CONSTRUIRE LA S・URIT?R・IONALE :
LE PARTENARIAT
ENTRE
LES ONG ET LES POUVOIRS PUBLICS
James Notter et John McDonald
La coop・ation entre les organisations non gouvernementales (ONG) et les pouvoirs publics ?nbsp;permet aux deux groupes d'agir avec plus de force et d'efficacit?dans l'accomplissement de leurs missions ? notent les auteurs. Lorsque ces deux entit・ coop・ent harmonieusement, en respectant leurs diff・ences de structure, de ressources et de capacit・ et en en tirant parti, ?nbsp;les m・anismes de renforcement de la paix et de la stabilit?dans le monde entier fonctionnent de mani・e plus productive ? M. McDonald est pr・ident et cofondateur de l'Institute for Multi-Track Diplomacy (IMTD, Institut pour la diplomatie ?voies multiples) ?Washington. M. John Notter est charg? de programmes au sein de cet institut.
Dans les domaines de la s・urit?mondiale et de la stabilit? r・ionale, le gouvernement des ・ats-Unis a un alli?important, mais souvent m・onnu, dans la communaut?des ONG. En fait, au cours des derni・es d・ennies, il appara・ de plus en plus clairement que les organes non officiels, et parmi eux les ONG, jouent un r・e de plus en plus important dans la formulation et la mise en ・uvre des politiques de la nation. Il existe un segment particulier de la communaut? des ONG qui s'int・esse aux questions de ?nbsp;r・lement des conflits ?ou ?nbsp;de diplomatie parall・e ?nbsp;; ces ONG ・uvrent de mani・e non officielle, souvent en coop・ation avec les autorit・ publiques, pour contribuer ?r・oudre dans le monde entier les conflits ethniques qui repr・entent une menace majeure pour la stabilit?et la paix r・ionales.
L'id・ que les gouvernements peuvent et doivent travailler de concert avec les entit・ non gouvernementales pour formuler et mettre en ・uvre la politique ・rang・e de la nation n'est, certes, pas nouvelle. Le terme de ?nbsp;diplomatie parall・e ?a ・? invent? en 1981 par un ancien diplomate des ・ats-Unis, Joseph Montville, afin de d・rire les efforts d・loy・ par les particuliers et les organisations non officielles pour r・oudre les conflits. Cette diplomatie repose sur le principe que les autorit・ nationales ne sauraient ?elles seules assurer la paix et r・oudre les conflits. Les interventions officieuses, informelles, en coulisses, jouent un r・e vital dans le r・lement des conflits et la promotion de la s・urit? r・ionale.
Le r・l d・i en mati・e de diplomatie parall・e se situe au niveau d・icat des relations entre les milieux officiels et les milieux non officiels. Ceux qui interviennent ?titre officieux n'aiment pas se sentir pouss・ ou se voir imposer des limites arbitraires lorsqu'ils explorent des possibilit・ politiques ou des processus auxquels les pouvoirs publics sont oppos・. Le rejet officiel d'un plan diplomatique obtenu par la voie parall・e condamne le projet ? mort.
Cependant, les autorit・ doivent ・re tenues au courant et les praticiens de la diplomatie parall・e doivent savoir que, s'ils veulent voir leur initiative aboutir, ils devront vraisemblablement coordonner leurs activit・ avec celles des repr・entants officiels. Ce sont en effet les autorit・ publiques qui sont charg・s des n・ociations, de la signature et de la ratification des trait・ et autres instruments officiels qui viendront ent・iner les r・ultats des initiatives non officielles.
Ces deux composantes importantes du syst・e d'・ablissement de la paix ont une efficacit?accrue lorsqu'elles ・uvrent non pas s・ar・ent, mais en coop・ation. Leur intervention peut ・re b・・ique ?condition qu'il y ait acception et appui mutuels. Ceci est particuli・ement vrai dans le domaine de la s・urit?et de la stabilit?r・ionale, o?les ONG et les entit・ gouvernementales interviennent simultan・ent pour r・oudre les conflits ethniques, mais ?des points d'acc・ distincts et selon diff・entes modalit・.
Pendant la guerre froide, avant m・e que le terme n'ait ・? invent? nombre d'ONG et de particuliers s'employaient par les voies de la diplomatie parall・e ?jeter des ponts entre les deux superpuissances, et s'effor・ient d'obtenir un apaisement des conflits et des crises qui, vu les capacit・ nucl・ires des ・ats-Unis et de l'Union sovi・ique, ・aient porteurs de graves menaces.
L'American Friends Service Committee et le Moral Re- Armament ont agi officieusement dans le domaine des relations entre l'Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest, et entre la France et l'Allemagne dans les ann・s 50 et 60. Plusieurs particuliers et journalistes ・inents ont pris part ?des dialogues officieux lors de crises, notamment celles de la R・ublique dominicaine de 1965 et des missiles cubains de 1962. La Conf・ence de Dartmouth, groupe non gouvernemental de dialogue s'int・essant aux questions de la guerre froide, a men?ses activit・ de 1959 ?la fin des ann・s 80. Le groupe s'est r・ni de nombreuses fois pendant cette p・iode, pour discuter de mani・e informelle des grandes diff・ences qui existaient alors entre les deux blocs. M・e aux moments o?les repr・entants officiels des deux nations refusaient toute rencontre, ils demandaient que les r・nions du groupe de Dartmouth se poursuivent afin de garder la porte ouverte et de maintenir les ・hanges d'informations entre les deux adversaires.
?l'aube du nouveau mill・aire, il semble que les acteurs non officiels, et notamment les ONG, continueront de jouer un r・e important dans l'・aboration et la mise en ・uvre de la politique ・rang・e. Cela pourra se faire selon diverses modalit・, notamment par des relations tr・ sp・ifiques entre plusieurs ONG s'effor・nt de r・oudre des conflits d・ermin・ (celui de Chypre, par exemple), par des ONG locales intervenant dans une r・ion d・hir・ par les conflits ethniques et d・tabilis・ (Corne de l'Afrique), et par le biais de relations entre des organisations intergouvernementales et des ONG (Bosnie).
Chypre
L'IMTD, de Washington, et le Conflict Management Group (CMG, Groupe de gestion des conflits), de Cambridge (Massachusetts), ont uni leurs forces pour former le ?nbsp;Consortium de Chypre ? afin de mettre en place dans ce pays un programme de formation consacr?au r・lement des conflits. Le gouvernement des ・ats-Unis souhaite mettre fin ?ce conflit, comme l'indique la r・ente nomination de M. Richard Holbrooke (n・ociateur des accords de paix en Bosnie) au poste d'・issaire sp・ial du Pr・ident ?Chypre. M. Holbrooke et d'autres fonctionnaires am・icains qui s'efforcent de r・oudre le conflit chypriote concentrent leur attention sur les dimensions politiques du conflit et sur les n・ociations officielles parrain・s par les Nations unies. Les travaux du Consortium de Chypre, eux, se situent au niveau social et offrent aux Chypriotes grecs et turcs l'occasion de travailler c・e ?c・e, d'・ablir des relations de confiance et de montrer ?leurs collectivit・ respectives tout le potentiel de la coop・ation. Le Consortium a dispens??plusieurs centaines de Chypriotes des deux ethnies une formation au r・lement des conflits, ?la formulation et ?la gestion de projets, et ? la conception et ?l'ex・ution de programmes de formation. Ce groupe de travailleurs de la paix a organis?des dizaines de projets destin・ aux deux collectivit・, notamment des concerts et des programmes pour la jeunesse, et a facilit?des s・nces de discussion sur le conflit chypriote.
D'entr・ de jeu, les relations entre le Consortium et les fonctionnaires am・icains ont ・?caract・is・s par la coop・ation et le soutien mutuel. Le Consortium informe le gouvernement am・icain de toutes ses activit・, et le personnel de l'ambassade et les repr・entants officiels ?Washington consultent souvent le personnel du Consortium sur les questions qu'il est en train de traiter. De m・e, le Consortium a souvent demand?l'appui du personnel de l'ambassade lors de la formulation et de la mise en ・uvre de ses programmes de formation. Lorsque les travaux au niveau des collectivit・ ont atteint un certain stade de leur d・eloppement, l'ambassade a m・e nomm?un coordonnateur sp・ial pour les affaires bicommunautaires, charg?d'assurer la liaison entre l'ambassade et les Chypriotes grecs et turcs qui ・uvrent au r・lement du conflit.
Lorsque les contacts entre les deux collectivit・ ont ・? interrompus par les autorit・ chypriotes turques en d・embre 1997, l'Ambassade des ・ats-Unis a publi?une d・laration visant ? encourager le r・ablissement des relations. Un porte-parole de l'ambassade a not?que si les activit・ communes aux deux collectivit・ ne suffiraient pas ?r・oudre le probl・e chypriote, il n'en demeurait pas moins que la libre association qu'elles autorisaient ・ait l'essence m・e de la soci・?civile. Une telle d・laration montre bien que les travaux des instances officielles et des ONG en vue du r・lement des conflits et de la stabilit? r・ionale ne sont pas des objectifs distincts et ind・endants. Les efforts des responsables de la politique ・rang・e des ・ats-Unis et les travaux des ONG au niveau des collectivit・ peuvent converger en faveur de la r・lisation des objectifs sp・ifiques de chacun des partenaires.
Corne de l'Afrique
On trouve dans la r・ion de la Corne de l'Afrique un autre exemple de la coop・ation des autorit・ gouvernementales et des ONG dans les domaines de la stabilit?r・ionale et du r・lement des conflits. En 1994, le pr・ident Clinton a lanc?l'Initiative en faveur de la ?nbsp;Grande ?Corne de l'Afrique (Greater Horn of Africa Initiative, GHAI), dans le cadre des activit・ de l'Agence des ・ats-Unis pour le d・eloppement international (USAID). Dans un document d'analyse initial intitul?Jeter les fondations de la s・urit?alimentaire et de la pr・ention des crises dans la Grande Corne de l'Afrique, les responsables de l'Initiative ont expos?le programme qu'ils entendaient mettre en ・uvre pour assurer la stabilit? et la s・urit?alimentaire dans la r・ion. Ils reconnaissaient l'importance des relations qui existent entre l'aide au d・eloppement et les secours d'urgence d'une part, et la pr・ention des guerres, la gestion des crises et le r・lement des conflits d'autre part.
Chose plus importante, ils reconnaissaient aussi explicitement et d'entr・ de jeu les relations qui unissent les autorit・ gouvernementales, les organisations intergouvernementales et les ONG. Dans son document d'analyse, l'Initiative est d・rite comme ?nbsp;un effort de collaboration entre les ・ats africains, les organisations non gouvernementales, les particuliers int・ess・, l'Autorit? intergouvernementale sur la s・heresse et le d・eloppement (IGADD) et la communaut?internationale des donateurs afin d'attaquer les causes profondes de l'ins・urit?alimentaire dans la Corne de l'Afrique ? L'IMTD est l'une des diverses ONG qui ont ・? consult・s lors de la formulation du rapport et de la conception des activit・ qui en ont d・oul? L'IMTD a ・alement coop・?dans le cadre d'un programme de formation organis?par le United States Institute for Peace (Institut des ・ats-Unis pour la paix), organisme apolitique financ?par le Congr・ des ・ats-Unis, et le personnel affect??la mise en ・uvre de l'Initiative en faveur de la Grande Corne de l'Afrique.
Enfin, on a r・emment lanc?une demande de propositions en vue de former une ・uipe d'ONG qui serait charg・ de la gestion d'un programme de financement d'ONG participant ?cette Initiative. Ce programme octroiera des subventions directes aux ONG locales. Il ・uvrera ・alement en faveur du renforcement institutionnel, lequel favorisera le d・eloppement du secteur des ONG dans la r・ion. Dans ce cas, comme on le voit, les ONG ont aid?l'USAID ?・aborer ce programme de dix millions de dollars ; ce sont elles qui sont charg・s au premier chef de l'ex・ution du programme, et les b・・iciaires de l'aide sont les ONG de la r・ion.
OSCE
Notre dernier exemple met en ・idence les relations entre les ONG et une organisation intergouvernementale, l'Organisation pour la s・urit?et la coop・ation en Europe (OSCE). L'OSCE ・uvre en ・roite coop・ation avec de nombreuses ONG, tant am・icaines que locales, pour organiser et mettre en ・uvre des programmes destin・ ?appuyer en Bosnie l'application des aspects civils des accords de Dayton. En d・embre 1996, l'OSCE a demand??l'IMTD de participer avec elle ? l'・uvre de renforcement de la paix au niveau social en Bosnie. Gr・e au financement de l'Agence d'information des ・ats-Unis, l'IMTD a assur?la formation de soixante-dix repr・entants des communaut・ serbes, musulmanes et croates de Bosnie-Herz・ovine. L'OSCE a jou?un r・e essentiel en tant qu'organisatrice des s・nces de formation dans les cinq villes o?celles-ci ont eu lieu, en y ・ablissant une ?nbsp;zone de s・urit?nbsp;?pour tous les participants.
Comme tous les exemples ci-dessus l'indiquent, la coop・ation des autorit・ publiques et des ONG dans les domaines de la politique de s・urit?et de la stabilit?r・ionale prend de l'ampleur. Les ONG, tant nationales qu'・rang・es, notamment dans les r・ions instables ou en proie aux conflits, ne sont pas simplement d'utiles ressources pour les responsables politiques ; ce sont ・alement des partenaires importants. Le partenariat entre les ONG et les autorit・ permet aux deux groupes d'agir avec plus de force et d'efficacit?dans l'accomplissement de leurs missions. Elles conservent toutes deux leurs caract・istiques propres, le but vis?n'・ant pas de fusionner ces deux groupes au sein d'un m・e syst・e. Au contraire, lorsque ces deux entit・ coop・ent harmonieusement, en respectant leurs diff・ences de structure, de ressources et de capacit・ et en en tirant parti, les m・anismes de renforcement de la paix et de la stabilit?dans le monde entier fonctionnent de mani・e plus productive.
Les Objectifs de
politique ・rang・e des ・ats-Unis
Revue ・ectronique de
l'USIA, volume 3, num・o 3, juillet 1998