ablis principalement en Floride). De fait, un sondage r・lis?le 24 avril par le quotidien " "USA Today " r・・ait que 25 pour cent des Am・icains approuvaient la fa・n dont M. Gore traitait le dossier d'Elian, mais qu'ils ・aient 37 pour cent ?d・approuver ses actions et, entre le 30 mars et le 7 avril, il ne recevait plus que 41 pour cent des intentions de vote, contre 45 pour cent pr・・emment, selon les sondages r・lis・ aupr・ d'・ecteurs susceptibles de voter.
Contrairement aux b・ues du candidat r・ublicain, le faux pas de M. Gore ne semble pas lui avoir nui de mani・e durable aupr・ du public. ・ant donn?que M. Gore est connu du grand public depuis plus longtemps que M. Bush, son prestige ne risque pas d'・re aussi affect?par une seule question de politique ou une seule erreur suppos・. En outre, ・ant donn?que le public le voit de plus en plus comme un candidat ?la pr・idence et de moins en moins comme le vice-pr・ident, les sondages montrent qu'il est per・ comme un meneur d'hommes fort et ind・endant, capable de mettre l'int・・ national au-dessus du sien ; la cote de M. Gore a consid・ablement mont?depuis qu'il a prononc?son discours d'investiture et elle se maintient ?un niveau plus ・ev?qu'au printemps.
Conclusions
Malgr?la faible importance que le public attache ?la politique ・rang・e et le fait que les diff・ences ?cet ・ard entre les partis d・ocrate et r・ublicain s'estompent depuis la fin de la guerre froide, les ・ecteurs tiennent compte du sens des valeurs des candidats ?la pr・idence, de leur comp・ence et de leur aptitude ?g・er les crises dans le domaine de la politique ・rang・e. Dans ce contexte, la moindre b・ue peut prendre des proportions d・esur・s. Les erreurs de cette nature ne p・ent pas n・essairement plus lourd dans la balance que les positions des candidats ou les faux pas en politique int・ieure, mais elles peuvent avoir un effet d・erminant dans une ・ection aussi serr・ que celle de l'an 2000. Toute erreur que pourraient commettre avant les ・ections l'un ou l'autre candidat lors d'un d・at, dans une d・laration ou face ?une crise prendrait une dimension nettement sup・ieure ?ce que l'on a vu au d・ut de la campagne, quand les ・ecteurs ・aient somme toute moins attentifs. ?ce jour, c'est M. Gore qui d・ient l'avantage en mati・e de politique ・rang・e. Reste ?savoir si ce sera toujours le cas le jour de l'・ection.
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(1) John E. Rielly, ed. American Public Opinion and U.S. Foreign Policy 1999, Chicago Council on Foreign Relations, 1999. On peut consulter les r・ultats de ce sondage au site Internet : http://www.ccfr.org/publications/opinion
(2) Gallup Poll Monthly, janvier 2000. Sauf indication contraire, les autres r・ultats cit・ ult・ieurement sont ceux des sondages mensuels de la soci・?Gallup, aux dates indiqu・s.
(3) Le site Internet officiel de la campagne ・ectorale des candidats contient chacun le texte de huit ?dix discours sur la politique ・rang・e ; ceux qui ont ・?peut-・re les plus m・iatis・ sont le discours de M. Bush du 19 octobre 1999 et celui de M. Gore du 30 avril 2000.
(4) Melinda Henneberger, " "In Reversal of Speech Process, Gore Wrote and His Aides Then Whittled ", The New York Times, 18 ao・ 2000, p.17
(5) The Gallup Poll Monthly, mai 2000, p. 11
(6) Ibid.
(7) Le 19 novembre 1999, le Washington Post a r・・?qu'un conseiller de M. Bush, M. Dov Zakheim, ・ait contre la mise en route d'une action militaire pour mettre fin ?l'・uration ethnique qui s・issait au Kosovo, alors que M. Paul Wolfowitz y ・ait favorable, d'o?l'ind・ision de M. Bush sur la question.
(8) Ronald Brownstein, " "Crisis in Kosovo Gives McCain's Presidential Bid a Boost ", Los Angeles Times, 22 avril 1999, p. 8; Gallup Polls mars-mai, 1999.