Devant la situation de catastrophe pour le d・eloppement que constitue le
sida en Afrique, une ・ape historique a ・?franchie dans la lutte contre cette maladie ; les dirigeants
politiques prennent la parole et de nouvelles ressources internationales sont
mobilis・s.
L
e sida est devenu le premier facteur de mortalit?en Afrique, causant 10 fois plus de d・・ que
les guerres qui ont eu lieu sur ce continent en 1998. D'apr・ une enqu・e mondiale men・ par le
Programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) et l'Organisation mondiale
de la sant?(OMS) ?la fin de l'ann・ 1999, la pand・ie a fait, depuis son d・ut, plus de 16 millions
de morts dans le monde entier, dont 13,7 millions en Afrique.
Ces statistiques accablantes signifient que le sida risque d'inverser les progr・ accomplis par les
Africains au cours des deux derni・es d・ennies aux plans des soins m・icaux, de l'・ucation, de
l'esp・ance de vie, de la croissance ・onomique et de la s・urit?humaine. En Afrique, le sida est
devenu une v・itable catastrophe pour le d・eloppement.
Ces faits pr・ccupants se d・agent de l'enqu・e men・ par le Programme des Nations unies
pour le d・eloppement (PNUD) ?la fin de 1999. L'Indice du d・eloppement humain, qui refl・e les
niveaux de sant? de richesse et d'・ucation des populations, et selon lequel on effectue un
classement des pays du monde entier, a accus?cette ann・ une baisse en Afrique. Dans la quasi-
totalit?des cas, le recul des nations africaines au classement g・・al peut ・re attribu??la
diminution de l'esp・ance de vie qui r・ulte du sida :
La moyenne de l'esp・ance de vie ?la naissance en Afrique australe, qui ・ait pass・ de 44 ans
au d・ut des ann・s 50 ?59 ans au d・ut des ann・s 90, retombera selon les pr・isions ?45 ans
entre 2005 et 2010.
Le Programme des Nations unies pour le d・eloppement estime que moins de 50 % des Sud-
Africains aujourd'hui en vie peuvent esp・er atteindre l'・e de 60 ans, cette proportion ・ant 70 %
pour l'ensemble des pays en d・eloppement et de 90 % pour les pays industrialis・.
Cependant, m・e devant ces sombres statistiques, je reste optimiste. Je crois que nous sommes
parvenus ?un tournant de l'histoire de l'・id・ie de sida en Afrique qui a commenc?il y a vingt
ans. Partout o?je vais, j'entends les grands dirigeants africains s'exprimer sur le sida et sur la
menace majeure qu'il fait peser sur le d・eloppement du continent.
Au Ghana, il y a deux mois, l'・ouse du pr・ident, Mme Nana Konadu Rawlings, a par exemple
particip?au lancement d'une campagne d'utilisation de pr・ervatifs f・inins ; elle a d・rit l'arriv・
de ces prophylactiques comme ?un r・e mondial longtemps attendu qui est devenu r・lit?pour les
Ghan・ns ?
Ce sont les actions hardies telles que la sienne et celles d'autres dirigeants qui me font esp・er
que dans les mois et les ann・s ?venir, nous assisterons ?des r・ctions plus r・olues et plus
efficaces devant le sida dans de nombreux autres pays subsahariens.
Je pense qu'une ・ape historique a ・?franchie dans notre lutte contre cette maladie d・ lors que
les dirigeants politiques en parlent, que de nouvelles ressources nationales sont allou・s ?sa
pr・ention et aux soins des personnes qui en sont atteintes, et que de nouvelles ressources
internationales sont mobilis・s. Lorsque les pouvoirs publics consid・ent que le sida est une priorit?
nationale, il devient possible de prendre des d・isions difficiles qui permettent de faciliter la vie ?
ceux qui en sont atteints, et de mettre en place de meilleurs dispositifs de protection pour les plus
pauvres et les plus vuln・ables.
Le Partenariat international contre le sida (IPAA) en Afrique s'emploie ?atteindre ces buts dans
le cadre d'un effort coop・atif associant les gouvernements nationaux, des organisations
internationales et des groupes du secteur priv? Les gouvernements africains ont lanc?de vastes
initiatives nationales. Les organes des Nations unies coordonnent la participation mondiale ?la lutte
contre le sida et fournissent des appuis programmatiques et financiers aux efforts d・loy・ au
niveau des pays. Les gouvernements donateurs soutiennent ・alement les interventions ?tous les
niveaux et contribuent au d・eloppement du Partenariat lui-m・e, en plus de l'aide financi・e qu'ils
apportent. Le secteur priv?fournit son expertise et des ressources afin d'inverser la progression de
l'・id・ie en appuyant les campagne de pr・ention mises en oeuvre sur le lieu de travail, par les
organisations syndicales et par les chefs d'entreprises. Enfin, les organisations non
gouvernementales, et parmi elles les associations de personnes vivant avec le VIH, cherchent ?・re
incluses dans le partenariat ・abli avec la soci・?civile locale et ?renforcer les r・eaux r・ionaux et
nationaux sp・ialis・ dans la lutte contre le sida.
Le partenariat a une mission aussi ambitieuse que simple. Au cours de la prochaine d・ennie, il
contribuera ?r・uire le nombre de nouvelles infections par le VIH en Afrique, ?promouvoir les
soins pour les personnes contamin・s par le virus, et ?mobiliser la soci・?pour enrayer la
progression du sida. Les buts sp・ifiques promus par le partenariat sont notamment :
de donner aux jeunes de 15 ?24 ans les informations et les connaissances n・essaires pour
pr・enir la contamination ;
de fournir aux femmes enceintes l'acc・ aux tests de d・istage du VIH ainsi qu'aux conseils et
aux m・icaments qui peuvent accro・re leurs chances de mettre au monde des enfants en bonne
sant?;
d'inclure les personnes vivant avec le VIH ou le sida de mani・e active dans tous les aspects
sociaux, ・onomiques et politiques de la vie ;
de donner aux enfants orphelins du sida les moyens de grandir et de mener une vie normale ;
d'assurer aux personnes s・opositives l'acc・ aux soins conform・ent aux normes ・ablies au
niveau local ;
de veiller ?ce que les entreprises nationales et internationales qui op・ent en Afrique
s'engagent pleinement dans la lutte contre l'・id・ie ;
d'encourager la d・entralisation des programmes li・ ?la lutte contre le VIH et le sida ainsi
que la participation des collectivit・ ;
de promouvoir, par des moyens sociaux et juridiques, l'・imination de la honte attach・ ?la
maladie et de la discrimination des malades.
Les gouvernements d'une dizaine de pays africains ont d・?acc・・?leur propres actions dans le
but d'endiguer la maladie. C'est ainsi, par exemple, que le Burkina Faso et la C・e-d'Ivoire ont ・abli
un fonds national de solidarit?
L'IPAA encouragera ・alement les ・hanges d'id・s entre les pays sur les ?meilleures
pratiques ?qui se d・agent d・?de la r・ion subsaharienne. En Ouganda, les programmes
d'information et d'・ucation concernant les questions sexuelles et la sant?ainsi que les programmes
sur la pr・ention du VIH organis・ dans les ・ablissements d'enseignement ont contribu??une
baisse ・idente du taux d'infection, cette r・uction atteignant 40 % en milieu urbain.
Au S・・al, une riposte rapide ?l'・id・ie, qui b・・iciait de l'appui des dirigeants islamiques
et chr・iens, a permis de maintenir le taux d'infection par le VIH ?moins de 2 %. Les enqu・es
r・entes sur le comportement indiquent que plus de 60 % des hommes et de 40 % des femmes de 15
?24 ans utilisent maintenant des pr・ervatifs lors des relations sexuelles occasionnelles.
L'IPAA et les partenariats du m・e type ・abliront une fondation sur laquelle pourront
s'appuyer des activit・ de lutte plus efficaces contre l'・id・ie. Seule peut r・ssir une action
collective des divers secteurs, et les pouvoirs publics, le monde des affaires, les ・ucateurs et tous
les acteurs de la soci・?doivent y contribuer. C'est l?une r・lit?que nous observons non seulement
dans les programmes africains, mais ・alement ailleurs : la coop・ation du secteur public, des
organisations non gouvernementales et des autres secteurs obtient de bons r・ultats.
Le gouvernement de la Tha・ande a d・ontr?l'importance d'un partenariat lorsqu'il a lanc?un
vaste programme, apr・ qu'une ・ude men・ en 1989 eut r・・?que 44 % des prostitu・ de la ville
de Chiang-Mai ・aient s・opositifs. Bien que la prostitution soit ill・ale en Tha・ande, les pouvoirs
publics ont coop・?avec les propri・aires des maisons de prostitution pour encourager l'utilisation ?
100 % des pr・ervatifs dans ces ・ablissements. Ils ont lanc?des campagnes massives par le biais
des m・ias pour promouvoir le respect de la femme, d・ourager les hommes de recourir ?la
prostitution, et am・iorer l'acc・ aux soins pour les personnes vivant avec le sida. Une r・uction
significative du nombre de nouvelles infections par le VIH, en particulier chez les jeunes, a r・ult?
de ces mesures.
Les exemples de r・ssite telles que celle-ci peuvent aider d'autres pays et communaut・ ?
formuler leurs futurs programmes. Nous devons redoubler d'efforts pour assurer la diffusion des
?meilleures pratiques ?dans la lutte contre le sida.
Nous avons appris que la r・uction de la transmission de la maladie n'est pas l'effet du hasard ;
les programmes de pr・ention du sida les plus efficaces pr・entent des caract・istiques-cl・. Ils
b・・icient d'un haut niveau d'engagement politique et op・ent simultan・ent ?diff・ents niveaux,
pour promouvoir un comportement sans risque et offrir des soins et des appuis aux personnes
contamin・s par le VIH. Ils offrent un vaste ・entail de mesures de pr・ention, notamment l'acc・ ?
des pr・ervatifs peu co・eux et de bonne qualit? ?des conseils et des tests confidentiels. Ils
s'efforcent d'encourager la pr・ention de la transmission du VIH de la m・e ?l'enfant et les premiers
traitements pour les autres maladies transmises sexuellement, qui multiplient les risques d'infection
par le VIH. Parmi les autres ・・ents d'une importance critique figurent les programmes d'・ucation
et les campagnes m・iatiques ?long terme, pour sensibiliser le grand public au sujet du VIH,
notamment chez les jeunes parmi lesquels plus de la moiti?des infections surviennent aujourd'hui.
Enfin, les communaut・ touch・s et les personnes vivant avec le VIH participent activement ?la
planification et ?l'ex・ution des programmes de lutte contre le sida.
Il est essentiel de cibler les jeunes pendant la p・iode d'exp・imentation et d'activit?sexuelle la
plus intense. Environ la moiti?des nouveaux cas d'infection par le VIH se d・larent chez les jeunes
de 15 ?24 ans. Nous constatons aussi que les jeunes, qui sont peut ・re le segment de la population
le plus vuln・able, sont aussi les plus r・eptif aux messages de pr・ention et qu'ils adoptent des
comportements plus responsables.
Outre les explications concernant la maladie et ses modes de transmission, il est ・alement
important de d・entir les id・s pernicieuses li・s ?la masculinit? notamment les attitudes devant le
risque et la sexualit?auxquelles souscrivent les hommes adultes, et de modifier les fa・ns de
pr・arer les jeunes de sexe masculin ?la vie adulte. Simultan・ent, il faut ・uquer les jeunes filles
pour qu'elles soient conscientes de leur vuln・abilit?face ?l'infection, de la responsabilit?qui leur
incombe de se prot・er elles-m・es, et de leur droit d'exiger d'・re prot・・s lors de relations
sexuelles.
Les programmes de pr・ention nous aideront ?endiguer les futures infections par le VIH, mais
ils ne doivent pas nous faire oublier les plus de 33 millions de personnes infect・s aujourd'hui qui
ont besoin de nos soins. Le secr・ariat d'ONUSIDA et l'OMS s'attachent ?fournir des directives
bien fond・s et des appuis aux pays pour les aider ?・ablir des syst・es de sant?capables de
riposter ?l'・id・ie ; ils recherchent ・alement des moyens d'encourager et d'appuyer les initiatives
entreprises ?l'・helle de la collectivit?au plan des soins aux s・opositifs.
Dans ce but, en collaboration avec l'OMS, l'UNICEF, la Banque mondiale et le FNUAP, nous
avons entam?un dialogue avec cinq soci・・ pharmaceutiques internationales afin d'examiner les
possibilit・ d'am・iorer les soins et d'acc・・er les traitements li・ ?l'infection par le VIH ou le sida
dans les pays en d・eloppement. Les soci・・ pharmaceutiques en question, Boehringer Ingelheim,
Bristol-Myers Squibb, Glaxo Wellcome, Merck & Co., et Hoffmann-La Roche, seraient pr・es ?
travailler avec d'autres participants pour identifier des moyens d'・argir l'acc・ aux soins et aux
traitements, tout en assurant une utilisation rationnelle, peu on・euse, s・e et efficace des traitements
ciblant les maladies li・s ?la s・opositivit?et au sida. Chacune d'elles se propose d'ouvrir l'acc・ ?
un ・entail de m・icaments et la disponibilit?de ceux-ci. D'autres firmes pharmaceutiques ont
・alement exprim?leur int・・ ?participer ?cet effort.
Mais ce n'est l?qu'une ・ape dans l'am・ioration de la vie des personnes contamin・s par le
VIH. Nous devons veiller ?ce que la baisse des prix de certains m・icaments encourage la
formulation de strat・ies de soins plus g・・ales. Nous savons que m・e ?des prix
consid・ablement r・uits, le secteur public ne sera pas en mesure de subventionner le co・ des
th・apies antir・rovirales et que celles-ci resteront hors de port・ de la majorit?des malades.
Nous vivons ?une ・oque de grandes possibilit・ lorsqu'il s'agit de la lutte contre le sida dans
les pays en d・eloppement, ?une ・oque de possibilit・ politiques, comme l'illustrent la volont?
r・olue de s'attaquer au sida exprim・ par nombreux chefs d'・at et les d・ats sur le sida en Afrique
lanc・ lors de la session du Conseil de s・urit?de janvier 2000 par l'Ambassadeur Richard
Holbrooke, et ?l'occasion de la r・nion du Comit?de la Banque mondiale et du FMI en avril
dernier. C'est une ・oque de possibilit・ aussi en termes de ressources, avec le gouvernement des
・ats-Unis et les autres donateurs qui accroissent fortement leur financement des programmes de
lutte contre le sida dans le monde en d・eloppement. L'Afrique ?elle seule aura besoin de 1,6 ?2,6
milliards de dollars par an pour mettre en ・uvre des programmes de pr・ention et de soins
・・entaires efficaces.
Mais, dans cette analyse des co・s, des programmes, des strat・ies et de la coop・ation
multisectorielle, il manque un ・・ent qui est peut ・re le plus pr・ieux : l'espoir. Cet ・・ent est
certainement essentiel pour inverser le cours de cette effroyable ・id・ie. Et c'est mon r・e, et celui
de tous ceux qui sont engag・ dans cette lutte, d'entretenir l'espoir.
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