Les infrastructures religieuses africaines
au service de la pr・ention et des soins du VIH/sida


William Rankin


Pr・ident de la Global AIDS Interfaith Alliance (GAIA)
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La Global AIDS Interfaith Alliance (GAIA) est un organisme oecum・ique sans but lucratif qui r・nit d'・inents sp・ialistes du sida, des m・ecins, des eccl・iastiques et des responsables m・icaux africains (dont la plupart sont associ・ ?des dispensaires et des h・itaux affili・ ?une religion), lesquels s'emploient ?construire dans les collectivit・ africaines une infrastructure ?m・e de faire face au VIH/sida.

Dans de vastes parties de l'Afrique, on le sait, les organisations religieuses comptent parmi les rares entit・ qui aient des capacit・ quelconques en mati・e d'infrastructure ; souvent, elles sont d'ailleurs les seules ?en poss・er ne serait-ce que des rudiments. De surcro・, dans le continent, les dispositifs de soins de sant?relevant d'une organisation religieuse repr・entent plus de 40 % de l'ensemble des syst・es de soins. Ces dispositifs arrivent jusqu'aux populations des coins isol・, l?o?le pourcentage de nouvelles infections progresse rapidement.

GAIA a ・?cr蜑e dans le souci d'・auler les organisations religieuses et oecum・iques des pays en d・eloppement, de m・e que les syst・es de soins dont elles sont responsables, pour les aider ?mettre en place une vaste gamme de services de pr・ention et de soins du VIH. Le pr・ent article pr・ente dans ses grandes lignes l'action que nous menons aupr・ de l'une d'elles, en l'occurrence l'Eglise anglicane de Tanzanie (ACT, Anglican Church of Tanzania). Nos m・hodes de travail sont plus ou moins partout les m・es.

L'Eglise anglicane de Tanzanie

La Tanzanie, le plus grand pays d'Afrique de l'Est, se trouve souvent class・ parmi les cinq plus pauvres du monde. Repr・ent・ sur l'ensemble de son territoire, l'ACT est organis・ en circonscriptions eccl・iastiques r・ionales dites « dioc・es », lesquels sont plac・ sous la juridiction d'un ・・ue, de membres du clerg?et de la・s. Dans les grandes r・ions, l'・・ue rel・e de l'autorit?d'un archev・ue.

La paroisse, qui est la circonscription eccl・iastique de base, couvre une large zone g・graphique qui contient elle-m・e entre 6 et 20 congr・ations, dites « antennes », g・・alement organis・s autour d'une congr・ation centrale. La congr・ation principale chapeaute g・・alement un ・ablissement d'int・・ public d'assez grande taille, par exemple une ・ole ou un dispensaire parfois install?dans un b・iment polyvalent en parpaings, recouvert d'un toit en fer blanc ou en chaume. Quelques antennes disposent aussi d'une ・ole ou d'un dispensaire, mais de plus petite taille. Les bancs sur lesquels s'assoient les fid・es pendant le service du dimanche servent de si・es, voire de pupitres, aux ・oliers pendant la semaine. Quand un m・ecin, une infirmi・e ou un agent sanitaire vient en tourn・, les bancs sont install・ dehors, ce qui aide les gens venus pour une consultation ?prendre leur mal en patience.

Au total, la Tanzanie compte douze h・itaux et trente-cinq dispensaires en milieu rural qui appartiennent ?l'・lise anglicane et sont g・・ par elle. Le responsable sanitaire de l'ACT a pour t・he de coordonner les activit・ du syst・e de soins de sant? en ・uvrant en ・roite collaboration avec les directeurs m・icaux des h・itaux, lesquels travaillent en liaison avec les responsables des dispensaires dans leur juridiction.

Pr・enir et soigner le VIH : une question de formation

GAIA a apport?son concours ?une petite ・uipe de planification de l'ACT en vue d'assurer la formation de conseillers et d'agents sanitaires en mati・e de pr・ention du VIH et de soins. Celle-ci s'est ensuite charg・ de coordonner les strat・ies voulues avec les ・・ues, le personnel m・ical, les membres du clerg?et les responsables la・s des dix-sept dioc・es.

Tout a commenc?en 2000 lorsque, de son si・e ?San Francisco, GAIA a contact?par courrier ・ectronique huit personnes en Tanzanie qui avaient ・? s・ectionn・s par le responsable m・ical de l'ACT, un m・ecin australien affect?en Tanzanie depuis 1992 en tant que missionnaire m・ical, et par l'archidiacre, administrateur de haut rang qui rel・e directement de l'archev・ue. Nous avons entam? des n・ociations visant la pr・aration d'un atelier de travail et d'une conf・ence qui se tiendraient pendant cinq jours ?Dar-es-Salaam, en novembre 2000. Il ・ait pr・u que cette rencontre regrouperait 120 participants, lesquels seraient ・us par leurs dioc・es respectifs ou qui repr・enteraient l'une des installations sanitaires de l'ACT.

En septembre, deux membres de GAIA se sont rendus ?Dar-es-Salaam pour s'entretenir avec les organisateurs de l'atelier de travail et r・ler les derniers d・ails concernant les th・es ?aborder, les conf・enciers, le lieu de la rencontre, les questions de logistique et les moyens de veiller ?ce que cette r・nion aboutisse, qu'elle soit adapt・ aux r・lit・ locales et qu'elle se traduise par l'adoption de plans d'action mesurables. Tous les organisateurs sont convenus que ces plans d'action, cens・ ・re cr蜑s en novembre dans le cadre des s・nces de formation, ne devaient pas ・re subordonn・ ?l'octroi de fonds ext・ieurs, car aucune garantie en ce sens ne pouvait ・re pr・lablement formul・.

La conf・ence du mois de novembre a ・?pr・・・ par un ・・ement important, ?savoir le synode des dix-sept ・・ues de l'Eglise de Tanzanie, le 10 octobre 2000. Les hauts dignitaires eccl・iastiques se sont r・olument prononc・ en faveur de la conf・ence ?venir, ・ant conscients de la s・・it?de l'・id・ie et, en particulier, de sa virulence parmi les jeunes. Les ・・ues ont exhort?l'Eglise ?r・gir dans les meilleurs d・ais, ce qui a eu pour effet de l・itimer la conf・ence.

Celle-ci s'est tenue ?Dar-es-Salaam dans un centre de conf・ences appartenant ? l'Eglise catholique. Elle r・nissait des repr・entants de l'UNESCO, de diverses confessions protestantes de Tanzanie, d'un r・eau de soutien des personnes atteintes du sida en Afrique de l'Est, de l'Eglise catholique de Tanzanie, d'une organisation oecum・ique chr・ienne de Tanzanie, de l'« Africa Inland Church », de la mission de l'USAID en Tanzanie, du conseil islamique de Tanzanie (BAKWATA) et du pr・re de l'Eglise anglicane ougandaise responsable des questions li・s au VIH/sida. (Nous avons constat?que plusieurs pays africains s'int・essaient vivement ?la question de savoir comment l'Ouganda avait r・ssi ?r・uire l'incidence du VIH.) La pr・ence de ce parterre d'invit・ a eu des r・ercussions favorables sur les possibilit・ ult・ieures de formation.

Les conf・enciers, venus des quatre coins du pays, ont expos?clairement leurs objectifs. Ils estimaient important de clarifier le r・e de l'Eglise en mati・e de pr・ention, de soins et de soutien ; de diss・iner les informations les plus actuelles sur la transmission du virus ; d'analyser les pratiques culturelles et les questions sociales qui influent sur le taux de s・opositivit?par le VIH ; d'apprendre ?orchestrer des activit・ de mobilisation et, surtout, de formuler des plans d'action qui soient d・aill・ et qui s'ins・ent dans les collectivit・ m・es.

Des sp・ialistes tanzaniens ont abord?de nombreux th・es dans leurs communications, notamment sur la pr・ention du VIH, les soins (prise en charge des orphelins y comprise), la nutrition, l'allaitement, la n・essit?de ne pas mettre les victimes du sida ?l'index et l'assistance tant spirituelle que psychosociale ?apporter aux personnes infect・s ou affect・s par cette maladie. En outre, les conf・enciers ont ・oqu?la n・essit?d'obliger l'opinion publique ?ouvrir les yeux, de relever l'・e auquel les filles ont leur premier rapport sexuel, de rehausser la condition de la femme, de d・ister et de traiter les maladies sexuellement transmissibles (MST), de mieux cerner les perspectives offertes aux organisations religieuses en mati・e d'・ucation et de soins et d'・aborer des strat・ies visant ?・uquer divers groupes cibl・, dont les jeunes, les m・es de famille et les hommes qui travaillent loin du foyer.

Avec l'aide des coll・ues de leur dioc・e, les participants ont consacr?tous les apr・-midi, et toute la derni・e journ・, ?la formulation de plans d'action fond・ sur les enseignements tir・ et adapt・ aux circonstances locales. Au bout du compte, dix-sept plans d'action ont ・?・abor・ ; chacun pr・entait le m・ite de comporter des strat・ies, des objectifs ?moyen et ?long termes et des dates butoirs et pr・isait aussi les individus qui seraient charg・ d'en mettre en ・uvre les diverses composantes. Il a ・? d・id?que chaque plan d'action serait appliqu??l'・helon local et plac?sous la surveillance de responsables la・s, eux-m・es supervis・ par des pr・res, puis par l'・・ue du dioc・e. C'est au responsable sanitaire de l'ACT et ?l'archidiacre qu'incomberait le suivi des activit・ entreprises au quotidien.

R・ultats

Une enqu・e effectu・ ant・ieurement, en mai 2000, sur les activit・ de l'ACT en mati・e de VIH/sida avait r・・?que seulement sept des dix-sept dioc・es avaient financ?des programmes de pr・ention et de soins. Aucun de ces programmes n'・ait tr・ ・abor?

Or, ?l'issue de l'atelier de travail, le 5 novembre 2000, tous les dioc・es avaient mis au point un plan d'action adapt??leurs besoins particuliers. Si certains se fondaient sur des programmes d・?en place, la plupart les avaient ・off・ consid・ablement, ou en avaient cr蜑s de nouveaux. Le plan d'action du dioc・e de Morogoro, par exemple, pr・e la tenue de r・nions sur le th・e du sida entre les autorit・ locales et des eccl・iastiques, la mise en place de comit・ de surveillance du sida, la cr・tion de programmes de d・istage du VIH et d'assistance psychosociale sur une base volontaire, la cr・tion de programmes de soutien psychologique ?l'intention des couples touch・ par le sida et la formation de plus de trois cents ・ucateurs et agents sanitaires en mati・e de d・istage du sida et de soutien.

Depuis le mois de novembre 2000, le responsable sanitaire de l'ACT et d'autres personnes d・ign・s se sont rendus dans tous les dioc・es pour suivre l'・olution des progr・, aider ?r・oudre les probl・es qui se posent et offrir des encouragements. Pour dire les choses simplement, l'infrastructure de l'ACT atteint beaucoup de gens, et les membres de sa hi・archie jouent un r・e crucial pour ce qui est d'assurer un suivi efficace. L'・ucation des collectivit・ ?l'・helon local, dans le cadre et par l'interm・iaire des congr・ations religieuses et du syst・e de soins de sant? et ?l'aide d'un budget tr・ modeste, constitue la cl?de vo・e de ces plans d'action. Par la suite, des interventions ayant donn?des r・ultats particuli・ement prometteurs, conform・ent aux observations faites lors des visites de suivi, ont b・・ici?dans une petite mesure de fonds ext・ieurs.

Par ailleurs, Monseigneur Donald Mtetemela, archev・ue de l'ACT, a ・?invit? ?rendre visite au pr・ident Clinton ?la Maison-Blanche le 1er d・embre 2000 (journ・ mondiale du sida) ; le Conseil islamique de Tanzanie (BAKWATA) a ・?contact? au sujet du calque ・entuel des s・nces de formation tenues ?Dar-es-Salaam ; un h・ital de Dodoma, dans le centre du pays, a b・・ici?d'un don d'urgence qui lui a permis de continuer d'acheter des m・icaments essentiels alors qu'il ・ait temporairement en rupture de fonds ext・ieurs ; une association oecum・ique tanzanienne a ・? cr蜑e pour que les repr・entants de diverses religions puissent disposer d'un si・e unique au Programme de la Tanzanie sur le sida ; et un grand atelier de formation, calqu? en grande partie sur les sessions tenues ?Dar-es-Salaam, a ・?organis?dans l'ouest du pays (Kasulu, Tanganyika occidental) pour deux cent cinquante membres du clerg?de toutes les confessions, dont l'islam.

Conclusion

Nous sommes convaincus que l'infrastructure de l'ACT, forte du soutien de ses ・・ues, des membres de son clerg??l'・helon local et de ses intervenants la・s, tous unis dans la volont?de porter secours ?la population par le biais des paroisses et des organisations qui y sont attach・s, a des effets importants, continus et de grande ampleur sur l'ensemble du territoire tanzanien.

GAIA a beaucoup appris au contact d'une gamme assez vaste d'eccl・iastiques et de dignitaires oecum・iques, d'organisations et de syst・es de soins de sant? en ・uvrant de concert avec eux dans un sentiment de respect. Nous pensons que ces infrastructures apportent un pr・ieux concours pour ce qui est de mettre en place, de soutenir et de faire durer les programmes de pr・ention du VIH, d'・ucation et de soins dont le besoin se fait grandement sentir.

Pour tout renseignement compl・entaire

Un rapport d・aill?relatif ?l'atelier de travail et ?la conf・ence qui ont eu lieu ? Dar-es-Salaam, y compris les plans d'actions des dix-sept dioc・es, est disponible sur demande.

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M. William Rankin est pr・ident de Global AIDS Interfaith Alliance, GAIA, dont l'adresse est : P.O. Box 29110, San Francisco, CA 94129-0110. T・. 415-461-7196. Fax 415-461-9681. Site internet : http://www.thegaia.org

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