LES PRIORIT・ EN MATI・E DE MAINTIEN DE LA PAIX :
LE POINT DE VUE DU MINIST・E DE LA D・ENSE
James Schear
Vice-ministre adjoint de la d・ense
Pour ・re efficaces, les op・ations de maintien de la paix exigent que leur personnel re・ive une formation r・liste tenant compte des cinq ・・ents des op・ations modernes de maintien de la paix : le terrain, les conditions m・・rologiques, les r・ugi・, les organisations non gouvernementales (ONG) et les m・ias. Toutefois, leur succ・ d・end, en d・initive, de l'application de toute une gamme d'instruments militaires et civils de maintien de la paix ainsi que d'une bonne dose de patience et de la ferme volont?des parties de surmonter leurs divergences et de faire le meilleur usage possible de l'aide ext・ieure. M. Schear est vice-ministre adjoint de la d・ense, charg?du maintien de la paix et l'aide humanitaire.
Peu d'aspects de la politique s・uritaire comportent autant d'enjeux pour le gouvernement am・icain, et en particulier pour le minist・e de la d・ense, que les op・ations de maintien de la paix. Indubitablement, de telles op・ations peuvent avoir de nombreux effets positifs pour les ・ats-Unis. Elles ont servi de fa・n tangible nos int・・s dans des pays aussi divers que la Bosnie-Herz・ovine, l'ex- R・ublique yougoslave de Mac・oine, Ha・i, le Guatemala et la G・rgie. Si l'Am・ique centrale et l'Afrique australe, longtemps connues pour la violence et l'instabilit?chronique qui y r・naient, sont beaucoup plus calmes aujourd'hui, c'est en partie aux op・ations de maintien de la paix qu'elles le doivent.
C'est le bon c・?de la chose. Cependant, ces op・ations ne sont pas d・ourvues de cons・uences dangereuses ou ind・irables. Elles peuvent servir nos int・・s, mais nous devons nous m・ier du tort qu'elles risquent de nous causer. Car si elles ne sont pas con・es et ex・ut・s correctement, elles risquent de nous entra・er dans des engagements ?long terme dans des r・ions instables. Qui plus est, elles peuvent parfois entamer la volont?qu'avaient les parties d'assumer la responsabilit?de leurs probl・es ; et elles peuvent exposer nos forces ?des risques inutiles, peser lourdement sur nos ressources et avoir un effet pr・udiciable sur notre capacit? op・ationnelle. Aucun de ces probl・es n'est insurmontable, mais ils font tous ressortir la n・essit?qui s'impose d'agir prudemment et s・ectivement dans ce domaine.
?partir de 1994, avec la directive pr・identielle 25, le gouvernement Clinton a tent?de simplifier et d'am・iorer le fonctionnement des op・ations multinationales de maintien de la paix. Ces derni・es ann・s, ?l'exception de la Bosnie, la tendance g・・ale a ・?de s'・arter des vastes op・ations ?composantes multiples en faveur d'op・ations plus modestes et plus cibl・s, dont certaines ・aient men・s par l'ONU et d'autres organis・s localement ou dans le cadre de coalitions de circonstance. Ce changement refl・e la pr・・ence des ・ats-Unis ainsi que d'importantes innovations dans la fa・n dont les op・ations de maintien de la paix sont organis・s et men・s.
Sur le plan de la politique g・・ale, les op・ations de maintien de la paix doivent ・re consid・・s comme un moyen et non pas comme une fin en soi. Il ne s'agit pas d'une strat・ie, mais d'un instrument dont l'utilisation doit ・re justifi・ par les int・・s strat・iques des ・ats-Unis. Bien qu'elles puissent ・re utiles pour pr・enir, endiguer et r・oudre les conflits r・ionaux, il est difficile de savoir quand une situation se pr・e ?l'utilisation des instruments de maintien de la paix. Ces op・ations ont la plus grande utilit? quand le conflit est au point mort, quand les parties sont ・uis・s et quand la poursuite des combats ne laisse pr・ager que de nouvelles souffrances. Si, par contre, les parties jugent la guerre pr・・able ? toute solution n・oci・, ou si la dynamique du conflit laisse pr・ager une solution militaire plut・ que diplomatique, il est difficile d'imaginer que des op・ations de maintien de la paix puissent avoir une valeur durable.
En ce qui concerne la participation des ・ats-Unis aux op・ations internationales de maintien de la paix, nous sommes en faveur d'un engagement s・ectif. Nous examinons en toute objectivit?chaque op・ation envisag・ afin de voir si notre participation aiderait ? am・iorer ses chances de succ・ et si les ressources n・essaires pour la soutenir seraient en rapport avec les enjeux que comporte la situation en question pour les ・ats-Unis. Mais tout engagement op・ationnel, m・e s・ectif, n'est qu'un aspect du probl・e. Nous pensons en outre que la formation des forces de maintien de la paix peut constituer un ・・ent utile de coop・ation r・ionale. Nous sommes pr・s ?contribuer ?de tels efforts, ・ant entendu que les conditions de cette coop・ation r・ionale doivent ・re fix・s par les parties elles-m・es et non pas dict・s de l'ext・ieur.
Le minist・e de la d・ense examine un grand nombre de questions dans les discussions sur la politique ?adopter ?l'・ard du maintien de la paix, mais quatre domaines m・itent une attention particuli・e :
La formation
La formation du personnel est une condition pr・lable indispensable ?l'efficacit?des op・ations. Notre slogan est le suivant : ?nbsp;Pr・arons-nous ?la guerre, mais adaptons-nous ?la paix ? Cet aphorisme signifie que nous devons veiller ?ce que nos forces soient pr・es, le cas ・h・nt, ?livrer et ?remporter une guerre, tout en ayant les moyens de participer ?des op・ations de maintien de la paix quand on le leur demande. Nous avons appris que les ・・ents cl・ du succ・ des op・ations de maintien de la paix sont des forces convenablement entra・・s et disciplin・s, plac・s sous le commandement de chefs comp・ents agissant dans le cadre d'une mission clairement d・inie.
Nos soldats et nos ?nbsp;marines ?poss・ent des capacit・ de combat qui leur permettent de s'adapter facilement aux besoins d'une op・ation de maintien de la paix s'ils ont le temps n・essaire pour s'adapter ?la nature de l'op・ation, ?ses r・les d'engagement et ? ses termes de r・・ence. L'exp・ience a montr?que nous pouvons efficacement nous pr・arer ?des op・ations de paix en raison du temps qu'exigent la pr・aration d'un mandat politique et l'identification des forces qui seront d・loy・s. Durant ces pr・aratifs, des officiers pr・oyants comme le g・・al de division William Nash, qui dirigeait l'IFOR (Force de mise en ・uvre), ont mis au point des normes efficaces de formation aux op・ations de maintien de la paix ?l'intention des unit・ combattantes, et proc・??leur formation intensive et r・liste en tenant compte des cinq ・・ents des op・ations modernes de maintien de la paix : le terrain, les conditions m・・rologiques, les r・ugi・, les ONG et les m・ias. Se fondant sur des sc・arios r・listes de formation, le g・・al Nash a cr・ une force hors pair capable d'assurer le maintien de la paix, aussi fragile soit-elle.
Certains sont favorables ?l'affectation permanente d'unit・ sp・ialis・s aux op・ations de maintien de la paix. Nous ne sommes pas d'accord avec cette id・, car elle limiterait notre capacit?de r・ction aux nombreuses situations d'urgence que notre strat・ie de d・ense exige de nos arm・s. D'autres pays adoptent cette pratique, mais c'est un luxe que nous ne pouvons pas nous offrir ・ant donn?la port・ mondiale de nos engagements. L'envoi de militaires sur le terrain ・uivaut, pour les ・ats-Unis, ?une d・laration politique. Nous devons ・re pr・s ?rencontrer de l'opposition parce que les opposants du processus de paix savent que chasser les forces am・icaines est la garantie de leur succ・. Des troupes am・icaines form・s uniquement aux op・ations de maintien de la paix ne seraient pas en mesure de faire face efficacement ?une telle situation.
Sur le front international, le gouvernement a entrepris diverses d・arches visant ?・ablir des normes communes en mati・e de formation aux op・ations de maintien de la paix et lanc?une initiative ayant pour but d'am・iorer les moyens de formation de divers pays. Cette initiative est connue sous le nom de Enhanced International Peacekeeping Capabilities (EIPC). Elle porte sur l'・aboration d'une politique nationale de maintien de la paix et la mise en ・uvre de programmes de formation militaire dans certains pays qui paraissent capables de mener des op・ations de maintien de la paix. Le Congr・ a r・emment affect?un cr・it de sept millions de dollars pour financer les objectifs de l'EIPC. En avril 1998, le gouvernement a propos? que neuf pays re・ivent des fonds de l'EIPC durant l'ann・ budg・aire 1998.
La mission principale de l'EIPC est d'aider ces pays ? acqu・ir et ?entretenir des forces cr・ibles de maintien de la paix. Ce programme a ・alement pour objectif l'adoption de normes internationales communes en mati・e de formation et d'instruction d'officiers, et la mise au point de syst・es d'information et de proc・ures visant ? am・iorer l'interop・abilit?des troupes sur le terrain.
L'an dernier, le minist・e de la d・ense a organis?une r・nion des commandants de plusieurs centres de formation aux op・ations de maintien de la paix et de repr・entants du d・artement des op・ations de maintien de la paix des Nations unies pour mettre au point des normes de s・ection et de formation des observateurs militaires. C'・ait la premi・e fois qu'un consensus international aussi vaste ・ait obtenu pour d・inirles responsabilit・ nationales concernant la formation de ces observateurs. Nous nous attendons ?ce que ces normes soient publi・s par les Nations unies en avril 1998. Du fait de cette conf・ence, d'autres pays sont pr・s ?prendre part ? l'・aboration de normes relatives aux contingents participant aux missions pr・ues au chapitre VI de la Chartedes Nations unies. Nous serons heureux de participer ?ces efforts ?la quatri・e r・nion annuelle de l'Association internationale des centres de formation au maintien de la paix en mai 1998.
La protection des forces
La protection des soldats de la paix demeure l'une de nos principales pr・ccupations. Les zones dans lesquelles ces forces op・ent sont parfois instables, voire m・e plong・s dans le chaos. En outre, les dirigeants locaux risquent de ne pas ・re ma・res de leurs factions, tandis que les ・・ents criminels ・happant au contr・e des bellig・ants dans la zone d'op・ation peuvent chercher ?profiter de la situation. Le minist・e de la d・ense est conscient de ces risques et c'est pourquoi notre d・ision de participer ?ces op・ations est souvent pes・ aux niveaux les plus ・ev・ du gouvernement. Le probl・e est que les Nations unies n'ont pas pour habitude d'armer leur personnel, en particulier les observateurs militaires, pour souligner la neutralit?de ces derniers et les mettre ainsi ?l'abri d'actes de violence politique. Aussi valable que soit cette technique sur le plan politique, elle fait des observateurs des cibles tentantes pour les criminels et les voleurs. En G・rgie et ailleurs, des observateurs militaires de l'ONU ont ・?pris en otage et ont ・?victimes d'autres actes criminels.
Que pouvons-nous faire ? Il existe un certain nombre de mesures que nous pouvons prendre afin d'assurer une meilleure protection des forces de maintien de la paix. Premi・ement, nous devons continuer ?pr・arer notre personnel militaire ?faire face aux dangers ・entuels auxquels il s'exposera sur le terrain, durant la formation qui pr・・e son d・loiement. Deuxi・ement, nous pouvons lui fournir des informations tactiques, de l'・uipement de protection et d'autres formes de soutien durant sa mission et proc・er r・uli・ement ?une ・aluation de la protection des forces. Troisi・ement, nous pouvons insister aupr・ de l'organisme qui parraine une op・ation de maintien de la paix, qu'il s'agisse des Nations unies, de l'Organisation du trait?de l'Atlantique Nord (OTAN) ou d'une autre entit? pour qu'il prenne des mesures de protection ad・uates correspondant aux risques et aux exigences des op・ations avant de proc・er ?tout d・loiement. Enfin, nous pouvons exiger des parties ? l'accord de paix qu'elles supervisent leur personnel et qu'elles promettent de prendre des mesures tangibles ?l'encontre de tout contrevenant.
La s・urit?publique
Aussi ・range que cela puisse para・re, l'ordre public est souvent la premi・e victime de la paix. Durant un conflit, les factions arm・s r・ssissent ?maintenir un semblant d'ordre et de discipline dans les zones qu'elles dominent. Certes, il ne s'agit peut-・re pas d'un ordre public l・itime, mais les d・its criminels civils sont souvent supprim・. Une fois que le conflit a pris fin et que la d・obilisation commence, les soldats d・・uvr・ tra・ent dans les rues. La plupart du temps, leur inactivit?se prolonge, et ils ont acc・ ?de petites armes. Pour assurer leur subsistance, ils sont susceptibles, en d・espoir de cause, de recourir ?des activit・ criminelles. Il convient d'ajouter ?ce probl・e le fait que les forces locales de police, les tribunaux et les prisons ont peut-・re ・?d・im・ durant le conflit et sont donc dans l'impossibilit?d'enrayer la criminalit?
Il est clair qu'aider ?r・ablir un appareil judiciaire local est l'une des t・hes faisant logiquement partie de toute op・ation de maintien de la paix. La communaut?internationale a commenc? au cours de ces deux derni・es ann・s, ?prendre davantage conscience de la v・itable ampleur d'une op・ation de maintien de la paix. Le gouvernement des ・ats-Unis a l'intention de collaborer avec les autres pays et organisations internationales et r・ionales qui partagent son point de vue afin d'am・iorer les instruments dont on dispose ?l'・helle internationale pour accomplir cette t・he. Il y a eu, lors de r・entes op・ations, des innovations qui peuvent s'av・er utiles sur un plan plus g・・al. En Ha・i, la police civile des Nations unies (POLCIV) est rest・ sur place apr・ le d・art des forces militaires de maintien de la paix de l'ONU. Sa protection ・ait assur・ par une unit?civile de s・urit?amen・ sp・ialement d'Argentine par les Nations unies. C'・ait la premi・e fois que la police civile des Nations unies restait dans un pays apr・ le d・art des soldats de la paix. En Bosnie, l'OTAN pr・oit de d・loyer une force de police compos・ d'unit・ paramilitaires pour aider ? assurer l'ordre public.
Un d・art dans de bonnes conditions
En Bosnie, nous avons appris que ce qui compte, ce sont les conditions du retrait des forces et non pas la date du d・art. Les dates limites sont utiles pour aider la communaut?internationale ? pousser les protagonistes locaux ?cr・r, en temps voulu, les conditions de d・art ; et il est clair que les forces militaires ne peuvent pas rester d・loy・s ind・iniment. Ceci dit, il va de soi que le succ・ d'une op・ation devrait ・re mesur??l'aide d'un simple crit・e : la paix ou la stabilit?subsisteront-elles pendant une p・iode raisonnable apr・ le d・art des forces internationales ? La difficult?tient au fait qu'une stabilit?durable exige que la structure sociale d'un pays soit r・ablie avant le d・art des troupes de maintien de la paix. Un rel・ement v・itable doit ・re vu sous l'angle du d・eloppement. Il s'agit l?d'une t・he extr・ement difficile et les militaires ne sont pas l'instrument qui convient pour l'accomplir. La communaut?internationale doit avoir ?sa disposition des instruments civils de secours et de d・eloppement capables d'aider ?r・nimer une soci・?apr・ un conflit. Les t・hes n・essaires sont nombreuses et d・ourageantes. Elles vont de soins aux enfants traumatis・ ?la fourniture par le gouvernement de services essentiels, notamment la justice (d・?mentionn・), la r・lementation ・onomique, le ramassage des ordures et les services m・icaux.
En derni・e analyse, il n'existe pas de formule magique pour garantir le succ・ des op・ations de maintien de la paix. Il faut de la patience et une gamme d'instruments, tant civils que militaires, pour amener les parties hostiles vers la paix et il faut, en dernier ressort, que les parties soient pr・es ?concilier leurs divergences et ?faire le meilleur usage possible de l'aide ext・ieure. Si telle n'est pas leur intention, la d・ision politique est claire : n'envoyons pas de forces de maintien de la paix.
Les Objectifs de
politique ・rang・e des ・ats-Unis
Revue ・ectronique de
l'USIA, volume 3,
num・o 2, avril 1998