LE PRAGMATISME ET LA CONDUITE DES AFFAIRES PUBLIQUES
Gary McCaleb
La fa・n dont nous vivons et travaillons a des r・ercussions sur pratiquement tous les aspects de l'existence, ce qui peut avoir des cons・uences ?tous les niveaux de l'exercice du pouvoir politique. Dans l'article qui suit, M. Gary McCaleb, maire de la ville d'Abilene au Texas, prend l'exemple des ・ats-Unis pour illustrer la fa・n dont les collectivit・ peuvent s'unir afin de r・oudre certaines difficult・ qui transcendent souvent les fronti・es. |
Deux mots reviennent souvent dans la conversation lorsqu'on d・rit les changements qui affectent notre existence : il s'agit de l'adjectif ?nbsp;mondial ?et du nom ?nbsp;technologie ? Les autorit・ doivent s'adapter ?l'・olution des probl・es qui se pr・entent ?elles et agir en cons・uence. Mais ce qui doit rester immuable, c'est la prise de conscience du r・e important que jouent les administrations locales d・ocratiques dans l'aboutissement des changements qui s'imposent.
Une ・e nouvelle
Le commerce ・ectronique a ・?assur・ent le dossier le plus longuement d・attu par les ・us locaux qui s'・aient r・nis r・emment ?Washington. En 1998, les consommateurs am・icains ont fait des achats dont la valeur totale se chiffre en milliards de dollars. La plupart de ces transactions commerciales ・ectroniques se sont faites par courrier ・ectronique. Cette nouvelle m・hode d'achat devrait continuer de se d・elopper dans les ann・s qui viennent.
Comme elle court-circuite les entreprises locales, ni les collectivit・ locales ni l'administration des ・ats respectifs ne touchent les taxes ?l'achat qu'elles percevraient si les transactions s'effectuaient dans le cadre habituel. Des ・us locaux et des responsables du gouvernement f・・al ont consacr?plusieurs s・nces de travail aux moyens de r・oudre les probl・es soulev・ par ce nouveau ph・om・e.
Mais dans un sens plus large, la question du commerce ・ectronique pourrait bien ・re le symbole d'une ・e nouvelle et de l'・olution de la nature des questions qui se posent aux collectivit・ locales des ・ats-Unis. Si l'ann・ 1998 entre dans l'histoire comme celle de l'av・ement du commerce ・ectronique, elle devrait aussi servir d'avertissement aux pouvoirs publics ?tous les niveaux, car ?mesure qu'elles changent notre mode de vie et notre fa・n de travailler, les nouvelles techniques transforment en m・e temps la nature des d・is que doivent relever les administrations locales, et les circonstances commandent de nouveaux moyens d'action.
Ce n'est donc pas ?l'aide de vieilles solutions que l'on r・oudra les probl・es qui se font jour. Le cadre qui est actuellement en place s'est dans l'ensemble r・・?satisfaisant au vu de la fa・n dont les affaires se conduisaient aux ・ats-Unis avant 1998, mais ?l'heure actuelle, il laisse ?d・irer.
Des fronti・es virtuelles
L'・e du courrier et du commerce ・ectroniques chamboule les composantes fondamentales de notre moule de pens・. Les limites des villes et des comt・ ne signifient virtuellement rien. Les fronti・es des ・ats d'une f・・ation et les fronti・es nationales perdent de leur importance. Les distances se comptent en minutes plut・ que de se mesurer en kilom・res.
Jusqu'?une date r・ente, on pouvait d・inir une ville comme un espace g・graphique o?se trouvaient habitations, emplois, ・oles, ・lises, commerces et lieux de d・ente et de loisirs. Or, la plupart de ces fonctions - si ce n'est toutes - se situent d・ormais de plus en plus souvent dans plusieurs villes, parfois dans plusieurs ・ats ou m・e dans plusieurs pays. La notion de ville, de comt?et d'・at est devenue tr・ floue, au point de ne plus avoir de sens parfois. D・ lors, les probl・es empi・ent de plus en plus fr・uemment sur un certain nombre d'unit・ administratives, lesquelles doivent toutes participer ?leur solution si on ne veut pas que celle-ci soit partielle.
L'examen rapide de cinq domaines, en l'occurrence le commerce, la s・urit? la sant? l'・ucation et la notion de collectivit? d・ontre en quoi l'・olution de la nature des probl・es commande une nouvelle fa・n d'envisager le r・e et la r・onse des administrations locales aux ・ats-Unis.
Le commerce
Le commerce a depuis longtemps des r・ercussions ?l'・helon local et il continuera d'en ・re ainsi. La mise en place du commerce ・ectronique signifie simplement que les individus ne feront plus leurs courses comme avant, qu'ils ne travailleront plus comme ils le faisaient autrefois. La r・uction massive des effectifs dans les emplois industriels classiques se produit parall・ement ?l'explosion des offres d'emploi dans l'information de haute technologie. Ce ph・om・e a des cons・uences ?la fois positives et n・atives ?l'・helon local.
Dans certaines villes, les effets positifs ont compens?les aspects n・atifs. Dans d'autres, les effets n'ont pas ・?aussi ・uilibr・. Les m・es techniques qui permettent aux individus de participer au commerce ・ectronique favorisent le d・lacement des emplois : au lieu d'attendre les clients l?o?ils auraient fait leurs courses, on les accueille l?o?ils ach・ent.
Ce ph・om・e de d・ocalisation li・ ?l'・ectronique s'observe aussi dans le secteur des services. Hier tri?manuellement et sur place, le courrier peut, de nos jours, ・re trait?・ectroniquement et ?distance. Dans notre ville d'Abilene, par exemple, plusieurs centaines d'emplois viennent d'・re cr蜑s dans le domaine de l'encodage ・ectronique de courrier situ?dans des villes ?des centaines de kilom・res de distance.
L'usage courant de t・・hones cellulaires, de t・・opieurs et de courrier ・ectronique permet ?un grand nombre de gens d'accomplir leurs t・hes professionnelles sur le lieu de travail de leur choix. Un homme d'affaires faisait observer r・emment qu'il pouvait diriger son entreprise de transports intrar・ionaux et transnationaux n'importe o?il se trouvait, ?condition d'avoir acc・ ?un t・・hone, ?un t・・opieur et au courrier ・ectronique.
La s・urit?/B>
Des enqu・es effectu・s aupr・ d'・us locaux aux ・ats-Unis ont r・・?que les questions de s・urit?occupaient syst・atiquement une place pr・ond・ante dans les esprits. La criminalit?est devenue ins・arablement li・ ?la drogue, et le trafic des stup・iants ne conna・ pas de fronti・e, que ce soit ?l'・helon des villes, des comt・, des ・ats ou du pays. D・ lors, il est impossible aujourd'hui de s・arer les questions de drogue et de criminalit??l'・helon local de celles qui se jouent au niveau international.
Les responsables de l'application des lois savent que leurs moyens d'action sont d・upl・ lorsque les probl・es sont d・inis et pris en mains au plan non seulement national, mais aussi des quartiers. Nouvelles techniques ?l'appui, on cr・ des programmes qui donnent aux voisins les moyens de se solidariser et aux pays ceux d'unir leurs efforts.
Mais les probl・es de s・urit?non plus ne se laissent pas circonscrire ?l'・helle de la ville, de l'・at ou du pays. ?notre ・oque, les solutions commandent un nouveau moule de pens・. La plupart des nouvelles solutions les plus constructives qui ont ・?apport・s ?divers probl・es, et notamment ?celui de la s・urit? proc・ent d'une prise de conscience bien nette : pas une ville, pas un ・at, pas un pays ne d・ient le monopole de tel ou tel probl・e. Les questions en jeu d・ient les moules classiques de pens・ et elles ne c・eront que devant des solutions qui restent ?d・inir. Tenter d'y rem・ier en cette・e de d・eloppement rapide des technologies, exige que tous les ・helons des administrations, au niveau local, des ・ats et f・・al, trouvent de nouvelles fa・ns de travailler ensemble, afin d'・aborer des strat・ies capables d'aboutir.
Le dossier du trafic des stup・iants l'illustre bien. L'espace g・graphique le long des deux c・・ de la fronti・e entre deux pays donn・ d・init les param・res du probl・e et, partant, ceux d'une solution correspondante. Le probl・e ne rev・ pas une dimension exclusivement nationale ; on ne saurait attendre de toutes les r・ions d'un pays donn?qu'elles participent sur un pied d'・alit??la recherche d'une solution. Il en est de m・e en ce qui concerne les ・ats ?l'int・ieur d'une f・・ation et les villes ?l'int・ieur de ces ・ats. Par exemple, le gouvernement f・・al doit sortir de son cadre traditionnel (en agissant ?l'・helon transnational et sous-national) et les administrations locales du leur (en agissant ?l'・helon des r・ions et ?celui des quartiers), car l'heure est aux solutions novatrices.
D'un point de vue historique, cette fa・n de proc・er repr・ente un revirement complet du r・e m・e de la ville. Pendant des centaines d'ann・s, la ville offrait la s・urit??ses habitants en entourant son p・im・re de fortifications. Encore celles-ci sont-elles tomb・s plus facilement que ne le feront les cloisons ・ablies par les ・us municipaux et f・・aux face aux r・e des administrations locales dans le r・lement des probl・es d'aujourd'hui.
La sant?/B>
Les questions de sant?publique ?l'・helon de la ville regroupent l'acc・ ad・uat en eau potable, l'・imination des ordures m・ag・es et la lutte contre les maladies contagieuses, et cette ・um・ation n'est pas exhaustive. Quoi qu'il en soit, ces trois dossiers montrent comment la nature du probl・e, ou la charpente de la meilleure solution possible, peut d・asser la juridiction de la ville tout en se maintenant dans le cadre de l'ensemble de la collectivit?
Aux ・ats-Unis pourtant, le gouvernement f・・al a commenc??intervenir dans ces trois domaines. Ces derniers temps, on s'en est surtout rendu compte ?la lumi・e des textes de lois adopt・ par le Congr・ qui sont connus sous le nom de ?nbsp;mandats f・・aux non financ・ ? Ces textes inspirent bien du ressentiment ?l'・helon local, et ce pour trois raisons : les r・les cens・s d・oucher sur une solution sont formul・s ?l'・helon f・・al sans que les ・ats respectifs soient consult・ ; les solutions font l'impasse sur la question du financement, ce qui signifie que les collectivit・ locales doivent assumer seules le co・ consid・able de leur ex・ution ; enfin, elles sont impos・s par mandat, autrement dit les administrations locales ne sont pas libres de d・ager une solution par leurs propres moyens et elles s'exposent ?des sanctions financi・es consid・ables si elles ne suivent pas les directives du gouvernement f・・al.
Le dossier de l'eau propre et de l'・imination des ordures m・ag・es d・asse lui aussi le cadre traditionnel des limites de la ville. Des solutions novatrices commencent ?se dessiner au fur et ?mesure que des villes am・icaines d'une m・e r・ion et ayant un probl・e commun se mettent ?faire cause commune. Il y a dix ans, on d・ombrait trente et une d・harges publiques dans la r・ion d'Abilene, dans la partie ouest du Texas. Aujourd'hui, il n'en reste que dix. Cela s'est fait sans mandat, la facture totale a diminu? la coop・ation r・ionale s'en est trouv・ am・ior・. Des villes qui ont en commun une source d'approvisionnement en eau ou qui cherchent ?construire un r・ervoir commun tentent elles aussi d'innover.
L'・ucation
S'il est aux ・ats-Unis un dossier longtemps ressass?et qui se pose avec une nouvelle acuit? c'est bien celui de l'・ucation. Aucune autre question peut-・re n'illustre aussi clairement la capacit??unir des aspects individuels ?des aspects mondiaux.
Le th・e de la qualit?de l'・ucation jette de plus en plus le trouble dans l'esprit des parents am・icains. Les responsables ?l'・helon des ・ats et du gouvernement f・・al ne cachent pas leur inqui・ude devant les r・ercussions que l'enseignement dispens?dans les ・oles publiques peut avoir sur la qualit?de la main-d'・uvre locale. Les ・udes qui ont ・?effectu・s montrent que la situation ne s'am・iore pas. Certaines municipalit・, telles Chicago et Boston, sont arriv・s ?la conclusion qu'elles devaient intervenir plus directement dans le fonctionnement des ・oles locales. Si l'on n'apporte pas de solution convenable aux questions qui se posent en mati・e d'・ucation, la main-d'・uvre et le dossier de la s・urit?en subiront le contrecoup.
Cette perspective individuelle et locale est contrebalanc・ par la croissance mondiale de ce qu'on appelle le ?nbsp;t・?enseignement ? Des ・oles virtuelles inscrivent des milliers d'・udiants dispers・ sur l'ensemble du territoire et m・e ?l'・ranger. L'enseignement ・ectronique aura des r・ercussions jusque dans le domaine du commerce, de l'emploi et des voyages, pour ne citer que ces exemples.
La notion de collectivit?/B>
Moins tangible peut-・re et plus difficile ?d・inir que les pr・・entes, cette question ne peut cependant pas ・re ignor・. Le degr?auquel les gens ont le sentiment d'・re li・ ?d'autres pr・ente une importance certaine. Le degr?auquel le dialogue nou?au sein d'une ville se pose ?la premi・e personne du pluriel, plut・ qu'?la troisi・e, influence la fa・n m・e dont les probl・es sont per・s et les solutions envisag・s. La fa・n dont les questions qui se posent aux collectivit・ sont abord・s et r・olues contribue dans une grande mesure soit ?nous rapprocher, soit ?nous diviser. Aux ・ats-Unis, ces questions portent notamment sur la diversit?culturelle et ・onomique, le ch・age, la faim et les sans domicile fixe. Le gouvernement f・・al y attache fr・uemment un haut rang de priorit?sur le plan l・islatif et celui du financement. Il n'emp・he que les actions les plus efficaces s'effectuent ?l'・helon local, souvent sur l'initiative d'organisations non gouvernementales (ONG) ou d'autres associations sans but lucratif.
De nouvelles alliances, de nouveaux moyens d'action
Si l'on veut que les responsables de la conduite des affaires publiques, ?quelque niveau que ce soit, am・iorent la prestation des services destin・ ?leurs administr・ et qu'ils leur proposent de meilleures solutions ?leurs probl・es, il n'est pas question que les ・helons classiques habituellement associ・ ?l'exercice du pouvoir politique fonctionnent chacun en vase clos. Les administrations locales doivent pouvoir ・uvrer ?titre de partenaires, et non en tant que groupe de pression, avec le gouvernement f・・al et celui de leur ・at. De m・e, elles doivent aussi forger des alliances appropri・s avec les entreprises, les associations sans but lucratif et les ONG. Les r・ions devraient transcender les limites qui d・arquent les villes, les comt・ et peut-・re m・e les ・ats d'une f・・ation.
C'est d・?ce qui se passe ?Columbus, dans l'Ohio, o?bien des questions int・essant directement le public sont envisag・s dans une perspective commune aux agglom・ations de six comt・. Dans la r・ion de Seattle, dans l'・at du Washington, une trentaine de maires ont form?r・emment un conseil r・ional qui leur permet d'aborder ensemble, dans un esprit de coop・ation, les dossiers de la s・urit?du public, des transports, de l'environnement et du tourisme. La vall・ centrale de Californie recherche de nouvelles fa・ns d'assurer la planification r・ionale, notamment dans le domaine du logement, des transports et de l'eau, pour la population d'une r・ion qui regroupe aujourd'hui cinq millions d'habitants, mais qui devrait en compter quinze millions d'ici ?l'an 2040.
C'est pr・is・ent dans une approche r・ionale que r・ide le meilleur espoir de forger une nouvelle relation avec le gouvernement f・・al, parce que de part et d'autre on aura fait l'effort de briser les cloisons traditionnelles. ?mesure que cela se produit, l'importance de la ?nbsp;d・entralisation ?et de la ?nbsp;d・olution?prendra une nouvelle dimension. Lorsqu'on verra un gouvernement f・・al v・itablement d・entralis?tendre la main aux administrations locales r・ionalis・s, on d・ouvrira des moyens nouveaux et efficaces d'opposer un front commun aux questions qui nous pr・ccupent.
De nouveaux moyens d'actions verront le jour lorsque les nouvelles alliances ・ouseront les techniques les plus modernes de leur ・oque. Pour les municipalit・, cela signifie qu'elles devront d'abord conclure une nouvelle alliance avec leurs administr・ pour le bien de leurs quartiers, puis en forger une avec le gouvernement f・・al, pour le bien des r・ions. Les solutions qui se d・ageront seront alors mieux adapt・s aux probl・es qui se posent. La description du gouvernement ?nbsp;du peuple, par le peuple et pour le peuple ? que l'on doit ?Abraham Lincoln, prendra alors un sens nouveau.