La loi sur la protection des d・onciateurs




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Thomas Devine R・emment, un membre de notre ・uipe de r・action, M. David Pitts, s'est entretenu avec M. Thomas Devine, qui est ?la t・e du service juridique du Government Accountability Project (GAP), association ind・endante ?non lucratif qui d・end les droits des fonctionnaires d・on・nt des activit・ illicites ou nuisibles de leur administration.

M. Pitts - En quoi consiste la loi de 1989 sur la protection des d・onciateurs et pourquoi a-t- elle ・?adopt・ ?

M. Devine - C'est une loi f・・ale qui adapte la protection du premier amendement ?la Constitution des ・ats-Unis relatif ?la libert?de la parole ?l'intention des fonctionnaires qui divulguent des abus de la confiance du public. Elle prot・e ・alement les r・・ations concernant les abus de pouvoir, les gaspillages excessifs, les irr・ularit・ patentes de gestion ou des dangers importants et sp・ifiques pour la sant?ou la s・urit?du public.

Le Congr・ a vot?cette loi dans le cadre d'un mandat unanime et bipartite de " bon gouvernement ". En fait, les principaux auteurs de cette loi ont expliqu?qu'elle aurait tout aussi bien pu ・re appel・ " loi sur la protection des contribuables ". Et ceci contribue ?expliquer pourquoi la loi a ・?vot・ ?l'unanimit?en 1989 et renforc・ en 1994 - ・alement ?l'unanimit? Le Congr・ vote rarement ?l'unanimit?des lois importantes, et encore moins souvent ?deux reprises.

M. Pitts - Comment la loi a-t-elle ・?renforc・ en 1994 ?

M. Devine - Les amendements de 1994 ont ・endu la port・ de la loi de fa・n ?vider de leur substance des arr・s des tribunaux qui avaient interpr・?la loi d'une fa・n qui mena・it de la rendre inefficace.

M. Pitts - Pourquoi ・ait-il n・essaire d'adopter une telle loi alors qu'il existe un premier amendement ?la Constitution ?

M. Devine - Le premier amendement, qui peut ・re invoqu?par tous les citoyens, permet de s'exprimer librement sur tout ce qui concerne le gouvernement. Presque tous les droits conf・・ par la Constitution font l'objet d'une interpr・ation d・aill・ par des lois vot・s par le Congr・. Normalement, ces droits sont essentiellement des d・larations tr・ g・・ales de principes. Nous comptons g・・alement sur le Congr・ pour donner de la substance ?de tels principes et mettre en ・uvre ces valeurs au moyen de lois cr・nt des limites plus tangibles sur lesquelles les citoyens peuvent compter et s'appuyer. Et tel ・ait l'objet de la loi sur la protection des d・onciateurs : appliquer le premier amendement l?o?il compte le plus pour les fonctionnaires qui souhaitent avoir la possibilit?de se comporter en agents du public plut・ qu'en bureaucrates qui se limiteraient ?ex・uter des ordres. La loi vise la libert?de la parole pour les fonctionnaires f・・aux. Mais elle permet aussi ?tous les autres citoyens et aux adjudicataires de march・ publics de faire des r・・ations concernant des cas de forfaiture ou de pr・arication.

M. Pitts - Est-ce qu'il existe des cat・ories de fonctionnaires f・・aux qui sont exclus de l'application de la loi ?

M. Devine - Oui, les fonctionnaires des services du renseignement ou du Bureau f・・al d'enqu・es (FBI) ne sont pas couverts par les dispositions de la loi sur la protection des d・onciateurs ; il en est de m・e pour le personnel judiciaire et le personnel administratif du Congr・.

M. Pitts - Pourquoi ces cat・ories ont-elles ・?exclues ?

M. Devine - Les limites d'application de la loi correspondent au champ d'application du r・ime de la fonction publique et aux r・les d'application d'une proc・ure ・uitable qui existent depuis la fin du XIXe si・le pour les fonctionnaires f・・aux dans le cadre de leur garantie d'emploi. Traditionnellement, les fonctionnaires du pouvoir judiciaire et le personnel administratif du Congr・ ne b・・icient pas de la protection des r・les et des r・lements de la Commission de la fonction publique.

Selon moi, tous ces agents publics devraient cependant ・re inclus dans le champ d'application de la loi sur la protection des d・onciateurs parce que leurs fonctions de service public sont aussi importantes et parfois m・es plus d・icates que celles de leurs coll・ues du pouvoir ex・utif. Mais telle est la limite du champ d'application de cette loi actuellement.

M. Pitts - Comment ・aluez-vous l'efficacit?de cette loi depuis sa mise en vigueur et sa r・ision ?

M. Devine - La loi n'a probablement jamais ・?plus efficace en termes de soutien de l'instance administrative (Merit Systems Protection Board) qui est charg・ de statuer, en vertu de la loi, sur les plaintes qui lui sont soumises. Elle a montr?un engagement sans r・erves vis-?vis des principes du " r・ime du m・ite " sur lesquels cette loi s'appuie, et elle les a appliqu・ de fa・n impartiale, ce qui lui a valu le respect de tous les partis.

En outre, la loi est administr・ par l'Office of Special Counsel, qui effectue des enqu・es officieuses en cas de violations du " r・ime du m・ite ". Depuis 1998, cet organisme a consid・ablement accru la cr・ibilit?dans ce domaine.

Malheureusement, la loi fait l'objet d'interpr・ations judiciaires hostiles d'un tribunal qui a le monopole des appels en la mati・e : la Cour f・・ale d'appel de circuit. Le Congr・ envisage actuellement une nouvelle loi qui permettrait de rendre caducs les arr・s hostiles de cette cour et de donner comp・ence ?d'autres tribunaux de fa・n ?・iter de tels probl・es ? l'avenir.

M. Pitts - Pourriez-vous nous donner un ou deux exemples importants du succ・ de cette loi ?

M. Devine - On peut citer comme exemple de l'utilit?de la loi sur la protection des d・onciateurs la divulgation du fait que la Commission de r・lementation nucl・ire n'a pas fait respecter certaines normes de s・urit?publique lors d'activit・ de construction de centrales. Par exemple, les r・・ations de d・onciateurs ont caus?l'arr・ des travaux de construction dans l'Ohio d'une centrale nucl・ire qui ・ait presque termin・ parce que les lois sur la s・urit? nucl・ire avaient ・?syst・atiquement ignor・s. ?l'issue d'enqu・es approfondies d・lench・s par les r・・ations des d・onciateurs, les propri・aires de la centrale nucl・ire la transform・ent en une centrale thermique qui fonctionne maintenant en toute s・urit?

Citons comme second exemple la d・ense du personnel contre des repr・ailles. Un policier travaillant dans un h・ital relevant du minist・e des anciens combattants d・on・ le comportement raciste et sadique du commissaire de la police locale ?l'・ard des anciens combattants. Le commissaire cong・ia le d・onciateur, mais celui-ci fit valoir ses droits et son licenciement fut annul? Plus tard, le commissaire de police perdit son poste et fut forc?de plaider coupable de divers actes d・ictueux.

Ce sont l?deux exemples de la fa・n dont cette loi permet aux fonctionnaires et autres agents publics de " commettre " la v・it?sans perdre leur emploi. Dans le jargon du " Government Accountability Project ", nous disons que les fonctionnaires f・・aux " commettent " la v・it?quand ils font une d・onciation parce qu'ils sont souvent trait・ comme s'ils avaient commis un crime. Ces deux exemples montrent pourquoi certaines personnes prennent de tels risques et pourquoi de telles r・・ations sont importantes.

M. Pitts - Pensez-vous que la loi sur la protection des d・onciateurs pourrait donner d'aussi bons r・ultats dans d'autres pays ?

M. Devine - Sans aucun doute. Les d・onciateurs sont le facteur humain qui est le talon d'Achille de la corruption bureaucratique. Et les lois sur la libert?de la parole sont des lois sur le " droit de savoir " qui s'adressent non seulement au public, mais aussi aux l・islateurs et aux hauts fonctionnaires qui sont responsables du bon fonctionnement des institutions du pays.

Dans un sens tr・ r・l, les lois sur la protection des d・onciateurs sont cruciales pour les administrateurs car elles leur permettent de recevoir tr・ t・ des avertissements en cas de probl・es et elles leur donnent une s・ieuse possibilit?de limiter les dommages et d'・iter une catastrophe.

Le Conseil de l'Europe, par exemple, exige que les pays membres adoptent des lois sur la protection des d・onciateurs dans le cadre de sa convention contre la corruption. Et la Convention interam・icaine contre la corruption exige que les pays membres de l'Organisation des ・ats am・icains (OEA) se pr・arent ?adapter leurs textes de loi sur la protection des d・onciateurs pour prot・er les personnes qui t・oignent contre la corruption.

L'OEA a fait appel ?notre association pour qu'elle l'aide ?r・iger et ?mettre en ・uvre des lois types sur la protection des d・onciateurs dans ses ・ats membres. Et dans quelques semaines, nous allons participer au lancement d'un programme pilote ?cet effet dans cinq pays d'Am・ique centrale.

M. Pitts - Quel est votre r・e au GAP et quel est le r・e de votre association ?

M. Devine - En tant que directeur du service juridique, je suis le sp・ialiste des droits des d・onciateurs ; je dirige notre campagne visant ?renforcer ces lois et je supervise les affaires auxquelles nous participons.

Le GAP existe depuis 1977. Nous sommes une association ind・endante ?but non lucratif dont la mission est de d・endre les droits des t・oins qui agissent dans l'int・・ public. Nous accomplissons notre mission en donnant des conseils et en repr・entant des personnes qui essayent de se d・endre contre des repr・ailles, tout comme le fait un cabinet d'avocats, mais sans chercher ?faire de b・・ices.

Notre deuxi・e r・e est de r・liser des enqu・es pour aider les d・onciateurs en r・・ant les dissimulations, en poussant leurs employeurs ?rendre des comptes et ?corriger les probl・es expos・ par des personnes qui exercent leur droit de s'exprimer librement.

Notre troisi・e r・e consiste ?contribuer ?la r・action des lois sur la protection des d・onciateurs aux niveaux des ・ats et des collectivit・ locales. Par exemple, le Congr・ a vot? des textes de loi dont nous nous ・ions fait le champion en vue de prot・er les salari・ des centrales nucl・ires et des compagnies a・iennes.

Le quatri・e r・e du GAP est de publier des ouvrages sur les droits des d・onciateurs : sur ce ?quoi les salari・ peuvent s'attendre quand ils prennent des risques et comment ils peuvent agir. Nos publications comprennent tant des livres que des articles de recherche, notamment dans le domaine juridique. Par exemple, en 1997, nous avons publi?le Whistleblower's Survival Guide : Courage Without Martyrdom (Guide des d・onciateurs : courage sans martyre), qui est un guide juridique ?l'intention des salari・ et qui r・ume leurs options sur le plan l・al. C'est l'aboutissement de vingt ans de le・ns apprises au GAP de fa・n ?ce que les futurs d・onciateurs ne souffrent pas autant que les pionniers qui ont collabor?avec notre association.

L'ann・ derni・e, nous avons publi?le premier article expliquant tous les d・ails de la loi sur la protection des d・onciateurs dans la revue de droit administratif de l'American Bar Association.

Je voudrais revenir en arri・e pendant une minute pour discuter les chances de succ・ de la protection des d・onciateurs, en particulier dans les pays ・rangers. Il ne fait aucun doute que divers pays du monde comprennent maintenant que les t・oignages des salari・ qui font des r・・ations dans l'int・・ public sont indispensables.

Aux Pays-Bas, les d・onciateurs sont appel・ " sonneurs de cloches ", comme ceux qui sonnaient jadis les cloches des ・lises pour pr・enir la population d'un danger imminent. Dans certains pays, ils sont appel・ " gardiens de phares ", car leurs avertissements sont comparables ?ceux qui pr・iennent les navires de la pr・ence de rochers et d'autres obstacles risquant de les faire sombrer.

Le th・e commun est qu'il s'agit de personnes qui, quelles que soient leurs raisons, exercent leur droit de libre expression pour avertir le public de menaces pesant sur la soci・? Et ils sont les pionniers du changement. Ce sont des salari・ qui s'attaquent ?la sagesse populaire, qu'elle soit scientifique, politique ou commerciale. Ils emp・hent la soci・?de stagner. Et les avantages des d・onciations ne sont nullement limit・ ?une culture ou un type de r・ime politique particulier. L'information est un pr・lable essentiel ?un exercice responsable de l'autorit? quelle que soit l'id・logie.

L'an dernier, notre association, fid・e ?cette vision des choses, a commenc?une activit?en faveur de la protection des d・onciateurs en dehors des ・ats-Unis. Et cela me ram・e ?votre question sur la nature de notre travail. Nous jouons essentiellement quatre r・es aussi sur le plan international.

Le premier consiste ?fournir une assistance technique aux responsables du secteur public et du secteur priv?qui souhaitent lancer des campagnes en faveur de la protection des d・onciateurs dans leurs pays respectifs. Nous avons re・ des demandes d'assistance de l'Afrique du sud, de l'Argentine, de l'Australie, du Canada, de la Cor・ du Sud, du Royaume-Uni, de la Russie et de la Slovaquie. De nombreuses d・・ations sont venues ?Washington ?l'invitation du d・artement d'・at. ?la suite de l'une de ces visites, nous allons faire des pr・entations au Mexique en septembre pour montrer que les pouvoirs publics peuvent r・llement lutter contre la corruption.

La deuxi・e chose que nous faisons est de nous entretenir avec des repr・entants d'organisations internationales allant de la Banque mondiale ?l'OEA afin de susciter un large accord sur le principe des droits des d・onciateurs, ?la fois au sein de ces organisations et ? l'ext・ieur de celles-ci.

La troisi・e activit?du GAP consiste ?effectuer r・uli・ement des recherches juridiques sur la nature et l'ampleur des droits des d・onciateurs dans divers pays. Par exemple, notre site Internet indique les lois en vigueur et les projets de lois sur la protection des d・onciateurs dans tous les continents.

Enfin, nous suivons de pr・ des proc・ en cours afin de faire consid・er la protection des d・onciateurs comme un droit fondamental de l'homme devant des tribunaux tels que la Commission interam・icaine des droits de l'Homme et la Cour europ・nne des droits de l'homme. ?cet ・ard, nous venons de commencer de diffuser, sur la page internationale de notre site Internet, des ・udes de cas qui illustrent le besoin de prot・er les d・onciateurs ?l'・ranger.

Nous pensons que les repr・ailles contre les personnes qui s'attaquent ?la corruption repr・entent une violation des droits de l'homme. De plus, la d・ense des droits de l'homme en g・・al sera consid・ablement renforc・ si les personnes qui critiquent les violations et les abus de pouvoir b・・icient d'une bonne protection.

Tout ceci vise ?obliger les pouvoirs publics et les entreprises ?rendre des comptes afin de garantir notamment la probit?des intervenants dans l'・onomie de march?et le respect de la soci・?civile, m・e dans des pays qui ont souvent commis des abus, tels que le Chili. C'est l'un des ph・om・es les plus puissants qui se manifestent ?l'heure actuelle.

Les d・onciateurs repr・entent un ・・ent indispensable pour effectuer les contr・es qui permettront d'institutionnaliser l'obligation de rendre compte et de conf・er plus de cr・ibilit? aux efforts visant ?cr・r une soci・?civile. La libert?de la parole a chang?le cours de l'histoire ? maintes reprises aux ・ats-Unis. Et c'est l'un des principes qui d・inissent une v・itable d・ocratie. Cette valeur doit ・re au premier plan du combat pour la mondialisation. Et le fait que de nombreux responsables de par le monde acceptent ces principes comme l'une des fondements de leur politique est tr・ encourageant.

M. Pitts - Derni・e question : qui finance votre association ?

M. Devine - Nous recevons surtout des subventions de diverses petites fondations familiales. Nous acceptons aussi des honoraires d'avocats en cas de succ・ dans des affaires dans lesquelles la d・ision du tribunal fait jurisprudence ainsi que dans d'autres proc・. Mais nous demandons rarement des honoraires dont le montant est sup・ieur ?celui de nos frais, et nous ne demandons une r・un・ation que pour une partie du temps que nous passons ?repr・enter des d・onciateurs. Nous avons ・alement un modeste programme de collecte de fonds par sollicitations postales.

M. Pitts - Et si quelqu'un ?l'・ranger voulait entrer en relation avec vous au sujet des services et des publications de votre association, que devrait-il faire ?cet effet ?

M. Devine - Le mieux est de consulter notre site Internet : http://www.whistleblower.org

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