Mme Melendez est pr・idente de la coalition INDEPENDENT SECTOR qui regroupe des organisations, fondations et associations am・icaines sans but lucratif. Dans l'article ci- apr・, Mme Melendez r・apitule les nombreux apports du monde associatif et le r・e irrempla・ble qu'il joue dans la formation de soci・・ civiles.

Le r・e de la philanthropie dans la cr・tion et le maintien d'une soci・?civile est un sujet qui fait couler beaucoup d'encre dans le monde entier, et le secteur non lucratif tend ?retenir l'attention croissante des d・ocraties naissantes, l?o?nagu・e les dictatures de gauche et de droite r・rimaient toute expression de m・ontentement. Les citoyens de ces pays apprennent maintenant ?vivre en d・ocratie et ?participer aux affaires publiques tout en s'employant ? assurer leur existence mat・ielle au sein d'une ・onomie de march? Aux ・ats- Unis, les tentatives r・entes de r・orme de l'aide sociale ont beaucoup attir?l'attention sur le secteur sans but lucratif.

Ce revirement fondamental dans la fa・n de satisfaire les besoins fondamentaux des citoyens des ・ats-Unis, et le bouleversement encore plus spectaculaire des r・imes politiques ?travers le monde, ne manquent pas de susciter la discussion. Le secteur non lucratif r・ond-il ?un besoin dans une soci・?civile ? Quel r・e joue-t- il dans la soci・?et sous quelles formes se pr・ente-t-il ? S'av・e-t-il suffisamment utile ?la soci・?pour justifier le maintien de l'exon・ation fiscale et des autres avantages dont il b・・icie ? Ces protections sont-elles n・essaires ? l'int・rit? de son fonctionnement ?

Pour r・ondre ?ces questions dans le contexte de la soci・? am・icaine, il convient de se pencher sur le r・e du b・・olat et du civisme dans l'histoire des ・ats-Unis.

Un r・e historique

Toutes les tentatives de changement social, toutes les actions visant ?prot・er les droits de quelque cat・orie de la population que ce soit, ont toujours puis?leurs racines dans le secteur non lucratif dont l'un des atouts majeurs est la diversit?

Les premiers colons qui d・arqu・ent sur les rives du Nouveau-Monde au XVIIe et XVIIIe si・les, en qu・e de libert?religieuse et politique, ou tout simplement d'un avenir meilleur sur le plan ・onomique, ne tard・ent pas ?mettre leur bonne volont?? contribution. Toute famille qui en aidait une autre ?construire une grange, qui h・ergeait un groupe de voyageurs pour la nuit ou qui se rendait utile quand une voisine accouchait, jetait les fondements du b・・olat.

De m・e, les r・acteurs de la Constitution nourrissaient la plus grande d・iance envers l'id・ d'un gouvernement central et puissant, convaincus qu'ils ・aient de la valeur de l'initiative et de la libert?de l'individu. Voyant dans l'action b・・ole le frein mod・ateur de l'・at, ils encourageaient la formation d'associations ayant pour mission de construire des ・oles, d'・eindre les incendies, de recruter les agents charg・ du maintien de l'ordre et de venir en aide ?leurs voisins dans le besoin.

Depuis ces premiers temps, des g・・ations d'Am・icains n'ont pas h・it??offrir gracieusement leurs services au nom de la d・ense des droits du citoyen. Le mouvement abolitionniste du XIXe si・le s'employa ainsi ?rappeler ?l'Am・ique ses obligations conformes ? l'esprit de la Constitution en lui demandant de reconna・re ? tous les individus le droit ?la libert? Au d・ut du XXe si・le, les femmes obtinrent le droit de vote et donc celui de participer ? l'・aboration des lois qui les gouvernent, elles, aussi bien que les hommes. Et plus d'une trentaine d'ann・s plus tard, les Afro-Am・icains allaient leur embo・er le pas pour secouer le joug de la discrimination et de l'oppression qui faisaient d'eux des citoyens de deuxi・e classe encore un si・le apr・ leur ・ancipation.

Dans un pass?plus r・ent, nous avons vu les ・ologistes ・uvrer ? l'am・ioration de la qualit?de l'air que nous respirons et de l'eau que nous buvons. D'autres bonnes volont・ consacrent leur ・ergie ?la restriction des armes ?feu ou encore ?la protection des enfants contre la drogue, l'alcool et le tabac.

Voil??quoi s'emploie le secteur non lucratif d'une soci・? civile. Partie int・rante de la vie de nombreuses collectivit・, il est toujours en qu・e de nouvelles fa・ns de prendre les n・essiteux en charge et d'enrichir la vie des individus, en particulier dans les cas o?l'・at ne comble pas les lacunes ・identes.

La protection de la d・ocratie

La soci・?am・icaine abonde en organisations sans but lucratif -? vocation conservatrice, lib・ale, religieuse, sociale, juridique, etc.- qui se font le champion de la d・ocratie dans une soci・? au sein de laquelle la bureaucratie pourrait devenir entre les mains des puissants une arme contre les faibles (ce que l'on observe parfois).

Si les ・uvres de bienfaisance et l'aide apport・ aux n・essiteux sont des activit・ fondamentales du secteur ind・endant sans but lucratif, il faut reconna・re aussi que les organisations concern・s et les individus qui y collaborent jouent un r・e tout aussi important dans le d・eloppement de la soci・?et de la d・ocratie.

Le secteur non lucratif donne une voix ?ceux que l'on n'entendrait pas autrement. Il s'efforce d'influencer l'action des pouvoirs publics au nom des cat・ories de la population qui ne pourraient pas se faire entendre sans lui. Il ・uvre sans rel・he en veillant ?ce qu'aucun secteur ne soit mieux repr・ent?qu'un autre, sous pr・exte qu'il aurait pour lui l'avantage de l'argent, du pouvoir ou du prestige social. Ainsi l'?nbsp;American Civil Liberties Union ? qui s'emploie ?prot・er l'esprit de la Constitution dans tous les aspects de la vie aux ・ats-Unis, n'est-elle qu'un exemple parmi tant d'autres des organisations soucieuses de donner voix ?tous les citoyens et de prot・er leurs droits.

Enrichir le quotidien

Les organisations sans but lucratif et les activit・ b・・oles visent non seulement ?prodiguer des services et ?consolider la d・ocratie, mais aussi ?enrichir la vie des individus.

Par leurs travaux de recherche et leur mission ・ucative aupr・ des professionnels de la sant? les h・itaux et facult・ de m・ecine du secteur non lucratif ont r・ssi ?sauver des vies et ?am・iorer la qualit?de la vie. Les associations qui militent pour le droit ? la sant?s'emploient ?accro・re l'acc・ aux soins et ?rehausser la qualit?des prestations pour les riches comme pour les pauvres. Par exemple, la Croix-Rouge am・icaine, qui a secouru des millions d'individus ?travers le monde en temps de catastrophe naturelle ou de trag・ie, est le fruit des efforts vaillants et inlassables d'individus d・ou・.

L'abn・ation des sapeurs-pompiers, le d・ouement des individus qui s'entraident et se relaient pour assurer la surveillance de leur quartier ou pour servir de ?nbsp;parents d'appoint ?en cas de besoin, et le labeur des personnes qui participent ?des op・ations collectives d'assainissement de l'environnement nous font go・er ? tous une existence meilleure et plus s・e.

Imaginez donc des collectivit・ d・ourvues d'orchestres, de chorales, de th蛯tres, de biblioth・ues, de mus・s, lesquels existent pour la plupart gr・e aux dons d'argent et de temps que font de simples citoyens et des associations d・ermin・ ?mettre l'art ? la port・ de tous.

Sensibiliser les jeunes aux actions d・int・ess・s

Au cours de la deuxi・e moiti?du XXe si・le, chaque g・・ation s'est familiaris・ avec le concept de la philanthropie et du b・・olat en voyant des adultes respect・ ?l'・uvre. Une enqu・e effectu・ par la coalition am・icaine INDEPENDENT SECTOR, qui regroupe des fondations, des associations et des organisations sans but lucratif, r・・e que les jeunes qui participent ?des activit・ de groupe dans le cadre de patronages paroissiaux, scolaires ou la・ues sont plus susceptibles que les autres de proposer leurs services ? titre b・・ole. Et les jeunes qui apprennent ?donner d'eux-m・es en suivant l'exemple de leurs parents sont plus susceptibles de conserver cette habitude une fois arriv・ ?l'・e adulte.

Depuis quelques ann・s, de nombreuses ・oles aux ・ats-Unis ont mis en place des programmes d'activit・ d'int・・ public qui donnent aux lyc・ns l'occasion de servir la collectivit?et de tirer des enseignements personnels de leurs actions b・・oles. C'est l'exemple m・e de l'apprentissage du civisme ?l'・helon le plus ・・entaire.

Un secteur aux multiples facettes

Le r・e du secteur non lucratif dans une soci・?civilea de multiples facettes : il a pour t・he de prot・er les droits de l'individu, d'enrichir l'existence, de donner voix au chapitre ? ceux qui ne se feraient pas entendre autrement, d'encadrer les jeunes, de pr・arer l'avenir, de d・endre l'environnement, d'offrir un secours aux plus d・unis. Si l'・at devait assurer lui-m・e la totalit? des prestations actuellement fournies par le secteur non lucratif, la facture serait plus lourde. Le monde associatif recueille en effet plus d'un demi- milliard de dollars par an aux ・ats-Unis et il b・・icie du rassemblement de millions de bonnes volont・.

Une autre caract・istique importante du secteur non lucratif tient ?sa relative ind・endance vis-?vis de l'・at. Ce n'est pas ce dernier qui d・ide quelles causes les organisations doivent soutenir, pas plus que la fa・n dont elles doivent agir. Cette libert? d'action rev・ une importance capitale pour les organisations et les individus soucieux de plaider efficacement les causes qui leur sont ch・es. La garantie de la libert?d'expression et de r・nion constitue une composante essentielle de leur action et gr・e ?elle de grandes choses ont pu ・re accomplies pour le plus grand bienfait des Am・icains et des d・unis de ce monde.

Que r・erve l'avenir ?

Une soci・?civile suppose une vigilance constante et des efforts sans rel・he. Une fois cr蜑e, elle n・essite beaucoup d'entretien. Plus les gouvernements contractent leurs effectifs et r・uisent leur budget, plus il nous incombe de prodiguer des services aux ・res moins fortun・ que nous. Au vu de l'att・uation du r・e de l'・at, la n・essit?d'adopter des politiques humaines et justes rend d'autant plus pressant le besoin de prendre fait et cause pour les faibles. Ce r・e est d・olu au secteur non lucratif, m・e si d'aucuns tentent de limiter son r・e et de diluer son influence.

En formant des b・・oles, des philanthropes, des organisateurs et des esprits utopiques - autrement dit des citoyens pour qui la vie, par-del?le privil・e, conf・e une responsabilit?et pour qui la compassion est un devoir plus qu'une qualit?admirable -, le secteur non lucratif peut plaider la cause des pauvres et des riches en faisant appel ?l'action priv・ pour le bien public. La soci・? civile et la d・ocratie ressortent grandies d'une telle entreprise.

Les anciens pays communistes et r・imes totalitaires de droite d・ouvrent actuellement la valeur du secteur philanthropique, ind・endant et non lucratif pour le renforcement de la d・ocratie et la formation d'une soci・?civile. C'est vers ce secteur qu'ils se tournent aux ・ats-Unis pour solliciter des conseils et ・outer la voix de l'exp・ience. Il serait regrettable de laisser ce secteur unique perdre de son envergure et de son efficacit? lui qui a tant contribu??la constitution de soci・・ civiles. Le mariage du civisme au b・・olat pourrait bien ・re notre plus pr・ieux atout au XXIe si・le.