La m・iation : une m・hode de r・lement ?l'amiable des diff・ends
Robert Goodin
La m・iation est devenue la proc・ure de r・lement ?l'amiable des litiges sans doute la plus populaire aux ・ats-Unis o?elle r・olutionne le domaine du contentieux. Dans le pr・ent aper・ g・・al, M. Robert Goodin, pr・ident du conseil d'administration de l'Institute for the Study and Development of Legal Systems et partenaire du cabinet Goodin, MacBride, Squeri, Ritchie & Day de San Francisco, examine cette m・hode qui s'est r・・・ efficace pour all・er le co・ du recours en justice devant les tribunaux am・icains.
?partir de la fin des ann・s 1980, mais surtout au cours des ann・s 1990, dans toutes les affaires civiles, la m・iation a vu sa popularit?cro・re. En fait, c'est sans doute aujourd'hui aux ・ats-Unis la forme la plus populaire de conciliation ?laquelle recourent les parties aux litiges civils. Par ailleurs, en raison de sa flexibilit? elle trouve ・alement une place de plus en plus grande en droit p・al et dans les pourvois en appel.
La m・iation est une forme de n・ociation structur・ men・ sous l'・ide d'un m・iateur qui poss・e la formation, l'exp・ience et les connaissances n・essaires pour aider les parties ?parvenir ?un r・lement de leur diff・end. C'est une proc・ure confidentielle, non obligatoire, con・e pour aider les parties ?s'entendre sur un arrangement mutuellement acceptable.
La m・iation, qui laisse les parties trouver leurs propres solutions en tenant compte de leurs int・・s fondamentaux, est une technique de r・lement des litiges particuli・ement appropri・ lorsque les parties en cause entretiennent ou pr・oient d'entretenir des relations suivies. Mais elle est ・alement ad・uate en l'absence de telles circonstances.
Le r・e croissant de la m・iation aux Etats-Unis
Dans de nombreuses cultures, la m・iation, ou la conciliation comme on la nomme parfois, est depuis des g・・ations une proc・ure fondamentale de r・lement des conflits, en marge de la voie judiciaire, pr・id・ g・・alement par un ancien ou un sage de la communaut?
L'・ergence de la m・iation en tant qu'instrument de r・lement des litiges aux ・ats-Unis remonte sans doute aux travaux novateurs de Roger Fisher et William Ury, du Harvard Negotiation Project dans le domaine de la th・rie de la n・ociation. Leurs travaux ont ・?popularis・ dans leur ouvrage intitul?Getting to Yes [traduit en fran・is par « Comment r・ssir une n・ociation »] publi?en 1981.
L'id・ centrale des travaux de Fisher et Ury est que la plupart des n・ociations sont men・s ?partir des positions prises par les parties et qu'elles aboutissent en g・・al soit ?une impasse, soit ?un accord per・ par l'une des parties comme ayant ・?impos?par l'autre tout simplement en raison de sa force sup・ieure.
Fisher et Ury proposent qu'au lieu de partir des positions des parties, les discussions portent sur les int・・s sous-jacents qui am・ent les parties ?adopter leurs positions. On peut, de cette mani・e, formuler des solutions qui satisfont, au moins en partie, les int・・s profonds de chacune des parties en cause, ce qui permet un r・lement raisonn・ et mutuellement avantageux du litige.
?titre d'illustration, Fisher et Ury donnent de ce principe un exemple simple. Dans la salle de lecture d'une biblioth・ue, deux hommes discutent : l'un veut ouvrir la fen・re de la salle, l'autre veut la fermer. Apr・ de longues discussions infructueuses, ils appellent le biblioth・aire qui leur demande d'exposer les raisons de leurs positions respectives. Le lecteur qui veut ouvrir la fen・re explique qu'il veut de l'air frais. Le lecteur qui veut fermer la fen・re explique qu'il veut ・iter les courants d'air. Fort de ces informations, le biblioth・aire arrive ?une solution : ouvrir la fen・re d'une pi・e contigu? ce qui concilie les int・・s des deux parties. Il n'aurait pas ・?possible de parvenir ?cette solution si les parties avaient continu?de discuter sur la base de leurs positions.
Les m・iateurs ・ant form・ ?examiner les int・・s sous-jacents des parties, et la m・iation se pr・ant elle-m・e ?ce genre d'examen, la proc・ure constitue un cadre id・l dans lequel les principes de la n・ociation pr・onis・ par Fisher et Ury peuvent ・re mis en pratique.
La m・iation dans l'appareil judiciaire
Un grand nombre de tribunaux am・icains, tant au niveau f・・al qu'?celui des ・ats, ont mis en place des programmes de m・iation. Il en est ainsi tout particuli・ement depuis la Loi de 1990 portant sur la r・orme des proc・ures civiles (P.?.101-650) qui exige des tribunaux f・・aux qu'ils con・ivent et mettent en ・uvre des programmes de r・lement ?l'amiable des litiges.
La m・iation intervient typiquement dans deux contextes aux ・ats-Unis. Le premier est celui d'une m・iation ordonn・ par le tribunal. Les tribunaux ont ?leur disposition un groupe de m・iateurs agr蜑s qui offrent leurs services aux plaideurs, ?la demande de ceux-ci ou ?celle du tribunal.
Le deuxi・e est celui de la m・iation priv・. Ici, les parties au litige d・ident entre elles qu'il conviendrait de recourir ?la m・iation et choisissent un m・iateur parmi les nombreux fournisseurs priv・ qui offrent leurs services.
La m・iation en tant que technique de r・lement des litiges a d'abord ・?pratiqu・ dans le domaine du droit de la famille, sans doute parce que l'investissement ・otif des parties aboutissait souvent dans ce domaine ?de graves probl・es de prises de positions arr・・s et parce que les parties sont souvent, bon gr?mal gr? oblig・s de maintenir des relations du fait de la pr・ence des enfants.
En droit de la famille, la m・iation a vite ・?reconnue comme un instrument utile. Tribunaux et plaideurs se sont rapidement rendu compte que ce processus ・ait applicable au-del?du champ des litiges familiaux, dans d'autres domaines de litiges relevant du droit civil.
Les raisons de la popularit?croissante de la m・iation dans tous les domaines du contentieux des affaires civiles sont des plus claires :
La m・iation est une proc・ure non mena・nte. Elle n'a pas force obligatoire et laisse ainsi au client le contr・e de la situation.
La m・iation est relativement peu co・euse. La plupart des sessions ne durent qu'un ou deux jours.
La m・iation est efficace. La plupart des m・iateurs font ・at de taux de succ・ allant de 80 ?90 %.
Le fonctionnement de la m・iation
L'un des avantages de la m・iation r・ide dans sa souplesse. Les sessions peuvent ・re organis・s comme les parties l'entendent, de la fa・n la plus propice au r・lement du diff・end. Avant la s・nce de m・iation proprement dite, chaque partie soumet au m・iateur une br・e d・laration dans laquelle elle indique sa position et ?laquelle elle joint les pi・es documentaires essentielles, telles que les contrats, ou autres ・rits.
La m・iation commence par une s・nce commune ?laquelle sont pr・ents le m・iateur et toutes les parties et leurs avocats. Le m・iateur entend un expos?de la part de chacune des parties qui pr・ente son point de vue et ・once les raisons pour lesquelles elle estime devoir avoir gain de cause. Bien que ce soient g・・alement les avocats qui interviennent lors de cette pr・entation, il est ・alement important que les clients s'expriment eux-m・es, et les m・iateurs les y encouragent.
Une fois qu'une partie a expos?sa cause, le m・iateur reformule fr・uemment la position de cette partie pour s'assurer qu'il a bien saisi tous les ・・ents de l'affaire. Lorsque le m・iateur a entendu l'expos?des deux parties, la s・nce commune prend fin.
Cette s・nce commune vise plusieurs objectifs. Tout d'abord, elle permet au m・iateur d'entendre lui-m・e l'expos?de la position de chaque partie. Ensuite, en reformulant ces positions de mani・e fid・e, le m・iateur peut acqu・ir de la cr・ibilit?aupr・ des parties en cause, en d・ontrant qu'il a bien compris leurs arguments. Enfin, et la chose est d'importance, elle permet aux parties d'entendre elles-m・es les arguments pr・ent・ par leur adversaire, sans le « filtrage » qui intervient fr・uemment lorsque toutes les communications passent par les avocats.
La s・nce commune est suivie de s・nces priv・s, o?le m・iateur s'entretient avec chaque partie s・ar・ent pour s'efforcer de combler les ・arts qui les s・arent. Au cours de ces s・nces, auxquelles il consacre un temps consid・able, le m・iateur s'attache ?d・erminer avec les parties o?se situe leurs v・itables int・・s et ?formuler des options susceptibles de les satisfaire. Simultan・ent, le m・iateur recherche un terrain d'entente entre les parties.
Aux fins d'・aborer des solutions novatrices et d'encourager les parties ?les accepter, le m・iateur examine souvent les forces et les faiblesses juridiques de la cause de chaque partie. G・・alement, apr・ une s・ie de sessions priv・s o?les positions des deux parties se rapprochent progressivement, le m・iateur parvient ?une solution acceptable de part et d'autre.
Formation et r・un・ation
Il n'existe pas actuellement aux ・ats-Unis de licence ou de certificat n・essaires pour les m・iateurs. Il n'y a pas non plus de formation professionnelle obligatoire. Toutefois, la plupart des m・iateurs ont suivi divers programmes de formation.
La plupart des tribunaux qui poss・ent des programmes annexes de m・iation exigent du personnel employ?dans le cadre de ces services qu'il justifie d'une formation professionnelle ; ils dispensent ・alement une formation ?l'intention des futurs m・iateurs. En outre, de nombreux ・ablissements priv・ d'enseignement juridique et de formation continue proposent des programmes de m・iation. La formation dispens・ par les tribunaux ?g・・alement lieu sur plusieurs jours et comprend des cours magistraux, des d・onstrations et des travaux pratiques durant lesquels les ・udiants jouent le r・e du m・iateur dans un cas fictif.
Les modalit・ de r・un・ation varient selon le contexte dans lequel se situe la m・iation. Dans la plupart des programmes de m・iation associ・ aux tribunaux, il est demand?aux m・iateurs d'exercer leurs fonctions en partie ?titre b・・ole (par exemple les quatre premi・es heures) et aux parties b・・iciaires de leurs bons offices de les r・un・er ensuite ?un tarif horaire ・abli par le tribunal.
Dans le cas de la m・iation priv・, la r・un・ation fait l'objet d'un accord entre les parties et le m・iateur. G・・alement, les m・iateurs priv・ sont r・un・・ ?un tarif journalier ・abli, qui peut ・re d'un niveau substantiel. Les m・iateurs priv・ peuvent exiger des tarifs ・ev・ parce que les plaideurs reconnaissent la valeur potentielle de leurs services. En effet, les d・enses engag・s dans la m・iation priv・ sont nettement inf・ieures aux frais de justice qui seraient per・s pour la m・e affaire si les parties choisissaient la voie de la proc・ure contentieuse.
R・uction du fardeau de l'appareil judiciaire
La m・iation, de par sa grande efficacit? permet aux parties en cause de r・liser des ・onomies consid・ables tout en leur apportant divers autres avantages. En facilitant le r・lement des litiges, la m・iation all・e ・alement le fardeau de l'appareil judiciaire et favorise l'exercice d'une justice prompte et efficace.
・ant donn?que la plupart des tribunaux du monde font face ?des probl・es comparables ?ceux des tribunaux am・icains, ?savoir ceux des co・s et de la lenteur des proc・ures, et que la m・iation s'inscrit dans le contexte culturel de nombreux pays, l'usage de ce mode de r・lement des diff・ends semble destin??se g・・aliser progressivement au si・le prochain.