Entretien avec Jeremy Rosner
Conseiller sp・ial du
Pr・ident et
du Secr・aire d'・at pour la ratification de l'・argissement de
l'OTAN
Le d・at sur l'・argissement de l'OTAN, qui implique ?nbsp;des garanties solennelles en mati・e de s・urit?et d'importantes sommes d'argent ? aide ?d・inir l'orientation de la politique am・icaine ?l'・ard de la s・urit?europ・nne pour les ann・s ?venir ? affirme M. Rosner, qui se d・lare convaincu que, lorsque ce d・at aura pris fin, le S・at am・icain ratifiera l'admission ?l'OTAN de la Pologne, de la Hongrie et de la R・ublique tch・ue. M. Rosner ・ait interview?par Dian McDonald, directrice de la r・action.
Question - L'・argissement de l'OTAN est-il la question la plus importante que le gouvernement Clinton aura ?r・ler, dans les prochains mois, en politique ・rang・e ?
M. Rosner - C'est certainement l'une de nos priorit・ et ce sera une question importante au Congr・ ・ant donn?que, contrairement ?certaines autres initiatives de politique ・rang・e, elle donnera lieu ?un vote, et que ce vote exige une majorit? des deux tiers.
En raison de l'importance des enjeux d'une telle mesure, il s'agit, pour le pays et pour le S・at, d'un d・at et d'une d・ision extr・ement importants. Dans un certain sens, ce sera la premi・e fois depuis la fin de la guerre froide qu'un d・at sur la politique des ・ats-Unis en mati・e de s・urit?europ・nne aura lieu dans ce pays. Il implique ?la fois des garanties solennelles en mati・e de s・urit? et d'importantes sommes d'argent. Et il nous aide ?d・inir l'orientation de notre politique dans ce domaine pour les ann・s ? venir. Toutes ces raisons font qu'il s'agit d'une d・ision majeure et je suis s・ que le Congr・ la consid・era comme telle.
Question - Dans quelle mesure le gouvernement fait-il pression sur le Congr・ en faveur de l'・argissement de l'OTAN et quelle strat・ie utilise-t-il ?
M. Rosner - Je ne sais pas si je parlerais de pression, mais nous utilisons assur・ent toutes les ressources dont nous disposons pour obtenir gain de cause, ?la fois au Congr・ et aupr・ du public am・icain, car nous pensons que l'・argissement de l'OTAN est bon pour notre s・urit?nationale. Le Pr・ident, la secr・aire d'・at Albright et tous leurs collaborateurs ont consacr? beaucoup de temps et d'efforts ?cette question aupr・ des membres du Congr・ en assistant ?des s・nces parlementaires, en pr・arant des documents ? l'intention de ces derniers, notamment le rapport sur cette question que le Pr・ident a transmis au Congr・ en f・rier dernier et la lettre qu'il a adress・ le 11 septembre ?vingt s・ateurs et dans laquelle il r・ondait ?toute une s・ie de questions fondamentales sur l'・argissement de l'OTAN. Nous nous adressons ・alement au public, et nous sillonnons le pays pour participer ?des forums sur ces questions, nous prenons la parole devant des groupes qui s'int・essent ?l'・argissement de l'OTAN, comme les associations d'anciens combattants, les organisations religieuses, les milieux d'affaires et les groupes ethniques. En raison de l'importance des cons・uences qu'elle aura, une telle mesure exige manifestement beaucoup d'explications, tant au Congr・ qu'en dehors de Washington.
Nous avons tout fait pour stimuler ce d・at d・ que possible. Et, avec la cr・tion de ce bureau (le Bureau du d・artement d'・at charg? d'obtenir la ratification de l'・argissement de l'OTAN), le Pr・ident et la Secr・aire d'・at ont montr?qu'ils souhaitent que l'・argissement de l'OTAN fasse sans tarder l'objet d'un large d・at et ne soit pas le r・ultat d'une d・ision de derni・e minute.
Question - ?votre avis, quel sera l'effet de la lettre adress・ le 17 septembre ?la secr・aire d'・at Albright par le s・ateur Jesse Helms, pr・ident de la commission s・atoriale des relations ext・ieures, et dans laquelle il discutait de l'・argissement de l'OTAN et faisait part de son intention de consacrer plusieurs s・nces de sa commission ?ce sujet ?
M. Rosner - Nous nous f・icitons certainement de cette lettre et de la d・laration du s・ateur selon laquelle il souhaite aider ?la ratification. Nous croyons savoir qu'il a encore certaines r・erves sur ce projet et nous esp・ons que les s・nces parlementaires permettront de r・ondre ?ses inqui・udes et ?celles de ses coll・ues. Nous avons encourag?et accueilli avec satisfaction, d・ le d・ut, les s・nces sur l'・argissement de l'OTAN. La secr・aire d'・at Albright et le ministre de la d・ense, M. Cohen, ont fait une d・osition ?ce sujet en avril dernier devant la commission s・atoriale des forces arm・s. Nous avons particip?activement ? d'autres forums parlementaires sur cette question, et notamment ? des s・nces et r・nions ?la Chambre des repr・entants et avec le Groupe d'observation de l'OTAN que les deux chefs de file du S・at ont ・abli. Nous nous sommes tous r・nis avec ce groupe de fa・n r・uli・e, du Pr・ident, du Vice-Pr・ident et de la Secr・aire d'・at ?leurs collaborateurs. Nous estimons que plus cette question sera d・attue, plus elle recevra de soutien et plus le Congr・ sera rassur? ?son sujet. Et nous esp・ons certainement voir le pr・ident de la commission soutenir l'・argissement de l'OTAN. Nous serions heureux de recevoir son soutien et sommes encourag・ par la d・laration contenue dans sa lettre.
Question - Dans le domaine des affaires ・rang・es, votre bureau participe-t-il actuellement ?des activit・ multilat・ales ou bilat・ales pr・ises li・s ?l'・argissement de l'OTAN ?
M. Rosner - Nous suivons assur・ent de pr・ les efforts d・loy・ ?l'・ranger en faveur de la ratification de l'・argissement de l'OTAN et la fa・n dont la question y est d・attue, en partie parce qu'il est ・ident que les r・ctions de l'・ranger influencent fortement le d・at en cours aux ・ats-Unis, et particuli・ement au Congr・. C'est pourquoi nous suivons de pr・ les d・ats politiques et les commentaires de la presse ・rang・e relatifs ?ce sujet. Nous nous entretenons avec de nombreuses personnalit・ officielles ・rang・es qui s'int・essent ?nos efforts de ratification, afin de mieux comprendre leurs propres initiatives dans ce sens. Et, tout comme mes collaborateurs, je prends la parole ?l'・ranger pour expliquer ce que nous faisons et m'assurer que l'on comprend bien notre d・arche en faveur de la ratification ainsi que les inqui・udes du public et du Congr・ am・icains dans ce domaine.
Question - Quels sont les risques inh・ents au maintien de l'OTAN dans sa composition actuelle, qui est celle de la guerre froide ?
M. Rosner - Je pense qu'il y a plusieurs risques. Et lorsque, au Congr・ et ailleurs, on met l'accent, comme il se doit, sur le co・ de l'・argissement, il conviendrait ・alement de se concentrer sur le prix du statu quo. Comme le Pr・ident l'a d・lar?? propos de cette question dans son rapport de f・rier au Congr・, nous nous exposerions ?de nombreux co・s en n'allant pas de l'avant. Primo, la s・urit?de l'Europe centrale risquerait de demeurer pr・aire et d'・re compromise. Et nous ne devons pas oublier que durant ce si・le, deux guerres mondiales et une guerre froide ont eu en partie leur origine dans cette r・ion, en raison de son ins・urit? et de son instabilit?en divers points. Ce serait donc commettre une erreur historique que de rater l'occasion qui se pr・ente de renforcer la s・urit?et la stabilit?de cette r・ion, car c'est probablement la meilleure chose que nous puissions faire pour ・iter d'・re entra・・ dans une guerre en Europe, comme nous l'avons ・?durant ce si・le.
Secundo, si nous n'・argissons pas l'OTAN, nous ne parviendrons pas ?renforcer l'Alliance. Les trois pays qui vont y ・re admis lui fourniront trois cent mille soldats et d'autres ressources en mati・e de s・urit? Ils ont d・?prouv?leur volont?de contribuer ?la s・urit?au-del?de leurs fronti・es par leur participation aux op・ations men・s lors de la guerre du Golfe et en Bosnie. Et nous laisserions passer l'occasion d'avoir dans l'Alliance trois ・ats capables et vraiment d・ireux de nous aider ?faire face aux nouveaux probl・es de s・urit?en Europe.
Tertio, je pense que si l'・argissement de l'OTAN n'・ait pas envisag? nous ne constaterions pas certaines des tendances tr・ positives qui se manifestent actuellement dans la r・ion. Pr・ d'une douzaine d'accords ont ・?conclus entre ces ・ats pour r・ler leurs probl・es frontaliers et ethniques ; en partie parce qu'ils savent qu'ils doivent le faire pour rendre cr・ible leur demande d'adh・ion ?l'OTAN. Et il est probable que ces tendances ?la stabilit?et ?la d・ocratisation n'auraient pas lieu ?un tel degr? si ce projet n'allait pas de l'avant.
Enfin, je pense qu'il y aurait un prix ?payer en raison de l'image que cela refl・erait de notre conception de l'Europe et de ses divisions. Ne pas ・argir l'OTAN reviendrait, en fait, ?rendre permanente la ligne de d・arcation impos・ en Europe par Staline et maintenue de force tout au long de la guerre froide. Et cette ligne de d・arcation est manifestement r・olue et ill・itime. Donc, si nous cherchons ?la supprimer en Europe, si nous voulons aider ? construire une Europe unie, d・ocratique et en paix, nous devons n・essairement commencer par admettre dans l'OTAN les pays d'Europe centrale qui remplissent les conditions requises et entamer un processus qui permettra d'en admettre d'autres par la suite.
Question - Pensez-vous que les estimations tr・ diverses du co・ de l'・argissement de l'OTAN mentionn・s dans les m・ias pourraient jouer un r・e d・isif dans l'issue du d・at sur cette question ?
M. Rosner - Le Congr・ ・udiera certainement de tr・ pr・ le co・ de l'・argissement de l'OTAN. Il a d・?fait part de ses vives pr・ccupations ?ce sujet. Et il devrait pr・er une grande attention ?la question ?une ・oque o?nous nous effor・ns d'・uilibrer le budget. Mas je pense que maintenant que nous savons quels pays vont ・re admis ?l'OTAN, et que l'OTAN proc・e ?sa propre estimation des ressources que cela implique, les membres du Congr・ seront en mesure, au cours des prochains mois, d'acqu・ir plus d'assurances sur cette politique et de comprendre le co・ qu'elle entra・era. Et je pense que, quand tout cela deviendra clair, ils auront une base plus concr・e sur laquelle s'appuyer pour r・ondre ? la question fondamentale de savoir si les avantages de cette mesure justifient son co・. Nous consid・ons cela comme un investissement relativement modeste qui sera extr・ement rentable. Selon nos estimations, la contribution des ・ats-Unis devrait se situer entre cent cinquante et deux cents millions de dollars par an pendant les dix prochaines ann・s. Et si l'on compare ce montant aux milliards que nous avons d・ens・ durant la Seconde Guerre mondiale et aux billions que nous avons d・ours・ durant la guerre froide, il nous semble que, si cela nous permet de nous procurer des d・ennies de s・urit?et de stabilit?en Europe centrale et dans le reste de ce continent, ce sera un excellent investissement.
Question - Quelle est la signification des mesures prises au sommet de Madrid pour la s・urit?europ・nne et pour la restructuration et l'avenir de l'OTAN en tant qu'organisation ?
M. Rosner - Le sommet de Madrid a ・?v・itablement historique. L'Alliance a pris la d・ision d'inviter la Pologne, la Hongrie et la R・ublique tch・ue ?entamer le processus d'adh・ion ? l'Alliance. Il s'agit certainement de la d・ision la plus importante qui ait ・?prise depuis la fin de la guerre froide, et cela ? bien des titres. De plus, l'Alliance s'est d・lar・ pr・e ?admettre d'autres membres ?l'avenir. Elle a soulign?en particulier les progr・ de la Roumanie et de la Slov・ie, et a pris note de l'espoir des pays baltes de pouvoir, eux aussi, devenir membres de l'OTAN.
En outre, le sommet de Madrid a poursuivi le processus d'adaptation de l'OTAN, ses am・iorations, la simplification de ses structures de commandement, ses efforts pour accro・re ses moyens de diverses fa・ns, notamment par l'interm・iaire du Conseil de partenariat euro- atlantique, du renforcement du Partenariat pour la paix, de la charte avec l'Ukraine et de l'Acte fondateur sur les relations, la coop・ation et la s・urit?mutuelles entre l'OTAN et la F・・ation de Russie. Collectivement, ces initiatives spectaculaires orientent fermement l'OTAN vers les nouvelles t・hes li・s ?la s・urit?de l'Europe et vers l'objectif dont nous avons parl? ?savoir une Europe r・llement unie, d・ocratique et en paix, peut-・re pour la premi・e fois de son histoire.
Question - Comment l'・argissement de l'OTAN affectera-t- il les relations des ・ats-Unis avec les pays non membres de l'OTAN, autres que ceux dont on envisage l'admission ult・ieure ?
M. Rosner - Quand on examine toute la s・ie d'initiatives qui ont ・?prises pendant cette p・iode, non seulement le projet d'admission des trois pays, mais la politique de la porte ouverte, les nouveaux accords avec la Russie et l'Ukraine, le renforcement du Partenariat pour la paix, ainsi que nos propres efforts bilat・aux avec les ・ats de la r・ion, on voit clairement pourquoi tant d'・ats de la r・ion qui, ?Madrid, n'ont pas ・? invit・ ?entamer le processus d'adh・ion, ont n・nmoins d・lar? soutenir fermement les d・isions prises ?ce sommet et indiqu? que, bien qu'ils n'aient pas ・?invit・ (?faire partie de l'OTAN), ils estimaient que les d・isions prises ?Madrid am・ioreraient aussi la s・urit?et la stabilit?de l'ensemble de la r・ion.
?titre d'exemple, on peut citer l'accueil exceptionnel que le Pr・ident et la Secr・aire d'・at ont re・ ?Bucarest, en Roumanie, deux jours apr・ le sommet de Madrid. Plus de cent mille Roumains ・aient descendus dans la rue afin d'applaudir le Pr・ident et les d・isions prises ?Madrid, bien que leur pays n'ait pas ・? invit?? adh・er ?l'OTAN. De plus, le pr・ident Constantinescu a d・lar? fermement soutenir le processus mis en branle par l'OTAN. Je crois donc que nous avons de bonnes raisons de penser que l'ensemble des initiatives prises en Europe sont favorablement accueillies, et qu'elles aident ?renforcer la s・urit?et la stabilit?dans la r・ion.
Question - Quelles seront, d'apr・ vous, les prochaines mesures d'・argissement de l'OTAN, apr・ l'admission ・entuelle de la Pologne, de la Hongrie et de la R・ublique tch・ue ?
M. Rosner - L'OTAN a d・lar?qu'elle ・aluerait sa politique de la porte ouverte en 1999, qu'elle serait dispos・ ? ・udier les demandes d'adh・ion d'autres ・ats et qu'elle continuerait ?travailler avec eux par l'interm・iaire du Partenariat pour la paix et du Conseil de partenariat euro-atlantique. Je pense qu'apr・ la ratification de l'admission des premiers ・ats qui, j'en suis s・, aura lieu en 1998, on voudra voir comment s'est d・oul?ce processus. Mais je suppose que l'on portera l'attention ?la fois sur ces trois ・ats, pour voir si leur int・ration a ・?harmonieuse, et sur les prochains pays qui continueront ?vouloir adh・er ?l'OTAN.
Question - Quel est le principal probl・e qui se pose actuellement au gouvernement au sujet de l'・argissement de l'OTAN ?
M. Rosner - ?l'heure actuelle, nous sommes en pourparlers avec les trois ・ats ?propos de leur accession ? l'OTAN. Nous devons mener ces discussions ?bien. Nous devons proc・er, avec nos alli・ de l'OTAN, ?l'examen des cons・uences financi・es de cette mesure, puis soumettre la question au S・at en vue de sa ratification. Je m'attends ?ce que ce dernier examine de pr・ ce que cela signifiera pour le contribuable am・icain, pour nos relations avec la Russie, pour les ・ats qui n'ont pas ・?invit・ initialement ? adh・er ?l'OTAN et pour l'efficacit?de l'OTAN ; le S・at ・udiera ・alement les rapports de cette mesure avec les d・isions et op・ations en Bosnie. Mais, une fois que le Congr・ aura examin? ces questions, je suis s・ qu'?l'issue d'un d・at rigoureux, il ratifiera l'admission de ces trois ・ats. Nous devrons alors obtenir la ratification de cette mesure par tous les autres ・ats alli・, ce qui devra se faire ?l'unanimit?
Le probl・e va donc consister ?montrer que c'est une bonne chose pour l'Alliance, pour l'Europe et pour la s・urit?des ・ats-Unis. Et le processus d'admission des ・ats dans l'Alliance est la meilleure fa・n d'y parvenir. Bien que ce processus doive s'・helonner sur plusieurs ann・s, je pense qu'en fin de compte, c'est leur entr・ dans l'OTAN qui convaincra les peuples que l'・argissement de cette derni・e est une bonne chose pour nous, pour nos alli・ et pour l'Alliance elle-m・e.