LE POINT DE VUE DE SĄŚATEURS DES ĄŚATS-UNIS SUR L'ĄŚARGISSEMENT DE L'OTAN
Des membres du CongrĄŚ tentent de dĄŚinir les paramĄŚres du dĄŚat sur l'ĄŚargissement de l'OTAN de faĄŚn ? clarifier les questions en jeu ?l'intention des citoyens amĄŚicains. La Chambre des reprĄŚentants et le SĄŚat interviennent directement dans la prise de dĄŚision. Comme les lois relatives aux dĄŚenses budgĄŚaires ĄŚanent de la Chambre, celle-ci doit approuver toute affectation au titre de l'ĄŚargissement de l'OTAN. Mais pour que la procĄŚure de ratification aboutisse, les deux tiers des sĄŚateurs doivent consentir ? l'admission de la Pologne, de la Hongrie et de la RĄŚublique tchĄŚue ? l'Alliance. Nous donnons ci-aprĄŚ des extraits de propos tenus par des sĄŚateurs qui ont particip??la premiĄŚe sĄŚie de sĄŚnces organisĄŚs par la commission sĄŚatoriale des relations extĄŚieures sur le thĄŚe du processus ĄŚolutif d'ouverture de l'OTAN. Mme Madeleine Albright, secrĄŚaire d'ĄŚat, a elle-mĄŚe comparu devant la commission le 7 octobre.
M. William Roth, sĄŚateur rĄŚublicain du Delaware
Je comparais (...) devant la sous-commission non seulement ? titre de collĄŚue acquis ?l'objectif de la permanence et du renforcement de l'Alliance transatlantique, mais aussi en ma qualit?de prĄŚident de l'AssemblĄŚ de l'Atlantique Nord et de coprĄŚident du Groupe sĄŚatorial d'observateurs de l'OTAN.
Depuis la chute du mur de Berlin, l'AssemblĄŚ de l'Atlantique Nord, qui regroupe plus de quarante partis politiques issus des seize pays membres de l'OTAN, ĄŚudie les possibilitĄŚ d'avenir de cette Organisation en tĄŚoignant d'un sĄŚieux et d'une persĄŚĄŚance inĄŚalĄŚ par les autres organismes transatlantiques. Le Groupe d'observateurs de l'OTAN, créé en mai au SĄŚat par MM. (Trent) Lott et (Thomas) Daschle, a dĄŚ?siĄŚ?plus d'une douzaine de fois pour examiner les enjeux et les avantages potentiels de l'ĄŚargissement.
Sur la base de mes liens avec l'AssemblĄŚ de l'Atlantique Nord et le Groupe d'observateurs, j'ai l'intime conviction que l'ouverture de l'OTAN s'avĄŚe nĄŚessaire et importante non seulement pour l'Alliance, mais aussi pour les ĄŚats-Unis. Cette ĄŚolution sera-t-elle facile ? Les choses de cette importance le sont rarement. Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? AssurĄŚent. Je m'explique.
ĄŚant l'un des responsables de l'AssemblĄŚ de l'Atlantique Nord, je me suis rendu ?Berlin peu aprĄŚ la chute du mur et j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec un grand nombre des jeunes dirigeants dĄŚocratiques qui commenĄŚient ?apparaĄŚre sur la scĄŚe politique de l'Europe centrale. Les deux pensĄŚs qui me vinrent alors ? l'esprit semblent se contredire. La premiĄŚe, c'ĄŚait que la guerre froide appartenait au pass? et que la dĄŚocratie avait bel et bien triomph? La seconde, c'ĄŚait que l'ĄŚolution sur la voie de la dĄŚocratie ne garantirait pas ?elle seule la paix et la stabilit?sur le continent europĄŚn.
Ayant servi sous les drapeaux pendant la DeuxiĄŚe Guerre mondiale, j'ai appris ?la dure l'importance de la paix et de la stabilit? en Europe pour les ĄŚats-Unis d'AmĄŚique. Pour ma part (...), je considĄŚe que l'ĄŚargissement de l'OTAN nous offre une occasion sans prĄŚĄŚent dans l'histoire de l'humanit? C'est la premiĄŚe fois que nous avons la possibilit?d'intervenir, sans y ĄŚre obligĄŚ par la pression des ĄŚĄŚements, dans l'idĄŚ de faĄŚnner un cadre stratĄŚique qui contribuera ?la paix et ?la stabilit?en Europe. Nous n'agissons pas en rĄŚonse ?une agression ou ?une catastrophe, mais nous jetons les bases de la sĄŚurit?dans une rĄŚion d'importance vitale pour les ĄŚats-Unis.
Quatre arguments de poids expliquent pourquoi l'ĄŚargissement de l'OTAN sert on ne peut mieux les intĄŚĄŚs des ĄŚats-Unis. Le premier, c'est qu'une alliance est d'autant plus forte et d'autant plus capable qu'elle repose sur une large base. L'admission ?l'OTAN de la Pologne, de la Hongrie et de la RĄŚublique tchĄŚue fera gagner ? l'Alliance trois dĄŚocraties qui ont donn?la preuve de leur attachement aux valeurs et aux intĄŚĄŚs chers aux membres de l'OTAN, au nombre desquels figurent les droits de l'homme, l'ĄŚalit?devant la loi et l'ĄŚonomie de march?
Dans chacun de ces trois pays, l'ĄŚonomie est en expansion et l'armĄŚ est placĄŚ sous le commandement de civils. Notons encore, car c'est important, que ces pays ont tous affect?un contingent ? l'opĄŚation ?nbsp;TempĄŚe du dĄŚert ?et pris part ?nos missions de maintien de la paix en HaĄŚi et en Bosnie. Dans la mesure o?l'OTAN est avant tout une alliance militaire et que l'intĄŚration de ces trois dĄŚocraties se traduira par la prĄŚence de trois cent mille soldats supplĄŚentaires, l'Alliance sera mieux placĄŚ pour remplir sa mission fondamentale, qui est d'assurer la dĄŚense collective.
DeuxiĄŚement, l'ĄŚargissement de l'OTAN ĄŚiminera la zone d'instabilit?qui existe actuellement en Europe. ?travers les ĄŚes, l'Europe a abrit?un grand nombre de petites puissances fragiles, un petit nombre de grandes puissances impĄŚialistes et un trop grand nombre de politiques nationalistes de dĄŚense, toutes source de friction les unes entre les autres. Trois fois au cours de notre siĄŚle, cette dynamique a entraĄŚ?l'AmĄŚique dans des guerres sur le continent europĄŚn (...)
L'ĄŚargissement de l'OTAN est le moyen le plus sĄŚ d'accomplir pour l'Europe centrale et orientale ce que l'esprit d'initiative des ĄŚats- Unis au sein de l'Alliance a si bien rĄŚlis?pour l'Europe de l'Ouest. Je pense notamment aux efforts consentis en vue d'encourager et d'institutionnaliser la confiance, la coopĄŚation, la coordination et la communication. Vu sous cet angle, loin d'ĄŚre un acte d'altruisme, l'ĄŚargissement de l'OTAN sert notre intĄŚĄŚ personnel.
TroisiĄŚement, en gardant l'argument ci-dessus ?l'esprit, il s'ensuit que les coĄŚs de l'ĄŚargissement sont nĄŚligeables par rapport ?ceux de l'inaction. Si l'OTAN n'honorait pas jusqu'au bout les engagements qu'elle a pris ?Madrid, ce serait comme si l'Alliance reniait les principes qu'elle a dĄŚendus pendant la guerre froide. Pourquoi ? Parce que l'OTAN dĄŚasse le cadre d'une simple alliance militaire. Elle forme aussi une communaut?de valeurs. Plus qu'une occasion stratĄŚique, l'ĄŚargissement de l'Alliance est un impĄŚatif moral.
Nous ne pouvons feindre d'ignorer les aspirations valables des dĄŚocraties europĄŚnnes qui cherchent ?adhĄŚer ?notre communaut?et ?y contribuer. Si l'ĄŚargissement ne se produit pas, il faut penser au prix que l'on devra payer lorsque l'espoir cĄŚera la place au dĄŚabusement en Europe centrale, que le nationalisme, ayant repris du poil de la bĄŚe aprĄŚ la DeuxiĄŚe Guerre mondiale, viendra combler les lacunes de la sĄŚurit?dans une rĄŚion qui a vu naĄŚre deux guerres mondiales.
D'autre part, il faut envisager la question des coĄŚs en tenant compte des consĄŚuences qui en dĄŚouleront pour la Russie et son combat au nom de la dĄŚocratie. Que l'Europe centrale reste dans la zone floue de l'insĄŚurit? et l'impĄŚialisme historique de Moscou risque de ressurgir. L'ĄŚargissement de l'OTAN constitue un ĄŚĄŚent critique et non comminatoire qui s'inscrit dans le prolongement du partenariat que l'Ouest et l'OTAN ont conclu avec la Russie. Il crĄŚ un contexte rĄŚional dans lequel une Russie dĄŚocratique pourra espĄŚer entretenir avec ses voisins europĄŚns une relation normale et fondĄŚ sur la coopĄŚation.
QuatriĄŚement, l'ĄŚargissement de l'OTAN revĄŚ une importance fondamentale pour l'ĄŚolution de l'Europe en tant que partenaire capable de relever plus efficacement les dĄŚis mondiaux qui se posent ?la communaut?transatlantique. Une Europe sans division et en paix sera mieux placĄŚ pour tourner ses regards vers l'extĄŚieur et se joindre aux ĄŚats-Unis de faĄŚn ?s'attaquer aux problĄŚes mondiaux qui doivent ĄŚre rĄŚolus en matiĄŚe de sĄŚurit? La crĄŚtion d'un partenariat avec une Europe sans division, ĄŚay?par l'architecture de l'OTAN qui a rĄŚist??l'ĄŚreuve du temps, permettra aux ĄŚats-Unis d'affronter plus ĄŚergiquement les menaces pesant sur leurs intĄŚĄŚs vitaux, et ce ?une ĄŚoque o?des pressions croissantes s'exercent sur les budgets de la dĄŚense.
Ces arguments montrent clairement que ce que les ĄŚats-Unis peuvent faire de mieux pour assurer la pĄŚennit?de la paix et de la stabilit? en Europe, pour se prĄŚunir contre l'ĄŚentualit?d'une autre guerre sur ce continent et pour consolider le partenariat ferme et productif nou?avec l'Europe, c'est d'appuyer la crĄŚtion d'une Europe unie, libre et vivant dans la sĄŚurit?
Aucune organisation ne pourra atteindre ces objectifs mieux que l'Alliance de l'Atlantique Nord, elle qui a su maintenir la paix pendant plus de cinquante ans et dont la capacit??surmonter les dĄŚis de l'avenir en matiĄŚe de sĄŚurit?reste inĄŚalĄŚ.
M. Joseph Biden, sĄŚateur dĄŚocrate du Delaware
J'ai manifest?mon soutien ?l'ĄŚargissement de l'OTAN ?de nombreuses occasions, tant dans l'enceinte du SĄŚat que dans des forums privĄŚ ; aujourd'hui, je me bornerai donc ? rĄŚapituler mes raisons.
L'Europe reste un intĄŚĄŚ vital des ĄŚats-Unis. En dehors de l'AmĄŚique du Nord, aucune autre rĄŚion n'a autant de pouvoir politique, ĄŚonomique, militaire et culturel et ne revĄŚ autant d'importance pour les ĄŚats-Unis. L'Union europĄŚnne, par exemple, regroupe un tiers d'habitants de plus que notre pays et son PIB total est lĄŚĄŚement supĄŚieur au nĄŚre. C'est en Europe que l'on trouve une forte proportion des dĄŚocraties du monde. Quels que soient les critĄŚes gĄŚpolitiques retenus, ce serait une catastrophe pour les intĄŚĄŚs des ĄŚats-Unis si l'instabilit?venait bouleverser la situation qui prĄŚaut actuellement en Europe.
Depuis la fin de la guerre froide, de nouveaux dangers menacent l'Europe : les conflits ethniques et religieux ; les incursions (...) ; la criminalit?internationale et la drogue ; et, je crois bon de l'ajouter, le risque de dĄŚtabilisation de l'approvisionnement en pĄŚrole du Moyen-Orient. Pour cette raison, l'ĄŚargissement se conjugue ?une nouvelle doctrine stratĄŚique et ?un dispositif propre ?assurer la mobilit?et la capacit?accrues de la projection des forces, au cas o?la situation l'exigerait. Au vingtiĄŚe siĄŚle, les EuropĄŚns livrĄŚ ? eux-mĄŚes se sont rĄŚĄŚĄŚ incapables de rĄŚoudre pacifiquement leurs diffĄŚends. DĄŚ lors, il me semble que les ĄŚats-Unis doivent continuer de sous- tendre la nouvelle architecture de sĄŚurit? car je ne vois pas qui prendra leur place s'ils se dĄŚistent.
Dans ce contexte, l'admission de la Pologne, de la RĄŚublique tchĄŚue et de la Hongrie ?l'OTAN ĄŚendra la zone de sĄŚurit?? l'Europe centrale, alors que sans leur intĄŚration cette rĄŚion sera en proie ?l'incertitude et ?l'insĄŚurit? La question, je tiens ?le souligner, n'est pas de se demander s'il convient d'ĄŚargir l'OTAN ou de la laisser inchangĄŚ. Madame Albright, le statu quo n'est pas une option. Si nous n'ĄŚargissions pas l'OTAN, les pays situĄŚ entre l'Allemagne et la Russie rechercheraient inĄŚitablement d'autres moyens de se protĄŚer en crĄŚnt des alliances bilatĄŚales ou multilatĄŚales comme ils l'ont fait dans les annĄŚs trente, avec des rĄŚultats analogues, je le prĄŚis.
L'ĄŚargissement rĄŚond en outre ?un puissant impĄŚatif moral : tenir la promesse que nous avons faite aux anciens pays captifs de les accepter dans le giron de l'Ouest, et j'entends par l? de l'OTAN et de l'Union europĄŚnne, parce qu'il me semble que les EuropĄŚns doivent se mettre au diapason. Lorsque ces pays auront toutes les qualifications requises pour adhĄŚer ?ces deux organisations, leur sĄŚurit?sera acquise. Les pourparlers d'accession qui seront engagĄŚ ?l'automne entre l'OTAN et chacun des trois pays aspirant ?en devenir membres, ?savoir la Pologne, la RĄŚublique tchĄŚue et la Hongrie, veilleront ?dĄŚerminer si ces ĄŚats remplissent les critĄŚes exigeants de l'Alliance et, ?en juger d'aprĄŚ mes observations et mes dĄŚlacements, je suis convaincu que c'est le cas.
Il n'est pas dit que l'ĄŚargissement (...) nuira nĄŚessairement ? nos relations avec la Russie. Nous devons, je le crois, redoubler notre engagement politique et ĄŚonomique vis-?vis de ce pays, et l'Acte fondateur OTAN-Russie sign?en mai 1997 reprĄŚente un grand pas dans la bonne direction, au mĄŚe titre, d'ailleurs, que les arrangements conclus dans le cadre du Partenariat pour la paix.
Monsieur le prĄŚident de la commission, ?mon avis, deux grandes questions restent ?rĄŚler avant que le SĄŚat ne puisse ratifier l'admission de nouveaux ĄŚats membres. L'une est directement liĄŚ au dossier qui nous intĄŚesse, l'autre l'est moins, mais toutes deux ont leur importance. Il s'agit de la Bosnie et du partage des coĄŚs. Si la Bosnie est le prototype des crises qui affecteront l'Europe au vingt et uniĄŚe siĄŚle, alors dans les semaines ?venir, et je dis bien dans les semaines ?venir, les ĄŚats-Unis et leurs alliĄŚ de l'OTAN auront grand intĄŚĄŚ ?mettre au point un scĄŚario viable, compatible avec la pĄŚiode de l'aprĄŚ-SFOR (force de stabilisation en Bosnie).
De mĄŚe, s'il est vrai que les ĄŚats-Unis doivent continuer ? assumer un rĄŚe prĄŚondĄŚant ?l'OTAN, il faut ajouter, comme vous l'avez fait vous-mĄŚe, que leurs alliĄŚ europĄŚns et canadien doivent y mettre du leur aussi et assumer leur part ĄŚuitable des coĄŚs de l'ĄŚargissement.
L'ĄŚude dĄŚinitive de l'OTAN sur la question des coĄŚs sera rendue publique en dĄŚembre. En prĄŚision de ce rapport, la prĄŚente commission tiendra le 22 octobre sa troisiĄŚe sĄŚnce sur les coĄŚs de l'ĄŚargissement de l'OTAN. Comme nous examinerons ?ce moment-l? tout ce qui touche aux coĄŚs et au partage des charges, je ne m'ĄŚendrai pas sur la question aujourd'hui.
J'ai l'intime conviction que l'admission de la Pologne, de la RĄŚublique tchĄŚue et de la Hongrie ?l'OTAN -si elles remplissent les conditions exigĄŚs, comme je crois qu'elles le font- servira pleinement l'intĄŚĄŚ des ĄŚats-Unis d'AmĄŚique en matiĄŚe de sĄŚurit? En tenant ces pays ?l'ĄŚart, on ĄŚendrait la zone d'instabilit? au lieu de faire rĄŚner la stabilit?
Or seul l'impĄŚatif moral semble retenir ?l'heure actuelle l'attention d'un grand nombre de mes collĄŚues et du peuple amĄŚicain ; ce que je veux dire par l? c'est que la Pologne, et particuliĄŚement la Hongrie et la RĄŚublique tchĄŚue, s'ĄŚaient retrouvĄŚs derriĄŚe le rideau de fer. Le rideau s'est aujourd'hui lev? et le moment est venu de les laisser se rallier ?l'Ouest. Mais l?o?le consensus fait dĄŚaut (...), c'est sur les raisons qui font qu'une telle ĄŚolution reprĄŚente un intĄŚĄŚ vital pour les ĄŚats- Unis. Rares sont les gens convaincus que l'intĄŚration des armĄŚs polonaise, tchĄŚue et hongroise - aussi vaillantes soient-elles- les aidera ?mieux dormir la nuit.
?l'heure actuelle (...), si l'on demandait au peuple amĄŚicain si l'OTAN rĄŚond ?un besoin et mĄŚite que l'on y consacre cent vingt milliards de dollars par an, il rĄŚgirait comme certains de mes collĄŚues : Pourquoi l'Europe ne peut-elle pas s'en charger ? Le mieux n'est-il pas l'ennemi du bien ? Si l'Alliance s'ĄŚargit, elle perdra de sa vitalit?-comme le disait l'un de mes ĄŚinents collĄŚues de la commission sur les forces armĄŚs lors d'un dĄŚat qui m'opposait ?lui rĄŚemment devant la prĄŚente commission : il n'y a rien de cass? donc rien ?rĄŚarer. Elargir l'OTAN, c'est rĄŚuire les chances de consensus. On a dĄŚ?bien assez de mal aujourd'hui ?obtenir l'accord de seize pays ; si on en rajoute deux ou trois, on aura encore plus de difficult??forger un consensus. La situation finira par rappeler celle de la Pologne il y a trois cents ans, lorsque les princes se rĄŚnissaient ?la DiĄŚe, armĄŚ chacun du droit de veto ; l'Alliance finira par s'ĄŚietter.
Voil?les arguments qui reviennent sans cesse sur le tapis. Tous, cependant, dĄŚoulent de l'argument suivant, qu'un de mes collĄŚues exprime ainsi : ?nbsp;Des six armĄŚs les plus grandes au monde, cinq sont en Asie. Notre avenir ĄŚonomique se jouera en Asie. Or nous allouons une part disproportionnĄŚ de nos ressources en Europe. Pourquoi agissons-nous de la sorte ? ?
?mon avis, tout s'ĄŚlaircira lorsqu'on aura rĄŚondu ?la question suivante : Pourquoi les EuropĄŚns ne peuvent-ils pas se suffire ? eux-mĄŚes ? Leur PIB est supĄŚieur au nĄŚre, leur population plus nombreuse que la nĄŚre. Comme me le disait mon pĄŚe dans un autre contexte, il faut remonter ?l'invasion de l'Europe par les Romains pour trouver une armĄŚ d'occupation qui soit restĄŚ sur place aussi longtemps que nous avons ĄŚ?obligĄŚ de rester en Europe. Pourquoi ?
Je crois que vous, et surtout le PrĄŚident, serez obligĄŚ de justifier cet argument devant le peuple. Pourquoi l'Europe ne peut- elle pas se dĄŚrouiller par ses propres moyens ? Pourquoi notre intervention est-elle nĄŚessaire ?
M. John Warner, sĄŚateur rĄŚublicain de Virginie
Pour ma part, ce programme m'inspire une bonne dose de scepticisme.
Tout d'abord, je voudrais dire rapidement ce qui se passerait, ? mon avis, si la Russie ĄŚait admise ?l'OTAN : je maintiens que ce serait la fin de l'OTAN, parce que l'une des missions primordiales de l'Alliance n'aurait plus lieu d'ĄŚre. Ce serait dommage, parce qu'? mon arrivĄŚ au SĄŚat il y a dix-neuf ans, et pendant mes cinq premiĄŚes annĄŚs passĄŚs dans cette institution, des sĄŚateurs ont pris la dĄŚense de l'OTAN en arguant contre le retrait des ĄŚats-Unis et le rappel de nos soldats, pour des raisons d'ordre ĄŚonomique, mais pour d'autres aussi.
Mais ce qui m'inquiĄŚe le plus (...), ce sont les consĄŚuences de l'admission de nouveaux membres, qui luttent aujourd'hui loyalement et pacifiquement pour leur survie ĄŚonomique, sur les autres pays auxquels le statut de membre de l'OTAN n'aurait pas ĄŚ?confĄŚ? (la Roumanie, la SlovĄŚie et les ĄŚats baltes), lesquels seraient, ? mon humble avis, nettement dĄŚavantagĄŚ ?deux ĄŚards.
PremiĄŚement, la Pologne, la Hongrie et la RĄŚublique tchĄŚue pourraient inciter les ĄŚrangers ?investir dans leur pays en faisant valoir l'argument selon lequel la prĄŚence de l'OTAN renforcerait la sĄŚurit?sur leur territoire, un peu comme les banques se targuent de rappeler ?leurs clients que leurs dĄŚĄŚs sont garantis par une caisse spĄŚiale de l'ĄŚat.
DeuxiĄŚement, ces pays n'auront pas besoin de prĄŚarer leur dĄŚense puisqu'ils feront partie de l'OTAN. J'ai discut?la question avec les ambassadeurs, les ministres des affaires ĄŚrangĄŚes et les ministres de la dĄŚense de ces pays, lesquels ne cachent pas que nous dĄŚenserons le tiers, ou tout au plus la moiti? de la somme que les ĄŚats non intĄŚrĄŚ ?l'Alliance devront payer pour atteindre le niveau de dĄŚense et de sĄŚurit?nĄŚessaire. Tout cela me porte ?croire que nous sĄŚerons la zizanie. Comme nous le constatons aujourd'hui, les conflits ethniques, les querelles de frontiĄŚes et les luttes religieuses compromettent la sĄŚurit?du monde. Que l'on y greffe le combat pour la survie ĄŚonomique, la concurrence, l'adhĄŚion ? l'OTAN et la diminution des coĄŚs de leur dĄŚense, et il n'en faut pas plus pour attiser la discorde entre ces pays.
M. Paul Wellstone, sĄŚateur dĄŚocrate du Minnesota
Sur la question de l'ĄŚargissement de l'OTAN, je suis encore trĄŚ indĄŚis.
Voil?ce que je ne m'explique pas trĄŚ bien : s'il s'agit d'amĄŚiorer l'ĄŚonomie et la dĄŚocratisation de la Hongrie, de la RĄŚublique tchĄŚue et de la Pologne, il n'y a qu'?se tourner vers l'Union europĄŚnne. Je vois mal en quoi une alliance militaire peut satisfaire les besoins de cette nature (...) Nous devons nous demander dans quelle direction nous nous engageons. C'est l'avenir qui compte. Si nous disons, par exemple, que les pays baltes et l'Ukraine seront ? leur tour les bienvenus ?l'OTAN, qu'est-ce qui arrivera en Russie mĄŚe ?
Toutes ces considĄŚations me ramĄŚent ?une seule question, et c'est peut-ĄŚre ma faĄŚn de tirer cette affaire au clair, de dĄŚinir la position qu'il m'incombe de prendre en tant que sĄŚateur. Vous dites que les pays qui rempliront les conditions requises, qui seront fidĄŚes ?la dĄŚocratie, seront accueillis ?bras ouverts. Si la Russie les remplit, sera-t-elle la bienvenue aussi ? l'OTAN ?
Pourquoi chercher ?ĄŚargir une alliance militaire que nous avons créée pour faire contrepoids ?une Union soviĄŚique qui n'existe plus ? Il ne s'agit pas tant de savoir si ?nbsp;la paranoĄŚ en Russie ?sous-tend nĄŚessairement notre politique que de rĄŚlĄŚhir aux consĄŚuences pour l'avenir et de nous demander si cela n'aurait pas pour effet d'attiser l'instabilit?qui se rĄŚĄŚerait si dangereuse pour le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. C'est une question tout ?fait lĄŚitime et trĄŚ importante, et le dĄŚat mĄŚite d'ĄŚre poursuivi.
Il existe donc tout un ĄŚentail de questions : Pourquoi agissons-nous comme nous le faisons ? Quelle menace militaire redoutons-nous ? Comment une alliance militaire s'y prend-elle pour faire prospĄŚer l'ĄŚonomie et rayonner la dĄŚocratie ? Quelles en seront les consĄŚuences en Russie mĄŚe ? N'est-il pas vrai que les forces dĄŚocratiques en Russie sont les plus hostiles ? l'ĄŚargissement ? Et enfin, la Russie aurait-elle le droit un jour d'adhĄŚer ?l'OTAN ?
En ce qui concerne la question des coĄŚs, il faut reconnaĄŚre que c'est un point qui a son importance dans notre pays. Nous sommes tous d'accord, je crois, sur le fait que le problĄŚe se posera avec une vive acuit?si certaines estimations des coĄŚs que nous devrons assumer se situent trĄŚ en-deçŕ des montants rĄŚls, ou si les pays europĄŚns ne sont pas prĄŚs ?dĄŚier les cordons de leur bourse.
M. Richard Lugar, sĄŚateur rĄŚublicain de l'Indiana
Pour ma part, j'estime que le dĄŚat sur l'ĄŚargissement de l'OTAN a jusqu'?prĄŚent nĄŚlig?la question centrale de la raison d'ĄŚre de l'OTAN. C'est pourtant dans cette voie que le SĄŚat devrait orienter ses dĄŚats sur l'adhĄŚion ĄŚentuelle de nouveaux membres, aux fins de ratification (...)
Beaucoup de parlementaires et de membres du gouvernement ont travaill?d'arrache-pied pour garantir la ratification de l'admission de la Pologne, de la Hongrie et de la RĄŚublique tchĄŚue et peut-ĄŚre avons-nous eu trop ?faire pour dĄŚinir l'objectif fondamental de l'OTAN. Il n'empĄŚhe que les questions associĄŚs ?sa mission et au partage des coĄŚs se dessineront en filigrane dans la procĄŚure de ratification. Les rĄŚonses qui seront apportĄŚs se rĄŚĄŚeront dĄŚerminantes, non seulement pour la ratification, mais aussi pour l'avenir de l'OTAN.
PremiĄŚement, l'absence d'un objectif clairement dĄŚini et compris peut compliquer la mise en ĄŚuvre de l'ĄŚargissement en donnant l'impression que la mission exclusive de l'Alliance consiste ? dĄŚendre ses membres contre quelque menace future et mal dĄŚinie venue de l'Est. Si cette prĄŚccupation n'est pas sans mĄŚite, il n'en est pas moins vrai qu'elle risque de dĄŚourner l'attention des armĄŚs alliĄŚs du vrai problĄŚe, en particulier si les intĄŚĄŚs stratĄŚiques des ĄŚats-Unis et de leurs alliĄŚ sont menacĄŚ ailleurs.
DeuxiĄŚement, la distinction entre l'ĄŚargissement et la raison d'ĄŚre de l'Alliance commence ?s'estomper. La question de l'admission ĄŚentuelle d'autres membres pourrait diffĄŚer encore davantage le moment auquel on s'attaquera ?la mission fondamentale de l'OTAN, ou ĄŚre elle-mĄŚe retardĄŚ parce que les missions fondamentales de l'Alliance resteront trop floues.
TroisiĄŚement, la planification des forces de l'Alliance, ses objectifs et ses programmes doivent s'appuyer sur une stratĄŚie militaire, laquelle doit dĄŚouler d'une intention stratĄŚique prĄŚise. Si celle-ci fait dĄŚaut, on peut dire adieu ?une enveloppe adĄŚuate de la dĄŚense et ?la modernisation et ?la restructuration des forces, aujourd'hui obsolĄŚes.
QuatriĄŚement, ce sont des prioritĄŚ d'envergure planĄŚaire qui sous-tendent la stratĄŚie et la technologie des ĄŚats-Unis, alors que les forces europĄŚnnes sont obnubilĄŚs par la dĄŚense de leur territoire et qu'?ce titre elles n'ont rien ?voir, dans une grande mesure, avec les prioritĄŚ des ĄŚats-Unis. Le rĄŚent Examen quadriennal de la dĄŚense ne fait pas grand cas de l'OTAN, de l'Europe ni des alliĄŚ dans la stratĄŚie mondiale des ĄŚats-Unis et la dĄŚinition de leurs besoins. Bref, ?en juger d'aprĄŚ cet examen, la principale alliance des ĄŚats-Unis ne se prĄŚccupe pas de leurs plus gros problĄŚes en matiĄŚe de sĄŚurit? Bien que l'Article 5 du Trait? de Washington mette clairement l'accent sur la dĄŚense du territoire des ĄŚats membres et que l'Article 4 dĄŚinisse le cadre des opĄŚations de paix et de gestion des crises, l'OTAN souffre d'un manque de direction stratĄŚique. Il faudra lui en donner une avant de prendre des dĄŚisions supplĄŚentaires sur les forces, le commandement, la structure et l'adhĄŚion de nouveaux membres, ou au plus tard ? cette occasion.
Au risque de trop simplifier, je dirais que deux considĄŚations stratĄŚiques pourraient guider l'Alliance. La premiĄŚe, c'est que l'OTAN pourrait ĄŚre le garant de la sĄŚurit?europĄŚnne ; ainsi la mission de l'OTAN serait-elle identifiĄŚ avec une mission europĄŚnne et cadrerait-elle avec les dangers qui menacent l'Europe.
La deuxiĄŚe, c'est que l'OTAN pourrait ĄŚre l'instrument par lequel les AmĄŚicains et les EuropĄŚns protĄŚeraient leurs intĄŚĄŚs communs, o?qu'ils soient menacĄŚ dans le monde. Si cette seconde considĄŚation intĄŚre nĄŚessairement la premiĄŚe, il en dĄŚoule en outre que l'Alliance atlantique peut et doit faire face aux nouvelles menaces qui commencent ?planer sur les intĄŚĄŚs de ses membres, par-del? les frontiĄŚes de l'Europe.
La premiĄŚe stratĄŚie s'appuie essentiellement sur des critĄŚes gĄŚgraphiques, tandis que la seconde privilĄŚie la notion d'intĄŚĄŚs (...)
Je me demande donc comment notre gouvernement entend dĄŚinir nos objectifs et la direction stratĄŚique qu'il encouragera au sein de l'Alliance.