La d・ntologie judiciaire et la primaut?du droit
La primaut?du droit constitue l'une des marques de la d・ocratie constitutionnelle, et l'une des composantes fondamentales de la primaut?du droit dans une d・ocratie constitutionnelle est la neutralit? ?l'occasion d'une t・・onf・ence ?laquelle assistaient des juges slov・es, M. Anthony Kennedy, membre de la Cour supr・e des ・ats- Unis, explique comment le pouvoir judiciaire doit garantir la neutralit?de la primaut?du droit tout en maintenant un ・uilibre d・icat entre l'・hique et l'ind・endance judiciaires. |
La d・ntologie et l'ind・endance de l'appareil judiciaire s'imbriquent ・roitement l'une dans l'autre de sorte qu'il est malais?de parler de la premi・e sans ・oquer la seconde.
Le droit est le gage d'une promesse : celle de la neutralit? Si cette promesse n'est pas tenue, si les lois ne sont plus appliqu・s, administr・s ni interpr・・s dans un souci de neutralit? le droit tel que nous le connaissons cesse d'exister (...)
Dans l'appareil judiciaire, ind・endance et neutralit?vont de pair. C'est ?la justice qu'il incombe d'insister pour que les autres pouvoirs lui octroient les ressources, l'appui et les moyens de d・ense dont elle a besoin afin de s'acquitter de sa mission. Mais ceux-ci se r・・ent difficiles ?convaincre, en partie parce que certains l・islateurs s'imaginent que la t・he des juges est ais・. D・ lors, ils rechignent ?augmenter leur traitement ou ?nommer davantage de magistrats. Qui plus est, les ressources ont tendance ?manquer, et les l・islateurs sont bien oblig・ de se soucier des h・itaux, des ・oles et des routes qu'il faut construire (...) Pourtant, un dispositif juridique qui fonctionne bien s'av・e tout aussi important que les h・itaux, les ・oles et les routes si l'on veut encourager la croissance ・onomique et l'・anouissement de la soci・? C'est pourquoi il appartient au juge d'expliquer que les tribunaux et le droit forment une part importante de l'infrastructure fondamentale de toute soci・?
Le concept de la d・ntologie judiciaire
Le concept de l'ind・endance judiciaire s'imbrique dans celui de la d・ntologie judiciaire. Si l'on demandait ?l'un d'entre vous de conf・er avec vos coll・ues des pr・eptes ・hiques qui sous-tendent l'administration de la justice, vous h・iteriez sans doute et vous vous sentiriez g・? Pourtant, c'est un sujet dont il faut imp・ativement parler. Cela ne veut pas dire que la personne qui le soul・e est n・essairement parfaite. Mais c'est le moyen pour nous de veiller ?conserver l'int・rit?et la neutralit?de la justice, dans les apparences comme dans les faits. De fait, la d・ntologie judiciaire, ?l'image de l'ind・endance du pouvoir judiciaire, ne doit sacrifier ni les apparences ni la r・lit? Que l'on con・ive le moindre soup・n de partialit? et c'est l'int・rit?de l'appareil judiciaire tout entier qui se trouve mise en cause.
En gros, on pourrait consid・er que le code de d・ntologie des juges r・ond ?trois grandes pr・ccupations. La premi・e, c'est que tout juge doit s'astreindre ?suivre le code de conduite le plus rigoureux qui soit, dans sa vie tant professionnelle que priv・. Comme son comportement envers sa famille et la soci・?se trouve t・ ou tard connu du public, il doit se conduire avec toute l'impartialit? l'int・rit?et la rectitude que l'on attend des citoyens auxquels sont confi・s les plus hautes responsabilit・.
Sur le plan professionnel, le juge doit ・ouser la conduite qui sied ?un magistrat de haut rang. Son comportement et son temp・ament rev・ent une grande importance. Par exemple, il peut avoir du mal ?se contenir face aux avocats qui prennent plaisir ?ergoter (...) Mais il doit insister pour que l'avocat respecte la dignit?non pas de la personne du juge, mais de la fonction qu'il occupe. C'est tout un art que d'apprendre ?faire marcher les avocats au pas dans une salle de tribunal.
Certains des juges f・・aux les plus ・inents que je connaisse n'ont jamais eu ? sanctionner un avocat pour outrage ?magistrat et ils n'en ont puni aucun. Leurs mani・es, leur carrure, leur comportement, tout en eux inspire un tel respect que pas un avocat n'oserait se rendre coupable d'un comportement fautif envers eux (...) Tout plaideur attend un proc・ loyal. Ce proc・ doit non seulement donner l'apparence de la neutralit? mais aussi l'・re dans la pratique (...) Le juge doit veiller ?ce qu'il se d・oule de mani・e ・uitable ?de multiples ・ards (...) Il doit accorder un temps de parole ・al aux deux parties. Il doit faire preuve de diligence dans ses affaires.
La plupart du temps, le plaideur dont l'affaire a ・?jug・ loyalement consid・e que justice a ・?faite. La majorit?des individus qui saisissent un tribunal sont convaincus que les int・・s de la justice seront servis si seulement la personne qui jugera leur cas se montre impartiale.
L'enjeu du combat : la neutralit?/B>
Le juge doit se d・ier des conflits d'int・・, dans sa vie priv・ comme dans sa vie professionnelle. Des membres de sa famille sont peut-・re employ・ dans l'agriculture, ou le monde des affaires, ou l'industrie. Cela influence-t-il son ・at d'esprit ? Son attitude ? Le fait qu'il soit originaire de telle r・ion plut・ que de telle autre affecte-t- il son jugement ? Tous ces ・・ents laissent leur empreinte sur sa fa・n de voir les choses.
Le secret de l'int・rit?quand on est juge, c'est de toujours se remettre en question. Cela fait plus de vingt ans que j'exerce mon m・ier, et je m'・onne encore de voir que je suis souvent amen??m'interroger comme je le faisais dans les premiers temps : ?nbsp;Ai-je un parti pris, une pr・isposition, une pr・ilection ou un pr・ug?quelconques dont je ne suis m・e pas conscient ? Qu'est-ce qui me pousse ?statuer comme ceci plut・ que comme cela ? ?Je dois examiner ma situation personnelle et ma position intellectuelle pour veiller ?・re ・uitable.
La lutte pour la neutralit? la lutte pour l'・uit?ne cesse pas un instant dans l'esprit du juge. Il faut pouvoir s'appuyer sur des structures externes qui permettent de viser ?la neutralit?absolue (...) quand bien m・e il se pourrait qu'on ne l'atteigne jamais parce que nous sommes tous le produit de nos pr・ug・ et de nos ant・・ents.
Pr・eptes de morale
Pour autant, on peut d・ager certaines r・les fondamentales qui forment la charpente d'un proc・ loyal. En premier lieu, il n'est pas question d'avoir un int・・ financier ou personnel dans l'affaire que l'on juge. Cela semble couler de source, mais comment r・giriez-vous si un membre de votre famille poss・ait des actions dans l'entreprise mise en cause ou que des amis vous laissaient entendre qu'ils aimeraient voir l'affaire tranch・ de telle ou telle mani・e ? Il y a l?conflit d'int・・, et il faut se garder s'y succomber.
Aux ・ats-Unis - et je parle de l'appareil judiciaire ?l'・helon f・・al -, le code de conduite personnelle se double d'un ensemble de pr・eptes ・rits de morale. Pour ma part, j'en conclus que le code de conduite personnelle devrait lui-m・e ・re consign?par ・rit et que les juges devraient en discuter entre eux.
?la lecture, les pr・eptes f・・aux paraissent si simples, si fondamentaux, si ・・entaires qu'ils devraient sans doute faire l'unanimit? On pourrait presque leur reprocher leur c・?simpliste et les qualifier de platitude affligeante. Ces pr・eptes sont au nombre de sept. Personne ne peut y trouver ?redire.
Certains de ces principes, notamment l'obligation de divulgation, refl・ent la position officielle de l'appareil judiciaire des ・ats-Unis en ce qui concerne principalement la n・essit?d'・iter les conflits financiers. Nous avons l'obligation juridique de d・larer tous nos biens, tous nos avoirs, toutes nos participations et toutes nos sources de revenus (...) Nous attachons une telle importance ?la neutralit? m・e dans les apparences, que nous insistons sur la divulgation des participations. Par exemple, un juge qui n'aurait ne serait-ce qu'une seule action dans une soci・?impliqu・ dans une affaire entendue au tribunal, ou dont l'・ouse ou un autre membre de la famille auraient une action dans cette soci・? est obligatoirement r・us?(...) Le juge doit aussi se r・user, m・e si les avocats lui demandent de ne pas le faire, quand il pense avoir un int・・ personnel tel que l'obligation de neutralit?ne serait pas respect・ (...)
Un comit?de juges
?l'・helon f・・al, l'appareil judiciaire est dot?d'un comit?de juges dont la mission consiste ?r・ondre aux questions de tous les magistrats qui s'interrogent sur des points de d・ntologie (...) Charg?de conseiller les juges et de leur rappeler des principes pertinents en la mati・e, ce comit?leur conf・e aussi une certaine mesure de protection. Le juge auquel on reprocherait ult・ieurement d'avoir pr・id?un proc・ pourrait se retrancher derri・e l'avis du comit?
Consid・ez l'exemple suivant. Il y avait un juge qui avait pass?beaucoup de temps sur un dossier tr・ complexe concernant la l・islation antitrust. Pendant qu'il travaillait sur cette question, il a fait la connaissance d'une femme qu'il a ensuite ・ous・. Apr・ coup, il a appris qu'elle poss・ait une quantit?importante d'actions dans les soci・・ auxquelles il avait affaire. Il a donc ・rit au comit?pour solliciter son opinion sur ce qu'il devait faire (...)
Le code d・ntologique doit donc comporter deux dimensions, l'une personnelle et l'autre professionnelle ; il doit se pr・enter sous forme ・rite et pr・oir un m・anisme d'application.
La reconnaissance d'un code judiciaire
De temps ?autre, il arrive qu'un juge commette une faute professionnelle grave et qu'il d・honore la magistrature. C'est alors la justice tout enti・e qui est profan・. C'est ・idemment tragique, mais les juges sont humains, et ?ce titre faillibles (...)
Dans le syst・e f・・al des ・ats-Unis, un juge ne peut ・re destitu?que si le S・at en d・ide ainsi ?l'issue d'une proc・ure de mise en accusation. Ceci ne s'est produit que sept fois tout au long de nos deux cents ans d'histoire. D'autres juges, c・ant aux pressions faites sur eux, ont d・issionn?pour des histoires de corruption, de pots-de-vin, d'alcoolisme ou d'instabilit?mentale.
Ind・endamment de la proc・ure de mise en accusation par le S・at, il existe un m・anisme de discipline qui est invoqu?pour sanctionner ou r・rimander les juges dont le comportement laisse ?d・irer. Ce m・anisme est entre les mains de l'appareil judiciaire lui- m・e, et il me semble tr・ important que tout dispositif de censure ou de r・rimande des juges, sans aller jusqu'?la r・ocation, rel・e du pouvoir judiciaire. Bien s・, il faut que ce pouvoir poss・e un sens de la d・ntologie suffisamment pouss? une tradition d'impartialit? et d'ind・endance suffisamment robuste pour assumer pleinement ses responsabilit・.
Cela fait partie de l'ind・endance du pouvoir judiciaire. Cela ne veut pas dire que nous devons prot・er les membres de notre profession ou dissimuler leurs d・auts ; cela veut dire que nous devons reconna・re sans la moindre ambigu・?la n・essit?d'un code d・ntologique, que celui-ci doit ・re pr・is, que nous devons en comprendre la teneur et que nous devons l'appliquer.
J'ai beaucoup parl? maintenant j'aimerais r・ondre ?vos questions.
Question - La constitution de la Slov・ie dispose qu'un juge peut ・re membre d'un parti politique, mais qu'il ne doit occuper aucun poste dans une organisation politique. Pendant les campagnes ・ectorales ?l'・helon local et r・ional, on s'est longuement interrog?sur la question de savoir si un juge pouvait s'identifier en tant qu'adh・ent ?un parti politique et s'il pouvait soutenir publiquement la candidature d'un individu qui briguerait une fonction publique en dehors du pouvoir judiciaire. Les activit・ politiques de cette nature vous paraissent-elles inconvenantes ?
M. Kennedy - Aux ・ats-Unis, nous avons un appareil judiciaire f・・al, dont je suis membre, et un appareil judiciaire distinct dans chacun des cinquante ・ats qui forment notre pays. Une partie des r・onses que je vais vous donner refl・ent la tradition f・・ale, qui est plus rigoureuse, plus d・ach・ et plus tatillonne sur la question de la s・aration des pouvoirs. Je vais donc vous donner deux r・onses, l'une du point de vue des ・ats et l'autre du point de vue f・・al.
Au niveau de l'・at f・・al, nous serions horrifi・ si un juge soutenait un candidat politique. Une telle action nous para・ incompatible avec la s・aration des pouvoirs qui s'applique ?notre syst・e constitutionnel. Nous consid・ons qu'il n'appartient pas aux juges de poss・er une identit?politique.
Dans les ・ats, un certain nombre de juges sont ・us. Cette particularit?am・e nos amis de plusieurs pays europ・ns ?se demander si les juges peuvent v・itablement ・re ind・endants lorsqu'ils occupent des postes ・ectifs. C'est un point qui commence ? alimenter de tr・ nombreuses discussions aux ・ats-Unis ?cause des sommes consid・ables qui sont affect・s aux campagnes t・・is・s, parfois pour les juges. La question que vous posez sur les juges et la politique touche une corde sensible aux ・ats-Unis aussi.
Pour ・re ind・endant, l'appareil judiciaire doit se dissocier des activit・ politiques. Il ne peut pas se trouver pris dans les disputes de la politique politicienne qui caract・ise n・essairement un syst・e politique vigoureux. Voil?pourquoi il ne me semble pas raisonnable de coller une ・iquette politique aux juges. De m・e, il me para・ hors de question qu'un juge soutienne un candidat politique. L'un des sacrifices auxquels il faut consentir lorsqu'on fait carri・e dans le pouvoir judiciaire, c'est d'accepter que l'on ne pourra plus participer ?certains aspects de la vie publique et de la vie priv・. Au bout du compte, on compromet la neutralit?du pouvoir judiciaire lorsqu'on se lance dans la politique.
Pour ma part, j'estime qu'un juge doit ・re ・alu?et promu en fonction de ses m・ites intellectuels et de son attachement aux principes de neutralit?du droit. Dans la mesure o? votre culture et votre syst・e politique vous le permettent, je prendrais toutes les mesures possibles pour dissocier le juge des activit・ politiques et de soutien des candidats politiques.
Question - La question des changements ?apporter ?la Constitution suscite en ce moment bien des d・ats en Slov・ie. Voyez-vous des obstacles ?ce qu'une association de juges contribue ?l'am・ioration du droit constitutionnel en organisant des discussions ou en participant ?la formulation d'un projet de constitution ?
M. Kennedy - Les juges exercent leur pouvoir dans le cadre de l'appareil gouvernemental. D・ lors, il est n・essaire que les juges - forts de leur exp・ience professionnelle et de leur attachement ?la neutralit?- participent aux discussions et aux activit・ qui sont destin・s ?am・iorer la justice.
Aux ・ats-Unis, nous avons des r・les sp・ifiques qui autorisent les juges ?enseigner et ?prendre part ?des activit・ propres ?am・iorer le droit, et qui vont m・e plus loin encore puisqu'elles les encouragent en ce sens (...)
Quand les juges am・icains cherchent des alli・, ils se tournent souvent vers leurs amis et anciens coll・ues (...) Nous agissons ouvertement, en expliquant nos sujets d'inqui・ude dans une lettre publique. Nous ne pouvons pas nous d・acher du monde au point d'ignorer les questions, les lois et les politiques qui affectent le pouvoir judiciaire, et je ne vois rien d'inconvenant ?ce qu'un juge intervienne dans les activit・ et les discussions de cette nature.
Cela dit, le juge doit prendre grand soin d'indiquer qu'il agit ?titre extrajudiciaire, qu'il ne reprendra pas ces discussions au tribunal et qu'il sera muet sur ces sujets dans ses arr・s ou autres ・rits.
Question - J'ai lu votre code de conduite judiciaire (...) et je voudrais un suppl・ent d'informations quant aux dispositions relatives ?l'application de ces r・les. Quelles sont les cons・uences des transgressions et qui est charg?de les appliquer ?
M. Kennedy - L'appareil judiciaire des ・ats-Unis est divis?en un certain nombre de juridictions, dites ?nbsp;districts ? qui recouvrent tous les ・ats et la ville de Washington. En fait, il y en a douze. Chaque ?nbsp;district ?est pr・id?par un juge, lequel a ?sa disposition un comit?compos?pour moiti?de juges de premi・e instance et pour moiti?de juges de la cour d'appel. Tout citoyen peut d・oser une plainte contre un juge, tout comme un juge peut porter plainte contre un de ses coll・ues.
Certaines des plaintes sont d・u・s de fondement. Elles sont le fait d'un plaideur d蜃u qui porte des accusations sans m・ite contre le juge. Elles font l'objet d'une enqu・e rapide, et le plaideur est d・out? Lorsque les all・ations port・s sont plus graves, plusieurs mesures sont possibles. Dans certains cas, le pr・ident du ?nbsp;district ?et le comit?se bornent ?convoquer le juge pour le remettre dans le droit chemin, en priv?(...) Aucun proc・-verbal n'est r・ig? la seule indication ・rite ・ant que la plainte a ・?re・e et trait・ (...) Le comit?exhorte le juge ?ne plus se comporter de la sorte, il fait ressortir les infractions au code de d・ntologie et souligne le dommage caus?au pouvoir judiciaire.
Si la transgression se r・・e ou qu'elle est plus s・ieuse, le juge peut ・re frapp?d'une censure publique et le pr・ident de la juridiction peut lui interdire de s'occuper de certains dossiers. Le calendrier du juge sera limit?ou les affaires qu'il a mal trait・s pourront lui ・re retir・s.
En cas d'infraction tr・ grave, c'est-?dire en cas de violation flagrante de la d・ntologie judiciaire, le pr・ident du ?nbsp;district ?r・・e le cas du juge au S・at aux fins de mise en accusation. Je crois me souvenir que cela s'est produit deux fois au cours des dix derni・es ann・s, et dans ces deux cas le juge a ・?mis en accusation.
Parfois, les difficult・ proc・ent de l'indiff・ence du juge, de son insensibilit?ou encore de sa paresse (...) Un magistrat doit ・re un ・udit. Il y a des juges qui se croient dispens・ de tout apprentissage suppl・entaire une fois qu'ils font partie de la magistrature. Ils ont tort. C'est pr・is・ent lorsqu'on devient magistrat que l'on commence ?apprendre. Cela fait partie des obligations morales. Parfois aussi, il arrive que des juges - qui ont tous beaucoup trop de travail - deviennent n・ligents et insensibles. C'est pour cela que notre meilleure technique consiste ?leur accorder une aide individualis・ par le biais de leurs coll・ues, ce qui donne de bons r・ultats la plupart du temps.
Je tiens ?dire simplement que dans certains ・ats des ・ats-Unis, il y a des commissions judiciaires habilit・s ?destituer les juges et qui sont compos・s de simples citoyens, et non pas de juges. Le syst・e f・・al ne fonctionne pas comme cela. Les m・anismes en place dans les ・ats sont tr・ diff・ents de ceux que je viens de d・rire.
Question - Je voudrais vous poser une question concernant l'ind・endance des juges par le biais de l'exemple suivant. Un proc・ a ・?ouvert contre une soci・?qui a fait faillite apr・ avoir ・is des obligations ?haut risque. Une enqu・e parlementaire est en cours concernant la responsabilit?des hommes politiques qui sont intervenus dans ces ・issions. Le juge qui serait charg?de l'affaire de banqueroute pourrait-il ・re appel?comme t・oin dans le cadre de l'enqu・e ? Et, si la r・onse est affirmative, quels sont les m・anismes ?la disposition du juge pour se pr・unir contre les questions qui pourraient lui ・re pos・s par les enqu・eurs sur les d・isions prises ?l'・ard de l'affaire en instance ?
M. Kennedy - J'h・ite ?faire des commentaires sur une affaire pr・ise dont je connais pas tous les d・ails, mais votre question soul・e certains grands principes que je peux discuter. Dans la majorit?des cas, nos r・les interdisent sp・ifiquement aux juges d'・re des t・oins de moralit? Toutefois, si un juge poss・e des informations sur des activit・ qui font l'objet d'une enqu・e, il doit, comme tout autre t・oin, communiquer aux autorit・ pertinentes les faits dont il a connaissance. Il doit s'agir des connaissances qu'il a acquises avant de pr・ider l'audience. Et si un juge se livrait ?certaines activit・ financi・es ?titre priv? ou qu'il avait des connaissances acquises ?titre priv? il pourrait bien ・idemment ・re appel?comme t・oin.
Question - Votre code de conduite judiciaire stipule que ?nbsp;le juge peut r・iger des articles, faire des expos・, enseigner des cours et faire des conf・ences sur des sujets non juridiques et participer ?des activit・ artistiques, sportives, ou ?caract・e social et r・r・tif, mais sans qu'il y ait conflit avec ses devoirs judiciaires. ?Je voudrais savoir, premi・ement, si les juges ont besoin d'un consentement quelconque. Dans notre pays, par exemple, nous devons avoir le consentement du pr・ident du tribunal si nous voulons nous livrer ?toute activit?extrajudiciaire. Deuxi・ement, peuvent-ils ・re r・un・・ financi・ement pour ce genre d'activit・ ? Et troisi・ement, ces r・un・ations sont-elles plafonn・s ? Par exemple, un juge peut-il gagner de l'argent en se livrant ?des activit・ extrajudiciaires ?
M. Kennedy - Dans le syst・e f・・al, les juges peuvent gagner de l'argent en enseignant des cours et en ・rivant des articles. Leur salaire est limit?par la loi f・・ale et elle correspond ?environ dix pour cent de leur traitement. Mais il faut avoir la permission pr・lable du pr・ident du tribunal o?l'on si・e pour garantir l'absence de conflit avec les activit・ judiciaires (...) Nous ne pouvons jamais accepter d'argent de la part d'un groupe dont les int・・s sont en jeu au tribunal. Et nous ne pouvons faire des conf・ences que dans les facult・ de droit ou devant les associations professionnelles. En revanche, il est tout ? fait exclu que les juges participent ?des manifestations, des rassemblements, etc.
Pour conclure, je tiens ?dire que je viens de passer une heure absolument fascinante. Il existe une parent? un lien, une marque d'affection entre les juges du monde entier. Nous avons tous les m・es aspirations, les m・es convictions, les m・es difficult・ et tribulations, le m・e sentiment d'accomplissement et de stimulation ?promouvoir la primaut?du droit. Maintenant que le si・le tire ?sa fin, les historiens diront, je le sens, que l'un des plus grands progr・ de notre civilisation au cours des cent derni・es ann・s a ・?le don du droit aux peuples du monde entier. On reconna・ que la primaut?du droit est un droit que chaque homme, chaque femme, acquiert en naissant, et les juges symbolisent ?la fois la r・lit?et les aspirations de ce concept.
Je vous remercie infiniment.