Dans le texte ci-dessous, abrégé de son livre intitulé « Between Hope and History » (« Entre l'espoir et l'histoire », « Hope » étant également le lieu de naissance de M. Clinton, dans l'Arkansas), paru en 1996, le président des États-Unis expose sa conception de la façon dont les individus, les familles, le secteur privé et le gouvernement peuvent assumer ensemble leurs responsabilités individuelles et collectives à l'aube du XXIe siècle.

L'avenir de notre pays repose sur trois valeurs fondamentales qui ont formé le caractère de notre peuple, à savoir : assurer à tous nos concitoyens la possibilité de tirer le meilleur parti possible de leur existence, compter que chacun d'entre eux assumera la responsabilité de saisir cette possibilité, et œuvrer ensemble afin de donner le meilleur de nous-mêmes en tant que nation.

Les possibilités de réussite

La notion de possibilité a été un facteur d'unité tout au long de notre histoire. Elle nous incite à faire le maximum d'efforts. Elle attire d'autres gens vers nos rivages. Et elle nous unit tous dans un rêve américain commun. C'est la première partie du marché offert par les États-Unis à leurs citoyens.

Pour de nombreux Américains, notre époque est la meilleure de toutes. Mais je sais fort bien qu'il y a encore trop de gens qui mènent une existence difficile, des gens pour qui les rouages de notre machine économique ne s'engrènent pas. Cela vient en partie du fait que les emplois et les possibilités offertes aux États-Unis sont dus à un dynamisme économique intrinsèquement turbulent et perturbateur. De nouvelles entreprises sont fondées et d'anciennes disparaissent ; de nouveaux emplois sont crées et d'autres éliminés.

Nous devons admettre que certains de nos concitoyens qui ne demandent qu'à travailler et à respecter les règles du jeu ne sont pas récompensés de leurs efforts. La réponse à leurs difficultés consiste à améliorer la croissance et à augmenter le nombre d'emplois bien rémunérés, à investir davantage dans les gens et dans notre avenir, dans la recherche et la technologie, dans l'éducation et la formation professionnelle et dans le renforcement des familles qui travaillent.

Les perspectives d'avenir de l'Américain moyen sont actuellement influencées par un facteur fondamental : les changements rapides qui s'opèrent dans l'économie et qui affectent les choses que nous produisons, la façon dont nous les produisons et les personnes qui les produisent. La réponse adéquate à ces changements consiste à accroître les investissements dans le facteur humain, les investissements des particuliers, les investissements de l'industrie privée dans ses employés et dans ses techniques de production, et les investissements publics dans la source des possibilités économiques que sont l'éducation, la formation professionnelle et la technologie, afin que nous puissions saisir et partager largement les avantages procurés par ces changements rapides.

Je pense que notre tâche en tant que nation consiste à faire en sorte que les Américains possèdent les capacités nécessaires pour tirer le meilleur parti possible de leur existence en tant qu'individus, en tant que travailleurs et en tant que citoyens. Nous ne pouvons garantir le succès à tous, mais nous pouvons faire en sorte que chaque Américain ait une chance d'y parvenir. Et si nous le faisons, davantage de possibilités s'offriront à tous dans les États-Unis du XXIe siècle.

La responsabilité personnelle

La perspective de réussir ne représente qu'une partie du marché qu'offre à chacun notre pays. L'autre partie est la responsabilité.

Les auteurs de la Constitution le savaient bien. Ils avaient très clairement compris que la liberté ne règne que lorsqu'elle s'accompagne de responsabilités. Dans le préambule de notre Constitution, ils déclaraient que notre objectif était de « nous assurer les bienfaits de la liberté pour nous-mêmes », mais aussi « pour notre postérité ». Ils ajoutaient que nous avions pour devoir de « développer le bien-être général », ce qui, soutenaient-ils, nous empêcherait de ne prêter attention qu'à nous-mêmes pour nous concentrer sur nos responsabilités envers notre prochain. Si bien que, dès le début, possibilités et responsabilité sont allées de pair.

Les États-Unis ont été fondés sur des bases de responsabilité mutuelle. Renforcer ces bases est indispensable si nous voulons que le XXIe siècle corresponde à l'image que nous nous en faisons. Étant donné que les réponses à nos problèmes sociaux exigent des gens qu'ils se prennent en charge et qu'ils assument la responsabilité de leur conduite et leurs obligations, nous devons mettre au point, au niveau de la collectivité, des solutions leur permettant de s'attaquer personnellement à ces problèmes. Nous devons être prêts à aider les gens à prendre des décisions qui ne soient ni désastreuses pour eux-mêmes ni coûteuses pour le reste de la société.

Au cours des quatre dernières années, nous avons assumé cette responsabilité dans quatre grands domaines : nous avons renforcé la responsabilité individuelle et collective grâce la réforme du régime de protection sociale, fait face à nos responsabilités publiques en réinventant le gouvernement fédéral, encouragé les hommes d'affaires à assumer une plus grande part de responsabilité dans le bien-être des travailleurs et de leurs familles, et protégé notre environnement naturel.

Nulle part la question de responsabilité individuelle n'est-elle mieux illustrée que dans le domaine de la protection sociale. Au cours des trois années et demie passées, nous avons simplifié les formalités de l'assistance sociale et approuvé des programmes aidant les gens à passer de la condition d'assisté à celle de travailleur dans une quarantaine d'États, ce qui représente 75 pour cent des personnes assistées aux États-Unis. Avec l'adoption de cette réforme, nous avons maintenant la possibilité de mettre fin à un régime qui sape trop souvent les valeurs fondamentales du travail, de la responsabilité et des familles et qui nuit aux personnes qu'il était censé aider.

La nouvelle loi fédérale donnera aux États et aux collectivités la possibilité de faire accéder les gens au travail, elle imposera des limites de temps à l'octroi des avantages sociaux et accordera l'aide nécessaire, en matière de garde d'enfants et de soins médicaux, pour aider les parents à passer de la condition d'assisté à celle de travailleur sans que leurs enfants en souffrent.

Le gouvernement donne l'exemple dans tous ces domaines. Mais la responsabilité des pouvoirs publics, des milieux d'affaires ou de la collectivité vient après la responsabilité individuelle. En définitive, nous devrons insister pour que les individus, les hommes d'affaires et les collectivités s'aident eux-mêmes et assument la responsabilité d'améliorer la vie aux États-Unis, personne par personne, famille par famille, quartier par quartier, collectivité par collectivité.

Le gouvernement fédéral ne saurait, à lui seul, résoudre tous nos problèmes, bien qu'il ait un rôle important à jouer dans ce domaine. Ce qu'il devrait faire et comment il devrait procéder sont des questions particulièrement importantes tandis que nous nous heurtons aux changements survenus dans le travail et la vie familiale et aux autres problèmes du XXIe siècle. C'est pourquoi la rénovation de notre gouvernement a été un objectif prioritaire au cours des dernières années.

Les auteurs de la Constitution ont crée le gouvernement fédéral pour qu'il assume des responsabilités dont seul un gouvernement national pouvait se charger, notamment en ce qui concerne les affaires étrangères et la défense nationale. Après s'être initialement vu confier un nombre limité de responsabilités, le gouvernement s'est développé pour se charger d'une gamme de plus en plus vaste de questions sociales. Et pourtant, les États-Unis se sont toujours méfiés d'un tel développement. Pendant la majeure partie de notre histoire, notre philosophie à l'égard du rôle du gouvernement est demeurée conservatrice, même quand les circonstances exigeaient un élargissement de ce rôle.

Le débat sur l'ampleur du rôle que devrait jouer le gouvernement a acquis une nouvelle urgence pour trois raisons : premièrement, aucune des anciennes solutions à nos problèmes sociaux n'a donné de très bons résultats ; deuxièmement, nous ne pouvons nous permettre d'avoir un gouvernement prodigue ou trop bureaucratisé ; troisièmement, les changements survenus dans l'informatique et dans l'organisation du travail exigent qu'il apprenne à faire davantage avec des moyens réduits.

La question qui se pose actuellement est la suivante : comment faut-il réformer le gouvernement ? La réponse est que les Américains ne veulent pas voir leur gouvernement réduit à sa plus simple expression. Il y a des tâches dont il doit se charger : il doit notamment nous protéger contre nos ennemis, nous venir en aide quand une catastrophe nous frappe, et lutter contre la criminalité.

Nous ne voulons pas le voir se mêler de toutes nos affaires, mais nous souhaitons l'avoir à nos côtés quand nous avons besoin de lui. La vraie question n'est pas de choisir entre un gouvernement tentaculaire et un gouvernement restreint. Je pense que les États-Unis ont besoin d'un gouvernement à la fois moins important et plus sensible à nos problèmes. Un gouvernement qui transfère le pouvoir du niveau fédéral à celui des États et des collectivités locales dans toute la mesure du possible, un gouvernement qui compte sur le secteur privé quand ce dernier peut faire mieux que lui. Un gouvernement qui fonctionne mieux à moindre frais.

Ainsi, le ministère du logement et de l'urbanisme s'est associé au secteur privé pour faire accéder un nombre record d'Américains à la propriété. Il octroie aux démunis davantage de coupons leur permettant de choisir eux-mêmes leur logement et il s'est engagé à remplacer trois cent mille appartements sociaux en proie à la criminalité par des ensembles immobiliers neufs, entourés de jardins, et plus sûrs.

La responsabilité est le pendant des possibilités et, ensemble, elles constituent les deux faces de la citoyenneté aux États-Unis. Lorsque possibilités et responsabilité sont en équilibre, nous atteignons le but que nous recherchons, c'est-à-dire une communauté d'objectifs.

La collectivité

Travailler ensemble pour trouver un terrain d'entente est l'une de nos valeurs nationales les plus importantes. Les États-Unis sont synonymes non seulement d'indépendance, mais aussi d'interdépendance. Une existence heureuse exige la liberté individuelle et le bien-être matériel, mais également l'entretien de relations communautaires et une réponse aux préoccupations de la collectivité.

Pour bâtir des collectivités fortes, nous avons besoin de familles fortes. Mais à l'heure actuelle, toute une série de problèmes assaillent même les plus vigilants des parents et les meilleurs des enfants. Dans la plupart des familles, la tension de la vie moderne empêche les parents de consacrer à leurs enfants le temps, la somme d'énergie et l'attention dont ceux-ci ont besoin. La majorité d'entre elles ont plus de mal que par le passé à réussir à la fois à la maison et dans leur travail.

Toute société qui force les gens à choisir entre ces deux domaines ne peut qu'échouer. Nous devons aider les familles à réussir chez elles et dans leur travail car elles ne peuvent résoudre ces problèmes par elles-mêmes. En tant que collectivité, nous avons des obligations envers elles. Le gouvernement peut aider, notamment grâce à la loi sur le congé parental et aux programmes de vaccination.

Mais, tout important qu'il soit, le rôle du gouvernement dans l'aide aux familles est limité. Tous les Américains, c'est-à-dire les mères et pères de famille, les organisations communautaires, les milieux d'affaires ainsi que le gouvernement, à tous les niveaux, doivent s'engager à poursuivre cet objectif.

Il y a plus de deux siècles, Thomas Jefferson affirmait que le succès ou l'échec de la démocratie américaine reposaient sur les « francs-tenanciers », c'est-à-dire les petits fermiers, des gens ordinaires qui avaient un enjeu et une responsabilité dans le bon fonctionnement de notre société. Les « francs-tenanciers » d'aujourd'hui sont les familles américaines. Leurs valeurs, la responsabilité qu'elles assument de déterminer leur propre avenir décideront dans une large mesure de celui de notre nation.

Mais les familles ne peuvent pas être fortes si elles s'enlisent dans l'assistance sociale, si elles ne sont pas certaines de pouvoir élever leurs enfants ou si la sécurité de leur foyer ou de leur quartier est menacée. Le renforcement des familles, l'acceptation des responsabilités commencent au foyer avant de s'étendre au quartier, puis à la collectivité pour faire des États-Unis un pays meilleur.

Les grandes religions enseignent toutes le dévouement envers la famille, la charité et la compassion à l'égard du prochain, qui sont précisément les valeurs dont nous avons besoin pour bâtir des communautés stables. Le respect des croyances et de la famille et celui du prochain ont aidé les Américains à travailler ensemble pendant plus de deux siècles.

Si nous continuons à appliquer cette stratégie fondée sur les possibilités, la responsabilité et la collectivité, nous bâtirons une nation dans laquelle tous nos enfants, indépendamment du départ qu'ils auront pris dans la vie, auront la possibilité de vivre leurs rêves.

Notre humble pièce de monnaie d'un cent affirme explicitement que les États-Unis symbolisent à la fois la liberté individuelle et les devoirs envers la collectivité. Sur un côté, près du portrait de Lincoln, figure un seul mot : « Liberté », sur l'autre, notre devise nationale, « E Pluribus Unum », « Tous ensemble ne font qu'un », et non pas « Chacun pour soi ». C'est à la poursuite de ces deux objectifs, la protection de la liberté individuelle et la recherche d'un terrain d'entente, que se mesure notre valeur.

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Extrait de Between Hope and History, du président Bill Clinton. Copyright © 1996 par William Jefferson Clinton. Abrégé avec l'autorisation de Times Books, filiale de Random House, Inc. (Adresse Internet : http://www.randomhouse.com). Il est interdit de faire un usage quelconque du présent article sans l'autorisation expresse et écrite de l'éditeur.

La société américaine
Revues électroniques de l'USIA, volume 1, numéro 20, janvier 1997