TROUVER UNE RAISON D'・RE - ET LE SUCC・ - EN BOSNIE
Ambassadeur Robert Hunter
Conseiller, RAND
Repr・entant permanent des ・ats-Unis ?l'OTAN de 1993 ?1998
A mon entr・ en fonctions au si・e de l'OTAN, en juillet 1993, le moral de mes coll・ues ・ait bas, l'Alliance n'・ait pas s・e de la direction qu'elle devait suivre et d'aucuns demandaient m・e tout haut si l'OTAN avait un avenir devant elle. Le Pacte de Varsovie et l'Union sovi・ique d・antel・, il ne se d・ageait aucune raison claire qui justifi・ le maintien de l'OTAN. La Bosnie-Herz・ovine, ?ses portes, ・ait en proie au conflit, et l'Alliance ne faisait pas grand-chose, faute de moyens ou de bonne volont? La Force de protection des Nations unies (la Forpronu) ・ait responsable sur le terrain, mais ne semblait pas capable de prot・er qui que ce f・, tandis que l'intervention de l'OTAN se limitait ?interdire le survol du territoire bosniaque et le trafic d'armes le long de ses c・es.
Quel contraste quatre ans et demi plus tard, ?l'issue de mon mandat de repr・entant permanent des ・ats-Unis au Conseil de l'Atlantique Nord ! L'Alliance avait incontestablement trouv?un sens ?son avenir, d・ini ?partir de quatre principes fondamentaux, ? savoir : maintenir l'engagement des ・ats-Unis en tant que puissance en Europe ; pr・erver ce que l'OTAN avait offert de mieux dans le pass?nbsp;; inclure pleinement les pays d'Europe centrale ?l'Occident ; et tendre la main ?la Russie. Soucieuse d'atteindre ces objectifs, l'OTAN avait adopt?tout un ensemble d'initiatives, destin・s chacune ?r・ondre ?un besoin particulier de l'Europe en mati・e de s・urit? mais toutes reli・s les unes aux autres et se renfor・nt mutuellement. Trois pays d'Europe centrale (la Pologne, la Hongrie et la R・ublique tch・ue) furent invit・ ?adh・er ?l'Alliance. Cette derni・e a d'ailleurs laiss?la porte ouverte ? tous les autres pays qui seraient d・ireux et capables d'assumer les responsabilit・ d・oulant de l'adh・ion ?l'OTAN.
Dans le m・e temps, l'OTAN c・・rait les succ・ de son Partenariat pour la paix, l'initiative la plus importante qu'elle avait prise depuis de nombreuses ann・s dans le double objectif de pr・arer les pays qualifi・ ?se joindre ?l'OTAN et de permettre aux autres d'・re profond・ent engag・ dans l'・uvre de l'Alliance ?titre de membres d'une famille ・argie. Parall・ement, l'OTAN a cr蜑 un Conseil de partenariat euro-atlantique qui a succ・?au Conseil de coop・ation de l'Atlantique Nord. Elle a termin?ses travaux sur la r・orme de ses structures de commandement et cr蜑 ・alement un nouveau quartier g・・al pour les Groupes de forces interarm・s multinationales (GFIM) de fa・n ?pouvoir projeter la capacit?op・ationnelle de l'OTAN rapidement et efficacement, en particulier lors des missions de maintien de la paix. Les Alli・ se sont mis d'accord sur une nouvelle relation avec l'Union de l'Europe occidentale (UEO), en vertu de laquelle des officiers et des ressources militaires de l'OTAN peuvent ・re mis ?contribution dans des op・ations militaires exclusivement europ・nnes : pour la premi・e fois, l'UEO avait donc la capacit? d'agir. Cette ・olution tenait largement ?l'existence d'une nouvelle coop・ation entre les ・ats-Unis et la France, cette derni・e s'・ant engag・ dans la voie de la r・nt・ration au commandement militaire de l'OTAN. J'ai eu l'honneur d'・uvrer ?cette fin en ・roite collaboration avec le repr・entant permanent de la France ?l'OTAN.
Par ailleurs, l'OTAN a pris des mesures que je n'h・iterais pas ? qualifier de r・olutionnaires. Ainsi a-t-elle conclu un Acte fondateur avec la Russie et commenc??s'entretenir r・uli・ement avec des repr・entants de ce pays au sein d'un Conseil conjoint permanent, sign?une charte et cr蜑 une Commission avec l'Ukraine, et voil? maintenant pr・ de deux ans que des soldats de l'OTAN sont d・loy・ en service actif en Bosnie. La Force de stabilisation (SFOR) a r・ni les seize Alli・, quatorze pays membres du Partenariat pour la paix et m・e la Russie ; sa pr・ence assure le maintien de la paix en Bosnie et elle contribue au regain d'espoir qu'ont ses habitants de renouer avec une vie normale.
Tant d'accomplissements en si peu de temps, et tout cela parce que seize Alli・ ont fait cause commune. Le m・ite en revient ・alement ? tous. Est-il besoin de le pr・iser ? ?la fin de l'ann・ 1997, le moral au si・e de l'OTAN ・ait ・ev? et tout le monde comprenait clairement notre raison d'・re et avait le sentiment d'avoir accompli quelque chose. Mais rien de tout cela ne sautait aux yeux en juillet 1993. ?l'・oque, mon premier objectif ・ait de pr・arer une r・nion au sommet de l'OTAN qui allait se tenir ?Bruxelles en janvier 1994, comme me l'avait demand?M. Manfred W・ner, alors secr・aire g・・al, lorsque je lui avais t・・hon?pour lui annoncer ma nomination. La perspective d'une r・nion au sommet est tr・ absorbante, et ce fut certainement ce que l'on observa parmi les responsables du gouvernement des ・ats-Unis et ceux de l'Alliance. Vers la mi-octobre 1993, les ministres alli・ de la d・ense particip・ent ?une r・nion de travail ?Travem・de, en Allemagne, et c'est ?cette occasion que le relativement nouveau gouvernement Clinton d・oila sa strat・ie en vue du sommet.
Sa carte ma・resse ・ait le PPP - sigle sous lequel on d・igne le Partenariat pour la paix, dont le principe avait ・?esquiss?par une petite ・uipe de responsables am・icains lors d'une visite effectu・ ? la mission de l'OTAN lorsque j'y ・ais d・?en fonctions. De surcro・, au moment de la r・nion au sommet de janvier 1994, les Alli・ ・aient pr・s ?prendre l'engagement d'accepter de nouveaux membres, de forger une nouvelle relation avec l'Union de l'Europe occidentale, de faire face aux d・is naissants que posent les armes de destruction massive et leurs vecteurs, et de rechercher des moyens de faire sortir la Russie de son cocon et de l'amener ?jouer un r・e constructif dans la s・urit?de l'Europe.
Le calendrier de travail ・ait ainsi ・abli : nous allions chercher avant tout ?tendre la main ?tous les pays et ?tous les peuples ?l'est de la zone OTAN dans l'espoir, plus ferme que jamais, de faire rayonner la s・urit?et la paix dans l'ensemble du continent. L'・argissement de l'OTAN formait le pivot de notre action, mais toutes nos autres d・arches ・aient con・es de mani・e ?apporter un concours positif ?la s・urit?globale de l'Europe ; j'ai beau chercher, il ne me vient ?l'esprit aucune autre politique ・rang・e des temps modernes qui ait ・?aussi syst・atique et aussi pouss・ : nous avons d'abord d・ini des objectifs, puis nous avons mis en ・uvre une strat・ie afin de les atteindre et nous avons enfin arr・?un plan d'action, point par point, et joint le geste ?la parole.
Mais il manquait quelque chose. ?mesure que nous ・aborions la nouvelle architecture de s・urit? il est apparu que celle-ci ne servirait pas ?grand-chose si l'Alliance n'assumait pas la responsabilit?de mettre fin au conflit qui s・issait en Bosnie. Il e・ ・?insens?de se retrancher derri・e l'argument selon lequel nous avions fait ?nbsp;tout ce que l'ONU nous avait demand?nbsp;? Le probl・e se posait en termes simples : la raison d'・re de l'OTAN, c'est la s・urit?nbsp;; or, des troubles et des sc・es tragiques se d・oulaient ?ses portes m・es ; l'OTAN avait donc ・hou?
Qu'il f・ m・it?ou non, ce jugement incita les Alli・ ?agir. Mais leur action ne fut ni simple ni automatique ; en fait, il ne se trouve sans doute dans les annales de l'OTAN aucune autre question qui ait autant tiraill?les Alli・ - et la Bosnie r・ssit presque ? d・ruire l'Alliance. Neuf Alli・ avaient des troupes sur le terrain int・r・s ?la Forpronu, tandis que les ・ats-Unis, qui n'avaient pas envoy?de contingents ?la Force de protection, pr・aient le lancement d'attaques a・iennes. Les Alli・ ne parvenaient pas ?se mettre d'accord sur une strat・ie commune ; les risques n'・aient pas ・uitablement partag・ ; ceux-ci accusaient ceux-l?de jouer double jeu ; le recours limit?et ・isodique aux attaques a・iennes par l'OTAN - des ?nbsp;chiquenaudes ?- ne servait ? rien si ce n'est ?accentuer les d・accords parmi les Alli・ ; et l'impasse sur la Bosnie mena・it m・e de mettre en pi・e l'・uvre concert・ de l'OTAN sur la construction de son avenir en Europe centrale et avec la Russie.
Fait tragique, il fallut que les Serbes de Bosnie commettent des atrocit・ ?Srebrenica, pendant l'・?1995, pour que les Alli・, choqu・, passent collectivement ?l'action. Alors seulement, je parvins ?obtenir leur accord pour lancer des attaques a・iennes que tous approuveraient sans r・erve, et pour la premi・e fois de son histoire, l'OTAN frappa. Vingt jours plus tard, elle avait manifestement remport?la victoire, et les bombardements prirent fin ; peu de temps apr・, la guerre cessa, ouvrant la voie aux accords de Dayton et au d・loiement de la force de l'OTAN charg・ de leur application. Celle-ci vient de f・er son troisi・e anniversaire sans avoir perdu un seul de ses hommes au combat.
Dans un sens tr・ r・l, la Bosnie a sauv?l'OTAN. Les Alli・ ont montr?qu'ils pouvaient prendre une alliance con・e dans un seul objectif, aujourd'hui atteint, et lui assigner des t・hes radicalement diff・entes, en lui faisant faire presque volte-face puisqu'elle a d・ourn?son attention de l'Europe centrale pour se concentrer sur les Balkans. La Bosnie a donc prouv?la pertinence de l'OTAN ; l'importance renouvel・ des qualit・ d'initiative des ・ats- Unis ; leur disposition ?partager les responsabilit・ avec leurs alli・ ; le fondement essentiellement moral et politique de la s・urit?nbsp;; et le bien-fond?continu de la devise tacite de l'OTAN, calqu・ sur une autre bien connue : un pour tous et tous pour un. Il me semble que ses fondateurs auraient ・?fiers des efforts d・loy・ par leurs successeurs, un demi-si・le plus tard, pour apporter la promesse de la paix ?une autre g・・ation.
Fort d'une exp・ience de trente-cinq ann・s consacr・s aux questions de la s・urit?en Europe, je suis fier d'avoir travaill? avec les fonctionnaires am・icains d・ou・ qui forment la mission des ・ats-Unis ?l'OTAN. Qu'ils soient civils ou militaires, qu'ils repr・entent le d・artement d'・at, le minist・e de la d・ense, l'USIA ou la Fema (Federal Emergency Management Agency, agence f・・ale d'aide d'urgence aux victimes de catastrophes), ils ont accompli de grandes choses alors que nous ・ions ?la crois・ des chemins, ?un moment o?tous les espoirs sont permis.
USIS revues ・ectroniques | USIS Les Objectifs de politique ・rang・e des ・ats-Unis, Mars 1999 | Page d'acqueil de l'USIS