L'impressionnant bilan du programme Nunn-Lugar
S・ateur de l'Indiana
Le programme Nunn-Lugar, qui mise sur la coop・ation pour att・uer le p・il nucl・ire, a obtenu des r・ultats impressionnants dans le domaine du d・ant・ement des armes nucl・ires, chimiques et biologiques de l'ancienne Union sovi・ique aussi bien que dans celui de la pr・ention de leur prolif・ation, d・lare M. Richard Lugar, s・ateur r・ublicain de l'Indiana. " L'intention du gouvernement d'accro・re le financement du programme Nunn-Lugar et de ses activit・ connexes d'environ 65 % au cours des cinq prochaines ann・s t・oigne de la valeur de ce programme et de son concours ?la s・urit?nationale des ・ats-Unis ", ajoute-t-il. M. Lugar est le s・ateur r・ublicain qui a le plus d'anciennet?au sein de la commission des relations ext・ieures et de celle du renseignement, et c'est lui pr・ide la commission de l'agriculture, de la nutrition et de la foresterie. |
L'effondrement de l'Union sovi・ique, voil?tout juste huit ans, a marqu?l'av・ement d'une ・e nouvelle de l'histoire mondiale. ?l'・oque, beaucoup de gens s'enhardissaient ?penser que la dissolution de l'U.R.S.S. sonnait le glas du risque de guerre nucl・ire. Or, ?peine huit ans plus tard, nous vivons dans un monde plus turbulent, plus impr・isible et, ?certains ・ards, plus violent que celui que nous connaissions au d・ut de l'ann・ 1990.
Une fois disparu le r・ime totalitaire qui dominait la soci・?sovi・ique, c'est tout un vaste supermarch?d'armes et de mat・iel de destruction massive qui s'est trouv?disponible. L'Union sovi・ique d・int・r・, il ne restait plus de garde-fous pour sauvegarder son patrimoine nucl・ire, chimique et biologique, d'o?la nouvelle menace qui plane sur notre s・urit?
Aujourd'hui, les ・ats hors la loi et les groupes terroristes peuvent tenter d'acheter ou de d・ober ce qu'ils devaient produire par eux-m・es hier. De fait, le vrai danger de la prolif・ation, ce n'est pas que l'Iran ach・e des r・cteurs nucl・ires civils qui pourraient ・entuellement lui servir ?assouvir ses autres ambitions nucl・ires. C'est plut・ que l'Iran, la Libye ou un groupe extr・iste, tel Hamas, ach・e aujourd'hui ou demain ?l'arm・ russe, ou ?d'anciens ・・ents de celle-ci, des armes nucl・ires, chimiques ou biologiques, ou encore des vecteurs.
La presse occidentale a document?le degr?tr・ pouss?de d・oralisation des soldats russes. Plus personne ne s'・onne d'entendre parler des militaires qui restent sans solde pendant des mois et qui ne re・ivent pas leurs rations alimentaires. Les cas de d・ertion et de suicide dans les rangs de l'arm・ russe sont monnaie courante. D'apr・ les informations dont on dispose, beaucoup d'unit・ auraient vendu du mat・iel militaire de grande valeur pour se procurer des devises. Il para・ aussi que les soldats troquent de l'・uipement et des munitions contre des vivres. Il y en aurait m・e qui laissent du mat・iel militaire de haute valeur sans garde et sans protection sur le terrain pendant qu'ils cherchent de la nourriture.
La r・lit?terrifiante est que la menace du recours aux armes nucl・ires, chimiques ou biologiques par des terroristes n'est plus une id・ tir・ par les cheveux. Techniquement parlant, le monde a connu sa premi・e tentative d'acte de terrorisme nucl・ire. En novembre 1995, des s・aratistes tch・ch・es ont d・os?dans un parc de Moscou un paquet contenant une quinzaine de kilogrammes de mati・es radioactives. Le conteneur n'・ait pas ・uip?des explosifs n・essaires ?la dispersion du c・ium, mais il n'emp・he : les Tch・ch・es ont prouv?que des terroristes pouvaient faire usage de mati・es nucl・ires.
Le culte japonais dit du " Jugement dernier ", connu aussi sous le nom d'Aum Shinrikyo, a recrut?des scientifiques et des experts techniques au Japon, en Russie et ailleurs auxquels il a confi?la mission de mettre au point des armes de destruction massive. Ceux-ci ont r・ssi ?produire des armes chimiques et c'est ce qui a permis l'attaque au gaz sarin dans le m・ro de Tokyo en 1995. Depuis, nous avons appris que cette action aurait pu faire des ravages encore plus terribles si les membres de ce culte avaient eu des vecteurs plus perfectionn・ ?leur disposition.
En 1994, ?la suite d'un appel t・・honique anonyme, la police de Prague a saisi pr・ de trois kilogrammes de mat・iel nucl・ire qui tra・aient sur le si・e arri・e d'une voiture en stationnement dans une rue tr・ fr・uent・ de la capitale tch・ue. Des policiers ont arr・?le propri・aire du v・icule, qui ・ait un ressortissant tch・ue, ainsi que ses deux compagnons, l'un originaire d'Ukraine et l'autre de Bi・orussie. Tous trois avaient travaill?dans des centrales nucl・ires, mais avaient quitt?leur emploi parce qu'ils gagnaient un salaire de mis・e - si tant est qu'ils ・aient pay・.
Autre cas alarmant, des inspecteurs du minist・e russe de la d・ense auraient d・ouvert une batterie de missiles SS-25 laiss・ sans surveillance. Le SS-25 est un missile balistique intercontinental mobile muni d'une ogive nucl・ire. Le personnel charg?de surveiller le site s'・ait ・lips?pendant plusieurs heures, en qu・e de nourriture.
Les cas de ce genre reviennent en leitmotiv dans la communaut?scientifique russe et dans les installations de production et de stockage d'armes nucl・ires, chimiques et biologiques et de mat・iel connexe. Il arrive souvent que les scientifiques et ing・ieurs employ・ dans ces secteurs ne soient pas pay・ ; parfois m・e, leur gouvernement les a compl・ement abandonn・.
Ventre affam?n'a pas d'oreilles : aussi convient-il de pr・er attention ?toute r・ion du monde o?r・nent la faim et le marasme ・onomique. Mais lorsque des ・res d・esp・・ ont acc・ ?des armes de destruction massive, on ne saurait se contenter de faire attention.
De l'examen que j'ai fait de la menace de prolif・ation des armes de destruction massive, une conclusion m'est apparue clairement. Si nous voulons avoir la moindre chance d'emp・her la d・onation d'une arme de destruction massive, la pr・ention et la dissuasion doivent s'exercer ?la source - c'est-?dire dans les d・・s d'armes et de mat・iel, et dans les instituts de recherche, de l'ancienne Union sovi・ique.
Au moment o?l'ancienne U.R.S.S. ?commenc??se disloquer, en 1991, M. Sam Nunn, s・ateur de G・rgie, et moi-m・e avons ・?contact・ par des Russes que nous connaissions, et dont certains ・aient militaires de carri・e. Ceux-ci nous ont expos?les dangers inh・ents ?la dissolution d'une superpuissance nucl・ire. On ・ait effectivement en droit de douter de la viabilit?de leur syst・e de surveillance des armes. Des centaines de tonnes de mat・iel d'armement nucl・ire ・aient ・arpill・s dans de multiples sites de Russie et d'autres anciens ・ats sovi・iques. Les responsables russes ont sollicit?notre coop・ation pour prot・er l'arsenal nucl・ire et les mati・es susceptibles de servir ?la fabrication d'armes. Ainsi est n?le programme Nunn-Lugar qui vise ?att・uer le p・il nucl・ire par le biais de la coop・ation et qui finance, ?ce titre, le d・ant・ement d'armes de destruction massive dans l'ancienne Union sovi・ique.
Bien qu'il reste encore beaucoup ?faire, nous pouvons qualifier d'impressionnants les r・ultats obtenus ?ce jour. Le programme Nunn-Lugar a facilit?la destruction de 365 missiles balistiques, de 343 dispositifs de lancement de missiles balistiques, de 49 bombardiers, de 136 dispositifs de lancement de missiles par sous-marin et de 30 missiles balistiques lanc・ par sous-marin. En outre, on lui doit la fermeture herm・ique de 191 tunnels qui servaient aux essais nucl・ires. Fait plus notable encore, il a permis le d・amor・ge de 4.838 ogives qui ・aient install・s sur des syst・es strat・iques point・ sur les ・ats-Unis.
Lorsque l'Union sovi・ique s'est effondr・, l'Ukraine, le Kazakhstan et la Bi・orussie sont devenus respectivement la troisi・e, la quatri・e et la huiti・e puissance nucl・ire au monde. Si ces trois ・ats ・aient rest・ d・enteurs de l'arme nucl・ire, le paysage g・strat・ique aurait ・?compl・ement modifi? En l'absence du programme Nunn-Lugar, ces pays poss・eraient encore des milliers d'armes nucl・ires. En r・lit? pas un d'eux n'en d・ient aujourd'hui.
Une autre fa・n de brosser le tableau, c'est de dire que le programme Nunn-Lugar a d・antel?plus d'armes nucl・ires que n'en poss・ent actuellement la Grande-Bretagne, la France et la Chine dans leurs stocks et arsenaux combin・. Or ce programme a co・?moins du tiers d'un pour cent du budget annuel de la d・ense des ・ats-Unis.
Mais la prolif・ation des armes nucl・ires n'est pas le seul danger ・anant des arsenaux sovi・iques. Pendant la guerre froide, les ・ats-Unis et l'Union sovi・ique ont fabriqu?une quantit?consid・able d'armes chimiques. Les stocks de la Russie sont r・artis dans sept sites sur l'ensemble du territoire, et la crise ・onomique que traverse ce pays compromet la s・urit?des installations.
Nous ne pouvons pas permettre que ces armes soient vol・s ou vendues aux plus offrants.
Le programme Nunn-Lugar tient compte de ce probl・e. Il doit bient・ financer la construction de la premi・e usine russe de destruction d'armes chimiques dans un des plus grands sites de stockage du pays o?sont entrepos・s des cartouches contenant au total 5.500 tonnes de VX et d'autres agents neurotoxiques. Nous avons bon espoir que les travaux de construction seront termin・ d'ici ?l'an 2003. Lorsque l'usine sera op・ationnelle, elle permettra de d・ruire 500 tonnes d'armes chimiques par an. Par ailleurs, le programme Nunn-Lugar facilite le d・ant・ement des installations qui produisaient ce type d'armes.
Au cours des quelques derni・es ann・s, nous avons amass?de plus en plus de connaissances sur l'ancien programme sovi・ique d'armes biologiques. En novembre dernier, j'ai particip??une discussion de trois heures avec les directeurs de treize installations civiles d'armes biologiques ・arpill・s sur le territoire russe. Ces hommes connaissaient parfaitement le programme sovi・ique d'armes biologiques. Nous ayant expos?la situation difficile dans laquelle ils se trouvaient du fait que leur salaire n'・ait plus vers?et que Moscou les avaient abandonn・, ils ont appel?de leurs voeux l'・ablissement de relations fond・s sur la coop・ation avec leurs homologues occidentaux. ?l'heure actuelle, le programme Nunn-Lugar participe ?huit projets-pilotes dans ces instituts civils de recherche biologique. Nous devons poursuivre notre action en ce sens, et m・e en ・argir la port・, de fa・n ?pr・enir l'immigration des plus grands cerveaux du pays qui participaient aux programmes d'armement les plus meurtriers qui soient.
N'attendons pas de nos programmes qu'ils soient parfaits. L'ampleur m・e de nos interventions fait qu'il nous sera impossible d'・re gagnants sur tous les tableaux. Il n'est pas exclu que, parmi les milliers de savants ayant pris part ?ces programmes, nous en perdions quelques-uns. Certains pourraient ・igrer dans des ・ats d・oy・ et continuer de travailler dans leur domaine. Mais nous avons l'obligation morale, devant le peuple des ・ats-Unis et le monde, de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour dissiper ce p・il dans toute la mesure du possible.
Le programme Nunn-Lugar n'est pas assimilable ?une aide ?l'・ranger. Il fait appel ?des entreprises am・icaines pour assurer le d・ant・ement des anciennes armes sovi・iques. De fait, 84 % des fonds d・ours・ ont ・?affect・ ?des entreprises am・icaines qui ont proc・??des op・ations de d・ant・ement dans l'ancienne U.R.S.S. Pour veiller ?ce que ces fonds soient employ・ ?bon escient, plus de 70 v・ifications et examens des ・ats financiers ont ・?effectu・. Leurs conclusions sont formelles : les fonds servent effectivement ?l'ex・ution des op・ations de d・ant・ement qui ont ・?approuv・s.
L'intention du gouvernement d'accro・re le financement du programme Nunn-Lugar et de ses activit・ connexes d'environ 65 % au cours des prochaines ann・s t・oigne de la valeur de ce programme et de son concours ?la s・urit?nationale des ・ats-Unis. La raison d'une telle augmentation coule de source. La situation se d・・iore en Russie. L'effondrement de l'・onomie en ao・ 1998 a exacerb?bien des probl・es.
La question fondamentale qui se pose, c'est de savoir si les capitales occidentales, et particuli・ement le Congr・ am・icain, poss・ent la volont?politique suffisante pour allouer les ressources n・essaires ?ces programmes. Si nous rechignons ?y consacrer les fonds requis, ?y passer le temps qu'il faut et ?donner ?la communaut?internationale l'exemple ?suivre pour ma・riser, r・lementer et circonscrire cette menace, il nous sera alors beaucoup plus difficile, voire impossible, d'assurer la d・ense de notre territoire.
J'ai l'intime conviction qu'il s'offre aux ・ats-Unis et ?leurs alli・ une occasion unique d'att・uer le risque de voir d'anciennes armes sovi・iques de destruction massive tomber entre les mains d'・ats hors la loi et de groupes terroristes. Nous ne devons pas la laisser ・happer. Jamais encore les grandes puissances n'ont eu le loisir de s'atteler avec un ancien adversaire ?la t・he d'・iminer un p・il qui les menace. ?condition de rejeter la politique politicienne, de d・loyer toute notre diplomatie et de nous armer de patience, nous pouvons relever le d・i et faire du monde un endroit meilleur pour nous-m・es et pour nos enfants.