PROMOUVOIR LA STABILIT?POLITIQUE ET ・ONOMIQUE
PAR LA
D・OCRATISATION
Premier sous-secr・aire d'・at adjoint
Bureau de la d・ocratie, des droits de l'homme et du travail
Il existe un lien incontestable entre les institutions d・ocratiques et la stabilit?politique et ・onomique, d・lare M. Steven Coffey, premier sous-secr・aire d'・at adjoint ?la d・ocratie, aux droits de l'homme et au travail. Les ・ats-Unis ?nbsp;continueront ?promouvoir la d・ocratie et ?encourager le d・eloppement d'institutions d・ocratiques par le biais d'un large ・entail de programmes ? ajoute le haut fonctionnaire. Les ・ats-Unis attachent un haut rang de priorit?aux efforts visant ? affermir la primaut?du droit, cl?de vo・e de la d・ocratisation, de la r・orme ・onomique et du respect accru des droits de l'homme. Propos recueillis par Dian McDonald.
Question - Comment expliquez-vous le rapport entre la d・ocratisation et la stabilit?politique ?
M. Coffey - La crise financi・e que traverse actuellement l'Asie a fait ressortir les liens qui existent entre les institutions d・ocratiques et la stabilit?politique et ・onomique. ? ce jour, les pays qui s'en sont le mieux tir・ sont ceux qui poss・ent des institutions d・ocratiques. C'est le cas de la Cor・ du Sud et de la Tha・ande, par exemple. Il me semble que la raison en est claire. Les crises de cette nature exigent des sacrifices de la part de la population, et les gouvernements ?la formation desquels le peuple a particip?sont beaucoup mieux plac・ que ceux qui excluent la participation populaire lorsqu'il s'agit de demander au peuple de se serrer la ceinture.
L'Indon・ie - le pays qui souffre le plus de la crise financi・e - se caract・ise par l'absence de participation populaire. Esp・ons qu'avec les changements qui ont ・?apport・ r・emment elle se trouve maintenant engag・ dans un chemin plus s・. Cela dit, les probl・es sont explicites, et le lien entre la participation politique et la stabilit?ressort clairement. C'est dire l'importance de la promotion des institutions d・ocratiques ?travers le monde.
Question - Jusqu'?quel point la formulation des objectifs des ・ats-Unis en mati・e de s・urit??travers le monde est-elle li・ ?des initiatives visant ?・ifier la d・ocratie ?
M. Coffey - Les d・isions que prend un gouvernement en mati・e de politique ・rang・e sont intimement li・s ?sa structure politique interne. Les intellectuels d・attent la question de savoir si les d・ocraties sont, par nature, plus ・rises de paix que les autres formes de gouvernement. Une chose est en tout cas certaine, et c'est que les d・ocraties se font rarement la guerre. ?mon avis, leur r・icence ?recourir ?la guerre tient au fait que les simples citoyens ont leur mot ?dire sur la question, et comme ce sont g・・alement eux qui devront consentir des sacrifices, ils veillent ? ce que le jeu en vaille la chandelle.
Si le gouvernement irakien ・ait tel que le peuple ait les moyens d'influencer la prise des d・isions, la politique irakienne serait bien diff・ente de celle que nous connaissons, cela me semble l'・idence m・e. Les d・isions que prend le gouvernement irakien sont sans rapport avec les int・・s du peuple.
?cet ・ard, donc, la forme du gouvernement d'un pays quelconque peut ・re un facteur d・erminant de sa politique ・rang・e.
Rien ne l'illustre mieux que la Russie. Indubitablement, l'attitude de ce pays envers le reste du monde s'est profond・ent modifi・ ? la suite de l'effondrement du communisme. L'id・logie communiste d・inissait les rapports entre la Russie et ce qu'on appelait ?nbsp;le monde capitaliste ?de fa・n tr・ antagoniste. Elu par le peuple et repr・entant un large ・entail d'int・・s nationaux, le gouvernement russe actuel en est arriv??envisager la question sous un angle diff・ent. C'est pour cela que la poursuite de la d・ocratisation et de la r・orme ・onomique en Russie rev・ une telle importance. ?mesure qu'elle se d・ocratisera, la Russie comprendra qu'elle gagnerait ?s'int・rer encore davantage ?la communaut? internationale, et sa politique ・rang・e s'en ressentira.
Question - Quels sont les principaux obstacles aux efforts visant ?encourager la d・ocratisation ?travers le monde ?
M. Coffey - Ils sont nombreux. Dans des pays comme la Russie, je suis tent?de dire que c'est avant tout l'inertie. Il n'est pas facile de changer les structures administrativeset ・onomiques, et cela prend du temps. Le r・eil des conflits ethniques, comme on le voit dans l'ancienne Yougoslavie, au Rwanda et au Burundi, est un autre ・ueil. Le nationalisme ?outrance entrave la formation des institutions d・ocratiques, et il explique la r・ression aussi bien que l'absence de participation populaire. Dans de nombreuses r・ions du monde, nous constatons l'affaiblissement de l'autorit?de l'・at, voire sa disparition quasi totale. Le vide politique ainsi cr蜑 fait l'effet d'un aimant pour la corruption, la criminalit?organis・ et les gangs. C'est un autre obstacle de taille ?la d・ocratisation.
Question - ?l'heure actuelle, quelle est la plus haute priorit?du gouvernement en ce qui concerne l'・ification de la d・ocratie et les droits de l'homme ?
M. Coffey - Nous continuerons ?promouvoir la d・ocratie et ?encourager le d・eloppement d'institutions d・ocratiques par le biais d'un large ・entail de programmes. Nous continuerons ainsi ? soutenir les processus ・ectoraux et les institutions politiques fond・s sur la repr・entation, tels les parlements. Dans bien des pays, ces institutions viennent tout juste de voir le jour. L'exp・ience et les ressources leur font d・aut. La poursuite de notre action en ce sens rev・ une grande importance.
L'une de nos priorit・ concerne le renforcement de la primaut? du droit. ?cet ・ard, nous administrons depuis d・?un certain nombre d'ann・s des programmes d'une importance consid・able, mais nous cherchons ?conf・er un plus haut degr?de coh・ence ?nos efforts. La secr・aire d'・at, Mme Albright, qui s'int・esse beaucoup ?ces questions, nous a demand?de veiller ?ce que l'action des diverses agences et institutions du gouvernement visant ?promouvoir la primaut?du droit soit bien coordonn・. L'ann・ derni・e, elle a sollicit?l'avis de M. Paul Gewirtz, de la facult?de droit de l'universit?Yale, et lui a demand?de passer en revue les programmes que nous avons mis en ・uvre dans ce domaine.
La secr・aire d'・at et le pr・ident ont fait de la primaut? du droit un th・e central de leur action, parce qu'ils y voient un centre de convergence extr・ement important des activit・ relatives ?la d・ocratisation, au changement ・onomique et au respect accru des droits de l'homme. Dans la majorit?des pays, c'est surtout ?la police et aux institutions judiciaires que la plupart des individus ont affaire lorsqu'ils ont des contacts avec des repr・entants de l'autorit?publique. Si ces institutions sont corrompues, si elles ne sont pas impartiales, ces contacts ont tendance ?・re n・atifs. C'est dire leur importance fondamentale pour la protection des droits des simples citoyens et pour influencer leur attitude envers les pouvoirs publics.
Question - Sur quelles r・ions du monde les ・ats-Unis concentrent-ils leurs efforts dans ce domaine ?
M. Coffey - Nous n'avons pas cibl?un continent en particulier ; nous administrons des programmes dans le monde entier. Nous avons accord?beaucoup d'attention ?la promotion des institutions d・ocratiques et judiciaires, de la libert?de la presse et des droits de l'homme dans l'ancienne Union sovi・ique, en Europe centrale, en Afrique et en Am・ique latine. L'encouragement de la primaut?du droit jouera un r・e important dans le d・eloppement de la Chine, et c'est un sujet qui a tenu une place pr・ond・ante lors du r・ent sommet am・icano-chinois ?P・in. C'est d'ailleurs une question sur laquelle les ・ats-Unis et la Chine vont coop・er ?l'avenir.
Question - En prenant un exemple pr・is, pourriez-vous expliquer en quoi les objectifs des ・ats-Unis relatifs l'・ification de la d・ocratie ont eu un effet positif sur la s・urit? r・ionale ?
M. Coffey - On l'a certainement vu en Europe centrale et orientale, ainsi que dans l'ancienne Union sovi・ique. Je me garderai d'attribuer aux programmes des ・ats-Unis les changements survenus dans ces parties du monde. L'・olution rel・e en effet de nombreuses causes, la plupart d'entre elles ・ant d'origine interne autant que je puisse en juger. Certes la politique des ・ats-Unis visait ? promouvoir le changement, mais nos programmes sont con・s de fa・n ? aider ces pays ?atteindre les objectifs qu'ils se sont eux-m・es fix・.
Du point de vue de la s・urit? la situation actuelle en Europe centrale refl・e une ・olution consid・able. Il y a dix ans, un rideau de fer coupait l'Europe en deux par le centre. L'Allemagne ・ait divis・. C'est dans cette r・ion que les tensions ・aient souvent les plus vives ?l'・oque de la guerre froide. L'effondrement du communisme a litt・alement boulevers?la donne. Les soldats russes ont quitt?l'Allemagne et les pays baltes, et les pays d'Europe centrale ont recouvr?leur ind・endance. La ligne qui d・arquait l'Est de l'Ouest s'est effac・. L'OTAN s'ouvre maintenant ?certains de ces pays. Dans le m・e temps, le renforcement de l'unit?europ・nne par le biais de l'・argissement de l'Union europ・nne est aussi ? l'ordre du jour.
Question - Quels sont les principaux facteurs expliquant la progression de la d・ocratie en Afrique ?
M. Coffey - Je pense qu'ils sont nombreux. Certains rev・ent une dimension mondiale dans la mesure o?ils contribuent aussi ?la propagation de la d・ocratie ailleurs qu'en Afrique. La r・olution des techniques de communication y a jou?un r・e consid・able. Nous vivons r・llement dans un village mondial. Partout dans le monde, les gens sont au courant de ce qui se passe ailleurs, et cela affecte partout les rapports entre les individus et les autorit・. ・ant donn? qu'il est devenu impossible de contr・er la circulation de l'information, les ramifications politiques sont in・itables.
Le d・ant・ement de l'apartheid en Afrique du Sud, suivi de la naissance d'une nouvelle Afrique du Sud, multiraciale et d・ocratique, a assur・ent ・?un facteur de poids dans le rayonnement de la d・ocratie. M. Nelson Mandela a donn?une impulsion consid・able ?ce mouvement. Voil? sur le continent africain, un exemple lumineux de changement politique. Sans vouloir sous-estimer les difficult・ auxquelles se heurte encore l'Afrique du Sud, je dois dire que c'est quand m・e un succ・ et que d'autres Africains sont remplis d'admiration.
Question - La d・ocratie repose-t-elle sur une base solide en Ha・i, et croyez-vous que la d・ocratisation d・ouchera sur la stabilit??long terme dans ce pays ?
M. Coffey - Il est difficile de dire que la d・ocratisation repose sur une base solide, o?que ce soit dans le monde. La d・ocratie n'est jamais acquise une fois pour toutes. Il faut toujours la prot・er. Cela dit, les ・・ements survenus en Ha・i donnent assur・ent ?ce pays la possibilit?de progresser dans cette voie. Il ne fait aucun doute qu'Ha・i a encore des d・is ? relever, mais la situation s'est consid・ablement am・ior・. Des actes de violence persistent encore, mais ils sont nettement moins nombreux depuis l'intervention de la communaut?internationale. Le tableau de l'・igration le confirme. Il y a quelques ann・s seulement, les Ha・iens quittaient leur pays sur des embarcations de fortune, au p・il de leur vie. Les choses ont chang? Il reste encore beaucoup de progr・ ?faire sur le plan des institutions ・onomiques, judiciaires et politiques. Dans bien des domaines importants, les Ha・iens ne doivent pas rel・her leurs efforts, et la communaut? internationale doit elle aussi continuer sur sa lanc・. Mais j'ai bien l'impression qu'Ha・i est sur le bon chemin et qu'on a des raisons d'esp・er la poursuite des progr・.
Question - Pr・e-t-on suffisamment attention au r・lement des conflits et ?la diplomatie pr・entive en Europe de l'Est et dans les nouveaux ・ats ind・endants ?
M. Coffey - Le gouvernement des ・ats-Unis s'int・esse beaucoup au r・lement des conflits et ?la diplomatie pr・entive dans les nouveaux ・ats ind・endants et en Europe orientale. Les efforts que nous avons d・loy・ dans ce domaine sont bien ・idents. Il n'y a qu'?penser ?la Bosnie, ?l'ancienne Yougoslavie, aux accords de Dayton. Tout ce processus fait ressortir l'importance que nous attachons ?l'instauration de la paix dans cette r・ion du monde. De surcro・, nous participons activement au r・lement d'autres conflits qui sont moins connus ou, en tout cas, qui ne font pas la une des journaux. C'est ainsi le cas du conflit entre l'Arm・ie et l'Azerba・jan au sujet de la r・ion autonome du Haut-Karabagh. Nous essayons de promouvoir le r・e du groupe de Minsk, au sein de l'Organisation pour la s・urit?et la coop・ation en Europe (OSCE), en vue du r・lement de ce conflit. Nous avons aussi pleinement soutenu l'intervention de l'OSCE lors du conflit en Tch・ch・ie. Nous sommes ・alement solidaires des efforts consentis par l'OSCE et l'ONU afin de r・oudre le litige qui oppose la G・rgie et les s・aratistes abkhazes.
?ce jour, l'un de nos grands succ・, m・onnu d'ailleurs, concerne les ・ats baltes. Dans les premiers jours qui ont suivi l'accession ? l'ind・endance de ces pays, le risque de friction entre les ressortissants russes et ceux d'Estonie, de Lettonie et de Lituanie ・ait consid・able. Les ・ats-Unis, en liaison avec l'OSCE, se sont tr・ diligemment employ・ ?promouvoir la r・onciliation.
Question - ?votre avis, quelle place les ONG tiennent- elles dans les d・arches visant ?accentuer la s・urit? r・ionale ?
M. Coffey - Les ONG jouent un r・e absolument crucial dans tous les programmes dont nous avons parl? Si vous acceptez la proposition selon laquelle la d・ocratie est importante pour la s・urit?r・ionale et que l'existence d'institutions transparentes et ouvertes - m・ias et institutions ・onomiques, gouvernementales et judiciaires y compris- l'est pour la s・urit?globale, vous devez automatiquement reconna・re que les ONG jouent un r・e tr・ important. Non seulement elles mettent en place les institutions ・・entaires, mais elles refl・ent aussi de plein droit une expression importante de la soci・?civile. Sans elles, la d・ocratie ne fonctionnerait pas.
Les ONG rev・ent une importance particuli・e dans le domaine des droits de l'homme. La promotion des droits de l'homme ne rel・e plus principalement des gouvernements, encore que ceux-ci aient un r・e extr・ement important ?jouer. Mais ce sont les ONG qui sont le fer de lance des efforts d・loy・ dans ce domaine, parce qu'elles sont les premi・es ?d・oncer les infractions. Il est en outre de plus en plus fr・uent qu'elles proposent des solutions.
Question - Est-il facile de transmettre l'id・l d'une soci・?civile aux d・ocraties naissantes ?
M. Coffey - Cela varie selon les pays, en fonction des circonstances. Souvent, la population se met rapidement au pas. Cela m'a frapp?dans les rapports que j'ai eus avec la Russie au fil des ans. Nomm?en Russie, j'y suis rest?de 1980 ?1983 et j'y suis retourn?de nombreuses fois depuis, sauf entre 1987 et 1991, o? je n'en ai pas eu l'occasion. Lorsque je m'y suis rendu en 1992, j'ai ・? stup・ait par les changements d'attitude que j'ai observ・, en particulier chez les jeunes : leurs nouvelles esp・ances, leur d・ir de participer et de s'engager. Ces changements ・aient le r・ultat des initiatives de M. Gorbatchev. Une fois qu'ils n'ont plus eu de raison d'avoir peur, qu'ils se sont rendu compte qu'ils pouvaient dire et faire des choses autrefois interdites, les jeunes n'ont pas tard??saisir les occasions qui se pr・entaient.
Le probl・e, bien s・, en Russie et dans beaucoup d'autres endroits, est que le rythme du changement n'est pas uniforme : il varie en fonction de la g・graphie et des tranches d'・e. Les jeunes s'adaptent g・・alement mieux et sont plus r・eptifs aux changements. Dans de nombreux cas, toutefois, des forces consid・ables r・istent au changement. Il ne faut pas croire la partie gagn・ d'avance et penser que la d・ocratie va in・itablement s'implanter partout. Il faut s'attendre ?des revers. Dans un grand nombre de pays, l'・onomie est tr・ fragile. Si elle s'effondre, les ramifications politiques seront importantes. Mais si l'on est patient et que les circonstances restent propices, on verra la d・ocratie se propager ?travers le monde.
Les Objectifs de
politique ・rang・e des ・ats-Unis
Revue ・ectronique de
l'USIA, volume 3, num・o 3, juillet 1998