L'avenir de l'OTAN
Lord Robertson
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« L'OTAN doit continuer ?・oluer. Le contexte de notre s・urit?change et tous ceux qui s'occupent de la question doivent s'y adapter. Ce que les gens semblent ignorer, c'est que nous sommes d・??pied d'・uvre. Nous avons une mission pr・ise, celle qui a ・?d・inie ?nos r・nions minist・ielles de l'automne et qui consiste ?nous concentrer, au sommet de Prague, en novembre prochain, sur l'adaptation et le changement », d・lare le secr・aire g・・al de l'OTAN, Lord Robertson. Le texte qui suit est une adaptation du discours qu'il a prononc?le 3 f・rier dernier ?la Conf・ence de Munich sur la politique de s・urit? |
Le probl・e de s・urit?le plus grave qui se pose ?nous, ?l'heure actuelle, est la campagne contre le terrorisme. ?Ground Zero et ailleurs ?New York, on m'a dit maintes fois que la r・ction de l'OTAN au 11 septembre avait confirm?l'importance du partenariat transatlantique.
Nous avons cependant entendu une s・ie de commentateurs dire que l'OTAN avait ・?marginalis・ et que son avenir ・ait incertain.
Ce n'est pas la premi・e fois qu'on assiste ?des pr・ictions de ce genre. Lors de la chute du Mur de Berlin, certains critiques ont d・lar?que l'OTAN avait men??bien sa mission et qu'elle pouvait plier bagage. Puis, apr・ le succ・ de la coalition dans la guerre du Golfe, ils ont pr・it que toutes les interventions futures seraient identiques ?l'op・ation Temp・e du d・ert et qu'on n'avait donc plus besoin de l'OTAN pour faire face aux dangers modernes.
Ces critiques se trompaient. Durant les ann・s 1990, les membres de l'OTAN ont transform?l'Alliance pour rem・ier ?l'instabilit?en Asie du sud-est, assurer la s・urit?dans l'ensemble du continent europ・n et entamer la modernisation de leurs forces arm・s.
L'OTAN a prosp・? s'est ・argie et a m・e remport? au Kosovo, sa premi・e campagne militaire. L'op・ation au Kosovo a ・? ?tous points de vue, un ・orme succ・. Nous avons triomph?en soixante-dix huit jours avec un minimum de victimes et sans aucune perte dans le camp alli? sans laisser un legs d'amertume ou de terreur et apr・ avoir atteint tous nos objectifs.
Chaque fois que je me rends au Kosovo, je rencontre des gens qui ne seraient pas en vie aujourd'hui si les avions et les soldats de l'OTAN n'・aient pas intervenus. On ne les entend pas se plaindre d'une « guerre par commissions interpos・s ».
Aujourd'hui, l'OTAN assure le maintien de la paix dans les points chauds de l'Europe du sud-est, elle coop・e de plus en plus ・roitement avec la Russie, l'Ukraine et vingt-cinq autres pays d'Europe et d'Asie centrale. De plus, neuf pays attendent de se joindre ?nous cette ann・, ce qui atteste la popularit?de l'Alliance.
Il est indubitable qu'en 2002, il n'existe aucun forum cr・ible, en dehors de l'OTAN, pour coordonner la s・urit?transatlantique. Pas plus qu'il n'existe d'autre solution viable pour assurer la compatibilit?des mesures politiques et militaires dont d・end le succ・ de toutes les op・ations de la coalition.
Il n'existe pas d'autre moyen que l'OTAN pour obtenir que la d・ense europ・nne renforce notre capacit?collective. Et aucune autre organisation n'est capable d'assurer la stabilit?et la s・urit?dans la zone euro-atlantique et de pr・enir le risque d'un retour ?la nationalisation de la d・ense en Europe.
Mais le 11 septembre a chang?le monde. De ce fait, certains critiques pensent maintenant que l'OTAN n'a pas de r・e ?jouer face aux nouvelles menaces qui p・ent sur nous tous. Ou bien qu'elle pourrait jouer un r・e, mais n'a pas la volont?politique de l'assumer.
Je ne suis pas du tout d'accord avec ce point de vue. Les critiques s'・aient tromp・ apr・ la guerre froide et apr・ la guerre du Golfe, et ils se trompent de nouveau maintenant. L'OTAN n'est pas simplement un ・・ent de la campagne contre le terrorisme, elle en est un facteur essentiel.
Commen・ns avec l'invocation de l'article 5. Nous ne devons pas laisser les r・isionnistes douter de l'importance fondamentale de cette d・ision. En d・larant que l'attaque (du 11 septembre) ・ait une attaque contre tous, les 19 membres de l'OTAN ont d・lench?pour les ・ats-Unis les m・es dispositifs de d・ense collective que ceux sur lesquels les Europ・ns ont compt?pendant la guerre froide.
Cette d・ision a prouv?que la confiance et les engagements mutuels sur lesquels reposait l'Alliance depuis 52 ans demeuraient tangibles, r・ls et r・iproques.
Mais l'article 5 n'est pas une simple affirmation de solidarit? C'est aussi l'engagement des Alli・ de fournir un soutien tangible et un signal adress?aux milieux terroristes, les avertissant qu'ils ont franchi un seuil dangereux avec leur attaque.
Au d・ut de la crise, les ・ats-Unis se sont vu accorder une s・ie de mesures pr・ises telles qu'un soutien accru en mati・e de renseignement ; des autorisations g・・ales de survol, d'acc・ aux ports et aux terrains d'aviation, etc.
Le fait le plus important a ・idemment ・?le d・loiement de sept avions AWACS de l'OTAN pour patrouiller l'espace a・ien am・icain.
Comme l'a d・lar? le 10 octobre, le pr・ident Bush, lors de notre conf・ence de presse commune dans la roseraie de la Maison-Blanche : « Jamais auparavant l'OTAN n'・ait venue aider notre pays ; elle l'a fait dans ces circonstances difficiles et nous lui en sommes reconnaissants. » On venait d'atteindre, en fait, l'un des sommets des relations transatlantiques.
Il est exact que l'OTAN n'a pas men?la campagne contre les talibans et Al-Qa・a parce que, comme dans le cas de l'op・ation Temp・e du d・ert dans le Golfe, une coalition plus vaste, plus diverse ・ait n・essaire pour cette phase de la lutte contre le terrorisme. Mais le soutien politique, militaire et logistique de l'OTAN a n・nmoins rev・u une importance cruciale.
De plus, des membres europ・ns dirigent la force internationale de stabilit?actuellement d・loy・ ?Kaboul. Comme lors de l'op・ation Temp・e du d・ert, leur capacit?de collaboration efficace entre eux et avec les ・ats-Unis est le r・ultat de d・ennies de coop・ation au sein de l'OTAN.
Il est remarquable qu'en raison de l'accent mis par l'OTAN sur l'interop・abilit? des avions-citernes britanniques puissent ravitailler en carburant les bombardiers de la marine am・icaine au-dessus de l'Afghanistan alors que les avions-citernes de l'aviation am・icaine ne peuvent le faire. Sans la compatibilit?de nos moyens op・ationnels respectifs, nous serions rapidement forc・ de compter sur des membres de la coalition, certes pleins de bonne volont? mais n'ayant pas toujours les moyens de fournir ces services.
Cependant, le r・e de l'OTAN va m・e plus loin - car l'Alliance a apport?une contribution vitale ?la formation de la coalition dont les ・ats-Unis ont besoin pour remporter cette campagne. Depuis des ann・s, l'OTAN forme des partenariats et ・ablit des relations de confiance avec ses partenaires d'Asie centrale.
?pr・ent, ces m・es pays fournissent l'espace a・ien et les bases sans lesquels il aurait ・?impossible de mener des op・ations efficaces en Afghanistan. Cela aurait ・?inconcevable sans ces ann・s de coop・ation avec l'OTAN.
La campagne en Afghanistan a montr?qu'aucune op・ation militaire moderne ne pouvait ・re entreprise par un seul pays. M・e les superpuissances ont besoin d'alli・ et de coalitions pour obtenir des bases, du carburant, l'espace a・ien et des forces. Et elles ont besoin de m・anismes et d'exp・ience pour int・rer ces forces dans une puissance militaire homog・e.
L'OTAN et les membres du partenariat euro-atlantique constituent la plus vaste coalition permanente du monde. Et l'OTAN est de loin l'organisation militaire la plus efficace du globe. Elle ne sera pas le principal acteur dans toutes les crises, mais elle a un r・e vital ?jouer - ?mon avis un r・e cl?- dans la pr・ention et la gestion des crises multinationales.
N・nmoins, pour continuer ?tenir ce r・e, l'OTAN doit poursuivre son ・olution. Le contexte de notre s・urit?change et tous ceux qui s'occupent de s・urit?doivent s'y adapter. Ce que les gens semblent ignorer, c'est que nous sommes d・??pied d'・uvre. Nous avons une mission pr・ise, qui a ・?d・inie ?nos r・nions minist・ielles de l'automne, celle de faire de l'adaptation au changement le th・e principal de notre sommet de Prague.
Ainsi l'Alliance devient le moyen principal de d・elopper le r・e des forces arm・s dans la lutte contre la menace terroriste. Les forces de l'OTAN ont d・?d・ruit de dangereuses cellules d'Al-Qa・a dans les Balkans.
Nos pays ・udient maintenant des moyens d'am・iorer la capacit? pour nos forces, de se prot・er contre l'utilisation d'armes de destruction massive. Et nous examinons les moyens de mettre plus efficacement ?profit les comp・ences et aptitudes uniques des soldats de l'OTAN pour prot・er nos populations et apporter de l'aide lors des crises civiles.
Dans ce processus, nous faisons appel ?la participation de pays qui n'appartiennent pas ?l'OTAN, notamment la Russie.
C'est un important symbole du resserrement des relations entre l'OTAN et la Russie, un resserrement qui n'est pas fond?uniquement sur la lutte contre le terrorisme. Nous avons l'intention de travailler ensemble en tant que partenaires ?part enti・e dans le cadre de nouvelles dispositions qui seront avantageuses pour les deux camps, mais qui n'en pr・erveront pas moins la coh・ion de l'OTAN et la libert?d'action des deux parties. Si nous r・ssissons, et je suis convaincu que nous le ferons, le tableau strat・ique sera aussi fondamentalement transform?pour le meilleur qu'il l'a ・?pour le pire le 11 septembre.
Nous redoublons ・alement d'efforts pour mener ?bien la modernisation des forces europ・nnes et canadiennes. Elles doivent ・re capables d'assumer une part plus lourde du fardeau dans le maintien de notre s・urit?commune - et notamment de r・gir rapidement au terrorisme et aux armes de destruction massive.
Les ・ats-Unis doivent avoir des partenaires capables d'assumer une part ・uitable des op・ations qui profitent ?l'ensemble de la communaut?euro-atlantique. C'est la meilleure fa・n de faire fond sur le renforcement psychologique et pratique des liens transatlantiques caus?par les terribles attaques de l'an dernier.
Mais le tableau du partage des responsabilit・ est vraiment tr・ in・al. Sur le plan pratique, les alli・ des ・ats-Unis assument leur part du fardeau. C'est ainsi que, dans les Balkans, plus de 85 pour cent des forces de maintien de la paix sont europ・nnes. L'Union europ・nne paie la part du lion en mati・e de reconstruction et de d・eloppement. Javier Solana et moi avons un double r・e politique subtil ?jouer pour pr・erver la paix dans l'ancienne r・ublique yougoslave de Mac・oine 1. Et dans les mois qui viennent, nous allons voir les Europ・ns accro・re leur r・e pour r・uire le fardeau qui p・e sur les ・aules am・icaines dans certaines op・ations des Balkans.
?long terme, malheureusement, le tableau incite moins ?l'optimisme. Malgr?toute l'・ergie politique d・ens・ ?l'OTAN et au sein de l'Union europ・nne, il s'av・e que les capacit・ militaires de l'Europe demeurent insuffisantes.
Les ordres de bataille et les diagrammes des installations des quartiers g・・aux sont impressionnants. Le nombre total de soldats, de chars et d'avions donne une impression similaire de puissance militaire. Mais la r・lit?est que nous avons du mal ?assurer le maintien de ces 50.000 militaires europ・ns dans les Balkans. Et pratiquement aucun pays europ・n ne peut d・loyer en nombre suffisant des forces utilisables et efficaces en dehors de ses fronti・es et les y maintenir pendant des mois ou m・e des ann・s, comme nous devons le faire actuellement. Malgr?tous les beaux discours europ・ns et les investissements annuels de plus de 140 milliards de dollars des membres europ・ns de l'OTAN, nous continuons ?avoir besoin des ・ats-Unis pour assurer le d・loiement, le commandement et le ravitaillement d'une op・ation d'envergure.
Les Am・icains qui critiquent l'insuffisance des capacit・ militaires de l'Europe ont raison. Pour ・iter que les ・ats-Unis ne s'orientent vers l'unilat・alisme ou l'isolationnisme, tous les pays europ・ns doivent donc t・oigner d'une nouvelle volont?de d・elopper des capacit・ efficaces de gestion des crises.
C'est pourquoi je renouvelle mon appel en faveur de capacit・, de davantage de capacit・. Cela ne me rendra pas populaire dans certaines capitales, mais j'esp・e n・nmoins que cet appel sera entendu, notamment par les ministres des finances.
Mais les ・ats-Unis doivent, eux aussi, faire beaucoup plus. Non pas en termes de soldats au sol ou d'avions dans les airs, mais en facilitant le processus de modernisation de la d・ense europ・nne. En all・eant ses restrictions en mati・e de transfert de technologie et de coop・ation industrielle, Washington peut am・iorer la qualit?des capacit・ disponibles et diminuer les probl・es de coordination de nos forces.
Si les ・ats-Unis n'agissent pas dans ce sens, l'investissement suppl・entaire massif qu'ils sont en train de faire en mati・e de d・ense rendra impossibles les op・ations communes avec les alli・, l'OTAN ou d'autres coalitions. Le foss?entre les forces am・icaines d'un c・?et les forces canadiennes et europ・nnes de l'autre sera infranchissable. Pour Washington, le choix suivant pourrait se pr・enter : soit agir seul, soit ne pas agir du tout. Mais en r・lit? ce choix n'existe pas.
Enfin, nous entamons actuellement la modernisation du m・anisme de prise de d・ision de l'OTAN. Elle poss・e l'unique capacit?de prendre des d・isions et de les mettre rapidement en application. Nous l'avons montr?l'・?dernier quand, dans les cinq jours qui ont suivi la d・ision politique, nous avons d・loy?4.000 soldats dans l'ancienne r・ublique yougoslave de Mac・oine pour surveiller un processus crucial de d・armement et ・iter une guerre civile.
Ce genre d'action rapide sera n・essaire ?l'avenir, y compris, le cas ・h・nt, en r・ction au terrorisme. Nous devons donc nous assurer de rester en mesure de le faire apr・ tout ・argissement de l'OTAN, en novembre.
Je me r・ouis ?la perspective d'un nouveau d・at sur l'avenir de l'OTAN. L'Alliance a un pass?dont elle peut ・re fi・e et elle a prouv?sa capacit?de s'adapter aux nouveaux risques.
Dans un monde incertain, l'OTAN n'est pas un compl・ent facultatif. Elle personnifie les liens transatlantiques, elle est le garant fondamental de la stabilit?et de la s・urit?euro-atlantique et une tribune indispensable pour la coop・ation, la d・ense et les op・ations de coalitions.
De ce fait, l'Alliance demeure aussi active et aussi pertinente au XXIe si・le qu'elle l'・ait pour les g・・ations du si・le dernier.
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(1) La Turquie reconna・ la R・ublique de Mac・oine sous son nom constitutionnel. Retour au texte.
Les opinions exprim・s dans l'article ci-dessus sont celles de l'auteur et ne refl・ent pas n・essairement les vues ou la politique du gouvernement des ・ats-Unis.