LE R・E DE L'OTAN EN BOSNIE :
HIER, AUJOURD'HUI ET DEMAIN
M. Alexander Vershbow
Repr・entant permanent des
・ats-Unis ?
l'OTAN
Du point de vue de l'Alliance Atlantique, l'importance de la Force de mise en ・uvre (IFOR) et celle de la Force de stabilisation (SFOR) ?nbsp;d・assent largement le cadre de la Bosnie ou des Balkans ? d・lare M. Alexander Vershbow, repr・entant permanent des ・ats-Unis au Conseil de l'Atlantique Nord. ?nbsp;En amenant la paix dans la r・ion, nous avons aussi revigor? l'Alliance et contribu??fa・nner le r・e qu'elle jouera ? l'avenir. ?M. Vershbow est convaincu qu'il vaut mieux retarder ?nbsp;encore un peu ?le retrait des forces de l'OTAN du territoire bosniaque afin d'・re s・ qu'il n'y aura pas lieu de les red・loyer dans la r・ion.
Voil?maintenant pr・ de deux ans et demi que les canons se sont tus en Bosnie, gr・e ?l'OTAN, et l'on pourrait ・re tent?de consid・er les op・ations de l'Alliance dans ce pays comme allant de soi. L'op・ation de l'OTAN en Bosnie fait maintenant partie du paysage. Mais gardons-nous bien d'oublier qu'il nous a fallu parcourir un chemin chaotique pour arriver au point o?nous en sommes aujourd'hui. Ce parcours a beaucoup ?voir avec la vitalit?qui caract・ise l'OTAN aujourd'hui et avec l'・olution que l'on peut attendre d'elle, ?l'aube du cinquanti・e anniversaire du trait? de Washington et d'un si・le naissant.
Aujourd'hui, la Bosnie est pour l'OTAN l'histoire d'un succ・ qui prouve la justesse des travaux entrepris au cours des sept derni・es ann・s afin de transformer l'Alliance. Mais il nous faut aussi tirer les enseignements des nombreuses erreurs commises et qui ont presque entra・?la faillite de l'Alliance. Nous devons m・iter ces le・ns importantes et les int・rer au nouveau Concept strat・ique de l'OTAN, ?la r・ision duquel nous avons commenc??nous atteler.
Dans les pages qui suivent, je me propose d'expliquer les t・hes qui attendent l'OTAN au XXIe si・le et d'examiner les principes qui guideront le d・eloppement des forces alli・s n・essaires ?leur ex・ution. Si nous ne parvenons pas ?tirer l'essence de ces enseignements et ?les mettre en pratique tandis que nous envisageons l'avenir de l'OTAN, nous aurons manqu?le cr・eau.
Les occasions perdues
Dans un premier temps, les responsables de l'OTAN insist・ent sur le fait que la Bosnie n'・ait pas un conflit de nature ?tester la ?nbsp;nouvelle ?Alliance. Pourtant, les populations et les hommes politiques voyaient bel et bien dans ce dossier une ・reuve cruciale pour l'OTAN -une ・reuve ?laquelle l'Alliance ・houait. Jusqu'en ao・ 1995, l'exp・ience de l'OTAN en Bosnie fut un mod・e de frustration et d'occasions manqu・s. Le ton p・emptoire des communiqu・ de l'OTAN traduisant la d・ermination des Alli・ ? tenir t・e ?l'agression et ?faire respecter les r・olutions du Conseil de s・urit?de l'ONU masquait de s・ieuses frictions dans la relation transatlantique qui fris・ent m・e, ?l'occasion, la querelle pure et simple.
L'adaptation de l'OTAN : la th・rie d・asse la pratique
L'intervention de l'OTAN en Bosnie, dans les premiers temps, peut aussi s'envisager sous l'angle d'une le・n d'objet illustrant le gouffre entre la th・rie et la pratique. ?partir de 1990, avec la dissolution du Pacte de Varsovie et l'effondrement de l'Union sovi・ique, l'OTAN se lan・ dans une entreprise ambitieuse, sous l'impulsion d'initiatives am・icaines, pour tenter de se red・inir de fa・n ?pouvoir relever les d・is de la p・iode de l'apr・-guerre froide. Elle adopta notamment une nouvelle strat・ie qui ajouta ? la t・he fondamentale de la d・ense collective le dialogue, la coop・ation, la gestion des crises et le maintien de la paix. Avec la cr・tion du Conseil de coop・ation de l'Atlantique Nord, l'OTAN commen・ en outre ?ancrer les nouvelles d・ocraties europ・nnes dans la ?nbsp;communaut?de stabilit?nbsp;?de l'Alliance. Bref, l'OTAN s'empressa -en th・rie- de se pr・arer ?faire face aux conflits locaux en Europe et de jeter les bases d'actions conjointes des ・ats membres de l'OTAN et d'autres pays. Mais lorsque la guerre ・lata en Slov・ie, puis en Croatie et ensuite en Bosnie, les ・ats membres d・id・ent de tenir l'Alliance ?l'・art - sur le plan tant militaire que politique.
De nombreuses raisons motivaient leur d・ision : la Yougoslavie ne faisait pas partie de la zone de responsabilit?de l'OTAN et elle ne s'ins・ait pas dans ses fonctions fondamentales. De part et d'autre de l'Atlantique, le dossier yougoslave ・ait per・ comme une affaire europ・nne qui devait ・re r・l・ par des institutions europ・nnes. ?la v・it? on sous-estimait grossi・ement le danger que repr・enterait une guerre de grande envergure dans les Balkans et la menace qu'elle constituerait pour la stabilit?de la r・ion - et de l'ensemble de l'Europe.
L'inaction de l'OTAN refl・ait l'ambivalence de nombreux ・ats membres face ?l'・entualit?du recours ?la force militaire de l'OTAN en dehors de sa zone de responsabilit? autrement dit en marge de l'application de l'Article V1. D'o? la d・ision qui fut prise -?dessein et faute de mieux- de conf・er ?la Communaut? europ・nne un r・e de chef de file, en tandem avec les Nations unies, dans la gestion de la crise. Ces deux institutions se charg・ent de missions impossibles : la Communaut?europ・nne, celle de jouer la carte de la diplomatie sans que rien ne la renforce, et les Nations unies celle de mener une op・ation traditionnelle de maintien de la paix et d'aide humanitaire en plein c・ur de la tourmente.
Le concours de l'OTAN -sous la forme de missions a・iennes destin・s ?faire respecter la zone d'exclusion a・ienne et de missions maritimes visant ?faire respecter les sanctions dans la mer Adriatique- permit d'endiguer le conflit, mais ne fit pas grand-chose pour contribuer ?une solution. Toutes efficaces qu'elles fussent sur le plan militaire et en d・it de leur importance politique en tant que premi・es v・itables missions militaires de l'OTAN, elles ne r・ssirent gu・e ?dissiper l'impression que la nouvelle Alliance ・houait d・ la premi・e ・reuve qui se pr・entait ?elle.
De surcro・, Am・icains et Europ・ns voyaient d'un ・il bien diff・ent la nature m・e du conflit et les moyens d'y mettre fin. Les ・ats-Unis consid・aient que le conflit persisterait tant qu'une pression militaire r・lle ne serait pas exerc・ sur les Serbes de Bosnie pour les convaincre de renoncer ?l'agression. C'est anim? de cet esprit que le secr・aire d'・at am・icain de l'・oque, M. Warren Christopher, avait propos?en mai 1993 une initiative que l'avenir allait malheureusement vouer ?l'・hec : il s'agissait non pas de procurer la victoire militaire aux Musulmans de Bosnie, mais de convaincre les Serbes de Bosnie d'accepter le plan Vance-Owen, propos? par l'ancien secr・aire d'・at Cyrus Vance et l'ancien ministre britannique des affaires ・rang・es Lord David Owen. Ce plan de paix pr・onisait le d・oupage de la Bosnie-Herz・ovine en dix provinces pour emp・her le pays de se fractionner en trois ・ats ethniques.
Au cours des deux ann・s qui suivirent, les ・ats-Unis s'employ・ent sans rel・he ?persuader l'OTAN de recourir ?sa force a・ienne, aussi bien pour contrecarrer les projets des Serbes qui cherchaient ?・rangler Sarajevo et les autres ?nbsp;zones de s・urit?nbsp;?que pour fournir des moyens de pression susceptibles de favoriser la recherche d'une solution politique. Ils se virent frustr・ dans leurs efforts par leurs alli・ europ・ns qui craignaient, on le comprend, pour la s・urit?de leurs soldats d・loy・ sur le terrain dans le cadre de la Forpronu (Force de protection des Nations unies) et chez qui la notion d'・uit? frisait l'obsession. Telle fut la base de l'invention du m・anisme dit de la ?nbsp;double cl?nbsp;?[autorisation de l'OTAN et de l'ONU n・essaire avant le d・lenchement d'une frappe a・ienne], qui se r・・a paralysant lorsque les Serbes mirent la d・ermination de l'OTAN ?l'・reuve en 1993, en 1994 et au printemps de 1995.
Comme l'OTAN se contentait de r・gir de fa・n d・isoire aux attaques serbes contre les zones de s・urit? le Congr・ am・icain chercha ?obtenir la lev・ unilat・ale de l'embargo sur les armes, ce qui eut pour effet d'exacerber les tensions transatlantiques. Alors m・e que l'OTAN pr・arait officiellement son ・argissement, la cr・ibilit?de l'Alliance ・ait mise en cause et les relations transatlantiques ・aient au creux de la vague. Par ailleurs, les d・arches diplomatiques n'aboutissaient pas : les Serbes de Bosnie ne daignaient m・e pas se servir du plan du Groupe de contact comme base de discussion.
Qu'est-ce qui a fait d・ailler la situation ?
On peut tirer maints enseignements de cette p・iode. La premi・e erreur fondamentale fut d'exclure toute intervention de l'OTAN d・ le d・ut de la crise, lorsque l'usage de la force aurait pu emp・her l'escalade du conflit et produire une solution politique qui aurait sauv?la vie ?des dizaines de milliers de gens. Il faut y ajouter la mission impossible et incoh・ente qui fut assign・ aux Nations unies. Certes le Conseil de s・urit?avait qualifi?les Serbes d'agresseurs et avait autoris?le recours ??nbsp;tous les moyens n・essaires ?pour contrer cette agression, mais les casques bleus ne dispos・ent jamais de tous ces moyens : ils adopt・ent une attitude d'impartialit?dans l'application des r・olutions de l'ONU et l'acheminement de l'aide humanitaire. Cette incoh・ence se trouva renforc・ lorsque les ・ats-Unis tent・ent de faire jouer la menace de la force a・ienne de l'OTAN -cherchant ?associer une mission c・rcitive dirig・ contre les Serbes de Bosnie ?une attitude d'impartialit?et d'action r・ctive sur le terrain de la part de l'ONU.
L'OTAN resserre ses rangs
Il fallut attendre l'・?1995 pour que l'Alliance reprenne du poil de la b・e - ce qui arriva lorsque le pr・ident Clinton et d'autres dirigeants alli・ d・lar・ent enfin que les choses avaient trop dur? En fait, en juin, alors que l'on commen・it ?d・ouvrir de nouvelles d・r・ations commises par les Serbes, le pr・ident Clinton, passant outre aux recommandations des membres les plus influents de son cabinet qui l'encourageaient ??nbsp;rester dans le flou ? approuva une initiative ambitieuse destin・ ?mettre fin aux hostilit・ et ?n・ocier un r・lement politique de grande envergure. Con・e sous la direction de M. Anthony Lake qui ・ait ?l'・oque le conseiller du pr・ident en mati・e de s・urit?nationale, cette ?nbsp;strat・ie de fin de jeu ?reposait sur le recours conjugu? ?la puissance militaire des ・ats-Unis et de l'OTAN et ?la mise en ・uvre d'une ・ergique action diplomatique sous l'impulsion des ・ats- Unis.
Au mois de juillet, une nouvelle vague de prises en otage de casques bleus par les Serbes et leurs attaques ・ont・s contre Sarajevo, Srebrenica et Zepa scandalis・ent le monde et discr・it・ent une fois pour toutes la Forpronu. Le nouveau pr・ident qui entra en fonctions en France ・ait plus d・ermin??r・ister ?l'agression serbe. D・ lors, pendant la conf・ence qui se tint ?Londres ?la mi- juillet, les Alli・ accept・ent d'abandonner le m・anisme de la ?nbsp;double cl?nbsp;? comme le proposaient les ・ats-Unis, et ils menac・ent les Serbes pour la premi・e fois d'attaques a・iennes massives s'ils continuaient d'attaquer ou de menacer les zones de s・urit? Ils se ralli・ent en outre sans ・uivoque au nouvel effort de n・ociation que le pr・ident Clinton avait confi??M. Richard Holbrooke.
Lorsque les Serbes attaqu・ent Sarajevo, l'OTAN tint parole ; contrairement ?ce que de nombreuses personnes avaient pr・it, ces ・・ements d・ouch・ent non pas sur l'effondrement de la Forpronu, mais sur l'instauration d'un cessez-le-feu et sur l'acceptation par les Serbes du plan du Groupe de contact, ce qui ouvrit la voie aux accords de Dayton. La s・ie de victoires militaires croates qui suivirent finirent de persuader les Serbes que le jeu ・ait fini.
Dayton : l'action de l'OTAN met fin ?la guerre...
D'aucuns diront sans doute qu'en obligeant les responsables des factions bellig・antes ?passer deux semaines ?Dayton, dans l'Ohio, enferm・ dans une pi・e avec M. Holbrooke, on avait avanc?un argument au moins aussi convaincant que les attaques a・iennes de l'OTAN. En fait, la cl?du succ・ tint ?l'usage de la diplomatie appuy・ par la force - une le・n capitale ?tirer du conflit. Les accords de Dayton ont fait du gros probl・e que posait la Bosnie ?nbsp;une grande exp・ience ? pour reprendre le mot du pr・ident de la F・・ation bosniaque, M. Ejup Ganic. ?Dayton, nous avons pour ainsi dire r・nvent?la Bosnie - en nous employant ?r・iger une nouvelle constitution, ?・ablir des m・anismes propres ?garantir le respect des normes en mati・e de droits de l'homme, ?organiser des ・ections, ?r・oudre les litiges li・ ?des questions de propri・? ? rapatrier les r・ugi・ et ?r・ormer les forces de police.
... et l'IFOR cimente la paix
Le monde se penche maintenant sur ces t・hes civiles d'une grande complexit? mais c'・ait loin d'・re le cas en novembre 1995 lorsque nous croisions les doigts en pensant aux aspects militaires des accords de Dayton, plac・ sous la responsabilit?de l'OTAN : le maintien de la cessation des hostilit・, la s・aration des forces arm・s, le transfert de territoires entre les deux entit・, l'acheminement des forces et des armes lourdes dans les sites autoris・ et la cr・tion d'un environnement d・ourvu de danger dans la perspective de la mise en application des aspects civils des accords par le Haut Repr・entant, M. Carlos Westendorp, et d'autres.
Le fait que l'IFOR ait ex・ut?ces t・hes sans mort d'homme au combat peut para・re anodin, mais il faut savoir que des heures incalculables ont ・?pass・s ?Washington, ?Bruxelles et au si・e militaire de l'OTAN pour que cela soit possible : il fallut r・ler les derniers d・ails de la mission, du mandat et de la structure des forces ; d・inir des r・les ・ergiques d'engagement ; veiller ?l'unit?de l'exercice du commandement ; pr・iser le r・e de la Russie et celui des autres pays non membres de l'OTAN qui fournissaient un contingent ; et tenir compte des relations avec les Nations unies.
Relancer l'application des aspects civils des accords
Malheureusement, les succ・ remport・ sur le plan de l'ex・ution militaire ne s'accompagn・ent pas toujours d'une ・olution ・uivalente sur le plan civil, en partie ?cause du caract・e fondamentalement divers des m・hodes impliqu・s, mais aussi parce qu'il fallut plus de temps que pr・u pour organiser efficacement l'application des aspects civils des accords de Dayton et qu'il se pr・enta un nombre inattendu d'obstacles impr・us. L'・?dernier, lorsque M. Robert Gelbard succ・a ?M. John Kornblum au poste de repr・entant principal des ・ats-Unis en Bosnie, le gouvernement am・icain proc・a ?la r・ision fondamentale de sa politique g・・ale dans le but de donner un nouveau souffle ?la mise en application des aspects civils. De nombreuses capitales alli・s en firent autant. Lorsqu'ils se r・nirent ? Sintra, au Portugal, en mai dernier, les responsables de la communaut? internationale se mirent d'accord sur l'adoption d'une strat・ie capable de favoriser la r・lisation de cet objectif avant qu'il ne soit trop tard. Nous nous rendions compte, et nos alli・ avec nous, qu'il ne suffisait pas de remplir la mission militaire qui nous avait ・?confi・. Il convenait de faire pression sur les parties pour qu'elles appliquent les aspects civils des accords de Dayton, et ce en engageant une action plus dynamique et mieux coordonn・ - renforc・ par les capacit・ de la SFOR, la Force de stabilisation de l'OTAN.
Il est aujourd'hui entendu que la SFOR coop・era ・ergiquement avec le Haut Repr・entant et les nombreux organismes civils concern・. L'objectif fondamental consiste ?d・ouiller les opposants aux accords de Dayton de leurs instruments de pouvoir et de r・ression - l'arm・, la police, les m・ias et leurs sources de financement - tout en veillant ?la s・urit?publique par le biais de la restructuration et du recyclage des forces locales de police et en intensifiant les pressions visant ?l'arrestation et ?la capitulation des criminels de guerre.
Nous soutiendrons ceux qui appuient les accords de Dayton et nous r・isterons ?ceux qui s'y opposent. D'autre part, la communaut? internationale s'efforce maintenant d'・anciper le peuple bosniaque par le biais d'・ections d・ocratiques, de l'ind・endance accrue des m・ias et de la stimulation du redressement ・onomique.
Un pronostic optimiste
Des esprits pessimistes persistent ?dire qu'il est impossible d'appliquer pleinement les accords de Dayton. Mais je dis, et bien d'autres acquis au processus de paix pensent comme moi, qu'ils ont tort - pour des raisons morales et historiques, et compte tenu de ce qui se passe r・llement sur le terrain. L'instauration d'une paix et d'une d・ocratie durables en Bosnie est en passe de se r・liser, et ce ?une cadence acc・・・. Je dis cela apr・ m'・re rendu en Bosnie ?la mi-mars, pour la premi・e fois depuis plus d'un an. Le soutien ・ergique de la SFOR ?l'application des aspects civils depuis la conf・ence de Sintra prouve une fois de plus ?quel point il est efficace de mettre la force au service de la diplomatie. Les grandes lignes d'une soci・?stable et pacifique commencent ?se dessiner.
Le cessez-le-feu tient bon depuis deux ans et demi. Les arm・s ont ・?s・ar・s et pr・ de quatre cent mille soldats d・obilis・. Les troupes se sont retir・s jusqu'aux lignes convenues, et les armes et les unit・ restent dans leurs cantonnements. Plus de six mille six cents pi・es lourdes ont ・?d・ruites dans la r・ion, dont quatre mille trois cents en Bosnie. La SFOR a fait en sorte que l'arm・ ne joue plus de r・e politique et elle a m・e r・ssi ?faire placer la police sp・iale sous la supervision des autorit・.
La r・orme de la police va bon train et la s・urit?publique s'am・iore. On est en droit d'esp・er que la r・orme de la police se traduira par le retour d'un nombre croissant de r・ugi・ parmi les minorit・ et de personnes d・lac・s. En 1997, cent dix mille r・ugi・ et soixante mille personnes d・lac・s ont regagn?leurs foyers, ce qui porte le nombre total de rapatriements ?quatre cent mille.
La libert?de mouvement a ・?r・ablie dans la plus grande partie de la F・・ation croato-musulmane et dans certains secteurs de la R・ublique Serbe de Bosnie (Republika Srpska). Les liens qui avaient ・?nou・ par l'Iran avec les op・ations militaires et de renseignement de la Bosnie ont ・?coup・.
La tenue d'・ections introduit petit ?petit le pluralisme politique dans l'ensemble de la Bosnie. L'appui de la SFOR s'est r・・?crucial pour l'organisation de ces ・ections et l'application de leurs r・ultats. L'installation d'un nouveau gouvernement mod・? dans la R・ublique serbe a constitu?une perc・ spectaculaire, mais c'est aussi le signe que le peuple ne veut plus entendre parler des politiques extr・istes du r・ime de Pale.
Nous avons r・ssi ?convaincre la Croatie de se d・aire des dirigeants croato-bosniaques intransigeants qui s・issaient ? Mostar et ?persuader les dirigeants bosniaques d'arr・er les extr・istes musulmans responsables d'attaques violentes dans la F・・ation. Vingt- cinq criminels de guerre ont ・?mis sous les verrous apr・ avoir ・? inculp・, dont plus de la moiti?d'entre eux au cours des huit derniers mois. Il est possible que la politique d'arrestation plus ・ergique de la SFOR ait contribu??encourager les redditions volontaires, tendance qui se fait jour et que nous appuierons en veillant ?ce que la SFOR continue de faire preuve de fermet?
Les m・ias sous le contr・e de l'・at sont en cours de restructuration et les m・ias ind・endants sont renforc・. Les stations de radio et les cha・es de t・・ision de la R・ublique serbe de Bosnie viennent de reprendre leurs activit・ sur la base de l'acc・ libre. En d・embre dernier, les principaux acteurs internationaux - forts du consentement des parties- conf・・ent au Haut Repr・entant, M. Carlos Westendorp, le pouvoir de prendre des d・isions provisoires ?force obligatoire sur les questions qui n'avaient pas donn? lieu ? un accord entre les parties. Aucune partie n'est maintenant en mesure de faire obstacle au progr・. Cette d・ision est en partie ? l'origine des progr・ spectaculaires enregistr・ sur le plan des composantes ? haute valeur symbolique d'un ・at unitaire, ?savoir la cr・tion d'un nouveau drapeau, d'une nouvelle monnaie, de lois relatives ?la citoyennet?et de plaques d'immatriculation. Les autorit・ locales ne seront plus en mesure de harceler les visiteurs simplement ? cause de leur lieu d'origine.
Les priorit・ pour l'ann・ 1998
Pour que la paix prenne racine et que le retour des r・ugi・ se poursuive, le peuple de Bosnie doit pouvoir croire ? l'am・ioration de son existence mat・ielle. De grands pas ont ・?faits sur ce terrain, en particulier dans la F・・ation, laquelle a connu l'ann・ derni・e le taux de croissance ・onomique le plus rapide au monde (il est vrai qu'elle ・ait partie de bien bas). En 1998, le d・i ?relever consistera ?obtenir des dirigeants bosniaques qu'ils se concentrent sur ce point et ?aider le nouveau gouvernement de la R・ublique serbe ?rattraper le retard.
L'ann・ 1998 sera marqu・ par un ・・ement capital, ?savoir la tenue d'・ections nationales en septembre : les premi・es ・ections de l'apr・-guerre, elles offriront au peuple de Bosnie une occasion importante de devenir l'artisan de son avenir en proc・ant au changement de la vieille garde. La tenue de ces ・ections constitue la cl?de vo・e de notre strat・ie visant ?retirer ?la clique de Karadzic et aux autres ennemis des accords de Dayton les derniers vestiges du pouvoir.
Mais c'est le dossier du rapatriement des minorit・ qui pourrait se r・・er le plus difficile ?faire progresser, tandis que nous nous effor・ns d'inverser les effets de l'・uration ethnique et de contrer les divisions ethniques ?l'expression desquelles la guerre a donn? libre cours. Ici encore, nous entrevoyons des signes encourageants : le nouveau gouvernement de la R・ublique serbe de Bosnie que dirige le premier ministre Dodik a manifest?sa disposition ?appuyer les rapatriements interethniques, un programme pour le retour ?Sarajevo d'un grand nombre de Serbes et de Croates a ・? adopt?et la mise en place d'une approche interminist・ielle coordonn・ donne ?penser que les conditions ・onomiques et s・uritaires n・essaires ?la viabilit?du rapatriement pourraient ・re r・lis・s. Parmi les autres priorit・ figurent la pleine application des r・ultats des ・ections municipales de 1997 ; l'expansion des mesures de lutte contre la corruption, la contrebande et la criminalit?organis・ ; la r・nt・ration de l'infrastructure ・onomique ; et l'acc・・ation des r・ormes ・onomiques ax・s sur le march?
L'appui de la SFOR, cl?du succ・
L'・roite collaboration entre la SFOR et les agences civiles d'ex・ution a compt?pour beaucoup dans l'aboutissement de nos efforts au deuxi・e semestre de l'ann・ 1997. Dans chacun des domaines que j'ai cit・ -la r・orme des m・ias et de la police, les ・ections et le retour des r・ugi・-, le soutien de la SFOR s'est r・・? essentiel ? la r・ssite de nos d・arches. Nous avons finalement trouv?la formule capable d'assurer l'application des accords de Dayton, ?savoir un engagement civil vigoureux, sous l'・ide d'un Haut Repr・entant ・ergique, en conjugaison avec une pr・ence militaire internationale qui pourrait intervenir en cas de besoin. C'est sur cette toile de fond que l'Alliance prit en f・rier la d・ision de se prononcer en faveur de la prorogation du mandat de la SFOR lorsqu'il arrivera ? ・h・nce ?la fin du mois de juin. La nouvelle force aura pour objectif de consolider les acquis tout en maintenant le rythme de l'application des aspects civils. Ses effectifs resteront pratiquement inchang・ jusqu'?la fin de l'ann・ 1998, notre espoir ・ant qu'apr・ les ・ections de septembre les conditions se seront suffisamment am・ior・s pour permettre son retrait progressif d・ le d・ut de l'ann・ 1999. Nous avons pris la d・ision d・ib・・ de ne pas fixer de date pr・ise ?la conclusion de la mission de la force de suivi. Le degr?auquel nous pourrons r・uire nos effectifs, et ?terme les retirer, se mesurera ?l'aune des progr・ qui seront faits dans l'application de tout l'・entail des dispositions civiles et militaires des accords de Dayton, points de r・・ence pr・is ? l'appui.
Une t・he ardue consistera ?faire comprendre ?nos populations et ?nos parlements que nous pouvons seulement d・inir les grandes lignes de l'objectif final que nous cherchons ?atteindre, mais qu'il faudra laisser ?notre jugement la question de d・erminer le moment o? cela sera chose faite. Nous avons fait beaucoup de choses en Bosnie dont nous pouvons ・re fiers. Il nous faut maintenant finir ce qui a ・? commenc?et faire un dernier effort pour assurer la r・ssite totale de notre entreprise. En retardant encore un peu le d・art de nos troupes de Bosnie, nous pourrons ・re s・s qu'une fois que nous les aurons retir・s nous n'aurons pas besoin de les y renvoyer.
Les enseignements ?tirer pour l'OTAN
L'importance de l'IFOR et celle de la SFOR d・assent largement le cadre de la Bosnie ou des Balkans. En amenant la paix dans la r・ion, nous avons aussi revigor?l'Alliance et contribu??fa・nner le r・e qu'elle jouera ?l'avenir. L'application des accords de Dayton par l'OTAN d・ontre que la pratique a finalement rattrap?la th・rie au sein de cette organisation - ?certains ・ards, qu'elle l'a m・e d・ass・. Voil?qui d・ontre aussi aux ennemis de la nouvelle Europe, en particulier aux extr・istes nationalistes, que l'OTAN a les moyens de les priver des dividendes de l'agression et de g・er de tels conflits. L'IFOR et la SFOR ont donn?la preuve de la valeur de la structure militaire int・r・ de l'OTAN en tant que cadre de la planification et de l'ex・ution de toutes les missions, y compris celles qui se situent en marge de l'Article V.
Le concept du Groupe de forces interarm・s multinationales (GFIM) a ・?ainsi mis en pratique, alors m・e qu'il n'en est qu'?ses balbutiements. Toutes ces d・onstrations ont cr蜑 un mod・e pour la participation de la France aux op・ations militaires de l'OTAN et nous formons l'espoir qu'il ouvrira la voie ?l'int・ration totale de ce pays ?la structure militaire.
Le dossier de la Bosnie a prouv?la sagesse des initiatives de l'OTAN visant ?pr・arer l'・argissement de l'Alliance et ?faire participer ses anciens adversaires au Partenariat pour la Paix par le biais d'une coop・ation militaire concr・e. L'IFOR et la SFOR ont offert aux pays invit・ par l'OTAN, ?ceux qui aspirent ?y adh・er et ?d'autres partenaires encore l'occasion de servir sous son commandement, d'acqu・ir de l'exp・ience et d'accro・re l'interop・abilit?des forces alli・s. Au niveau politique, on a de m・e eu lieu de constater que les pays d・ireux d'acc・er ? l'OTAN, loin de se contenter de jouir des avantages de l'adh・ion, sont pr・s ?assumer leur part du fardeau.
La participation de la Russie ?l'IFOR et ?la SFOR sous le commandement national des ・ats-Unis a contribu??dissiper le mythe selon lequel les int・・s de ce pays et ceux de l'OTAN sont en tous points divergents, ce qui a ouvert la voie ?la conclusion de l'Acte fondateur OTAN-Russie. L'OTAN a ・abli une structure de consultations r・uli・es, de contacts et de coop・ation avec les Nations unies et l'OSCE (Organisation pour la s・urit?et la coop・ation en Europe) qui a modifi?ces relations institutionnelles pour le mieux.
Les relations transatlantiques sont ressorties plus fortes que jamais du d・i pos?par la Bosnie, et les op・ations de l'OTAN ont d・ontr?de fa・n ・latante et concr・e le bien-fond?du concept du partage des charges. En outre, de part et d'autre de l'Atlantique, on est d・ormais d・ermin??・iter le manque de synchronisation si marqu?des diverses politiques en mati・e de s・urit?de crainte de compromettre ces relations.
L'Alliance a affin?sa m・hode d'?nbsp;alerte pr・oce ? depuis la trag・ie survenue en Bosnie de fa・n ?emp・her que cela ne se reproduise. J'en veux pour preuve les d・ib・ations qu'elle a engag・s sur les moyens de pr・enir le d・ordement de la crise au Kosovo. L'Alliance s'est attaqu・ ?la r・ision du Concept strat・ique, dont la version mise ?jour sera d・oil・ lors du sommet qui se tiendra ?Washington en 1999. Ces enseignements tir・ de notre exp・ience en Bosnie, conjugu・ ?d'autres facettes encore, auront des ramifications profondes tandis que nous remodelons la th・rie pour la faire co・cider avec la pratique - et, qui sait, pour lui donner un peu d'avance sur elle.
Apr・ la fin de la guerre froide, la question cl??laquelle doit r・ondre l'Alliance a ・?pos・ dans un article aujourd'hui bien connu et que l'on peut r・umer par cette formule lapidaire, out of area or out-of-business (hors zone ou hors de course). La mission de l'OTAN en Bosnie a donn?une r・onse ・latante ?cette question : oui, l'OTAN est toujours dans la course. Mais, alors m・e que nous r・isons le Concept strat・ique, la vraie question est la suivante : comment les Alli・ peuvent-ils utiliser la structure qu'ils ont cr蜑e et qu'ils maintiennent en vue d'assurer leur d・ense collective pour promouvoir la d・ense de leurs int・・s en mati・e de s・urit?lorsqu'ils sont per・s dans une perspective plus vaste ?
La Bosnie ・ait ?nbsp;hors zone ?au sens le plus litt・al du terme, mais loin d'・re ?nbsp;hors champ ? Les menaces pesant sur la s・urit?des membres de l'Alliance figurent explicitement au nombre des sujets de consultations permis en vertu du Trait?de Washington datant de 1949, sans stipulation de crit・es g・graphiques. Dans le contexte strat・ique d'aujourd'hui, l'Alliance est expos・ ? des risques susceptibles de provenir de multiples directions et de rev・ir de nombreuses formes. Nous devons nous pr・arer ?toute ・entualit?dans la mesure de nos moyens.
Il ne nous sera pas permis de d・ider ?l'avance des formes de notre intervention dans la Bosnie de demain ; le monde ne fonctionne pas comme cela. La le・n fondamentale que nous devons retirer de notre exp・ience en Bosnie, c'est que nous devons avoir la capacit?militaire n・essaire, un cadre politique souple et un champ illimit?d'options pour que l'OTAN soit en mesure d'agir l?o? l'on peut trouver une volont?commune.
Gr・e ?la Bosnie, la vitalit?et l'utilit?de l'OTAN sautent aux yeux de tout le monde. C'est ?nous qu'il importe de tirer sagement les enseignements voulus pour maintenir l'・an acquis et fa・nner judicieusement notre avenir commun.
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1En vertu de l'Article V du Trait? de l'Atlantique Nord, ?nbsp;Les parties conviennent qu'une attaque arm・ contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Am・ique du Nord sera consid・・ comme une attaque dirig・ contre toutes les parties, et en cons・uence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de l・itime d・ense, individuelle ou collective, reconnu par l'Article 51 de la Charte des Nations unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaqu・s en prenant aussit・, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera n・essaire, y compris l'emploi de la force arm・, pour r・ablir et assurer la s・urit? dans la r・ion de l'Atlantique Nord ?
Les Objectifs de
politique ・rang・e des ・ats-Unis
Revue ・ectronique de
l'USIA, volume 3, num・o 2, avril 1998