La formation internationale aux droits de l'homme

Michael Hartmann

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Photo de Michael Hartmann L'attention port・ aux droits de l'homme ?l'・helle internationale s'est traduite par le financement de nombreux programmes de formation, dans le cadre desquels des instructeurs comp・ents des pays industrialis・ se rendent dans des pays qui sont moins d・elopp・, sortent d'un conflit ou sont en transition. Dans cet article, M. Michael Hartmann, procureur international aupr・ de la Cour supr・e du Kosovo engag?par la Mission des Nations unies, formule des recommandations ?l'intention des formateurs internationaux aux droits de l'homme ・uvrant dans le domaine juridique. Photo fournie par l'auteur.

La formation aux droits de l'homme s'adresse ?des publics tr・ diff・ents. Cet article est consacr??la formation des juges, des procureurs, des avocats et des policiers. On y traite ・alement de la formation aux droits de l'homme dans le cadre de la d・ention, de l'arrestation, de l'instruction et des proc・, ainsi que de la proc・ure p・ale, allant de l'arrestation par les policiers ?la prononciation du verdict. Puisque la protection des droits de l'homme s'obtient souvent par la r・orme du code p・al, la formation dans ce domaine y est ・alement abord・.

Un formateur aux droits de l'homme doit respecter la jurisprudence et le droit d'un pays en pr・arant soigneusement chaque programme de formation. Il faut ?cet effet bien conna・re le pays en question, soit en s'informant aupr・ de ceux qui y vivent, soit en s'y rendant au pr・lable et en adaptant ensuite en cons・uence le mat・iel et les m・hodes de formation.

Qui dispense la formation aux droits de l'homme ?

Souvent, la formation aux droits de l'homme est financ・ par de nombreux pays industriels, et les formateurs sont des ressortissants de ces pays. Citons par exemple les ・ats-Unis, dont les programmes sont administr・ par le d・artement d'・at et le minist・e de la justice, ainsi que les membres de l'Union europ・nne (UE) et d'organisations r・ionales comme le Conseil de l'Europe et l'Organisation pour la s・urit?et la coop・ation en Europe (OSCE). ?l'instar d'autres organisations internationales, l'ONU propose des formations aux droits de l'homme par l'interm・iaire de plusieurs de ses organes et institutions - le Haut Commissariat aux droits de l'homme, le Programme des Nations unies pour le d・eloppement (PNUD) et des programmes financ・ par l'UNIFEM - ainsi que par le biais des sp・ialistes des droits de l'homme des missions de maintien de la paix.

Il faut ・alement ajouter ?cette liste de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), notamment International Human Rights Law Group, Amnesty International, Human Rights Watch; et ABA-CEELI.

O?est dispens・ la formation aux droits de l'homme et ?qui s'adresse-t-elle ?

La formation aux droits de l'homme a principalement lieu dans les pays qui sont en phase de transition apr・ avoir connu un r・ime totalitaire, notamment les pays sortant d'un conflit, les pays nouvellement ind・endants de l'ex-Yougoslavie et les nouveaux ・ats ind・endants de l'ex-URSS.

Dans ces pays, ce sont les repr・entants du pouvoir judiciaire - les juges et les procureurs - ainsi que les juristes et les forces de police qui suivent une formation aux droits de l'homme. Sont ・alement inclus les membres d'autres professions : par exemple, les greffiers, les juges responsables des infractions mineures (qui, selon les normes internationales d'ind・endance, ne sont pas ?proprement parler des juges et ne s'occupent pas des infractions au code p・al) ainsi que les membres du personnel des ONG.

D'autres intervenants internationaux qui jouent un r・e en mati・e de suivi de la situation ou remplissent des fonctions judiciaires devraient ・alement b・・icier d'une formation aux droits de l'homme. Au Kosovo, par exemple, des participants internationaux sont nomm・ par la Mission des Nations unies aux postes de juges et de procureurs pour s'acquitter de ces fonctions au sein du syst・e judiciaire local. Au Timor oriental et en Sierra Leone, ils remplissent les m・es fonctions au sein des tribunaux sp・iaux qui existent dans ces pays et dont la juridiction se limite aux crimes de guerre et ?certains d・its particuliers. Ces participants devraient savoir comment les responsables locaux sont form・ et peuvent ・alement faire part aux formateurs de leurs r・ctions sur des questions relatives aux droits de l'homme, ainsi qu'aux lois et au contexte juridique locaux.

En quoi la formation consiste-t-elle ?

Tr・ souvent, les formateurs aux droits de l'homme pr・arent un expos?dans leur pays d'origine sans l'adapter suffisamment au pays dans lequel ils vont se rendre et au groupe auquel ils vont pr・enter leur programme. Je me souviens m'・re trouv?dans un autobus en 1997 aux c・・ de procureurs bosniaques, apr・ avoir assist??la premi・e conf・ence organis・ depuis la guerre. Plusieurs d'entre eux se plaignaient des intervenants qu'une organisation gouvernementale europ・nne avait fait venir en avion et de leur inad・uation compl・e avec les proc・ures du minist・e public bosniaque. L'un des procureurs a observ?nbsp;: « Avez-vous remarqu?[qu'il] n'a pas mentionn?le mot Bosnie une seule fois en 30 minutes ? Aucun d'entre eux n'a non plus pris la peine de poser une seule question sur notre syst・e juridique ou sur nos probl・es. »

Avant de commencer un programme de formation aux droits de l'homme, tout formateur doit prendre le temps de s'informer du mode de fonctionnement du pays en question. Il doit ensuite mettre au point un programme de formation adapt?aux besoins de ce pays. Voici quelques principes dont les formateurs devraient tenir compte avant d'・aborer un tel programme.

Comportement. Avant de commencer un programme de formation aux droits de l'homme, il faut se demander pourquoi les violations des droits de l'homme ont lieu. Parfois, cette phase essentielle de pr・aration est omise et le formateur consid・e par exemple d'embl・ que le policier est brutal ou que le procureur et le juge sont corrompus. Bien que la brutalit?de la police et la corruption du pouvoir judiciaire soient bien r・lles dans certaines soci・・, il faut cependant s'interroger sur les raisons de tels comportements.

Un policier m'a dit une fois : « ... bien s・ que nous les battons. Sinon, professeur Michael, comment arriverions-nous ?leur faire avouer quoi que ce soit ? Et sans aveux, comment pourrions-nous les condamner ? Nous ne sommes pas dans la m・e situation que les pays occidentaux ; aux ・ats-Unis, vous avez des techniques sophistiqu・s de m・ecine l・ale et d'identification de l'ADN, alors qu'ici, nous n'avons que dans 5 % des affaires de meurtres et de viol les moyens d'envoyer des ・uipes de police scientifique pour tenter - je dis bien tenter - de relever des empreintes digitales. » Il en va de m・e de la pratique ill・ale qui consiste ?arr・er des membres de la famille du suspect, souvent des femmes, et ?les emprisonner jusqu'?ce que ce dernier se rende aux policiers ; car il n'existe aucun syst・e automatis?de mandats.

Dans de nombreux pays en d・eloppement, les conditions de travail et la r・un・ation des policiers, et m・e des juges et des procureurs, sont telles que la tentation d'accepter des pots-de-vin ou des « cadeaux » est pour le moins compr・ensible. Par exemple, au Pakistan, les agents de police et gardiens de la paix sont officiellement cens・ faire des journ・s de 24 heures. ?Lahore (Pakistan), les neuf procureurs adjoints charg・ des crimes graves doivent partager une petite pi・e et un bureau et doivent lire leurs dossiers ?l'ext・ieur, assis sur des chaises pliantes. Au Y・en, au Pakistan, en Tanzanie et en Inde, la r・un・ation des policiers est si faible que m・e des hommes honn・es peuvent ・re tent・ de demander ou d'accepter des pots-de-vin. Au Kosovo, un procureur g・・al de district a d・issionn?parce que son salaire, inf・ieur ?celui des traducteurs engag・ localement par l'ONU, ne lui permettait pas de nourrir sa famille.

Motivation. En plus des arguments juridiques et moraux relatifs aux violations des droits de l'homme, les formateurs devraient ・oquer la n・essit?de disposer d'autres proc・・ que l'obtention d'aveux pour r・oudre des affaires criminelles. Il faut notamment pr・oir ?cet effet une formation ?la m・ecine l・ale et ?des m・hodes d'interrogation psychologique acceptables et renforcer la formation des policiers et le partage de l'information. Il est ・alement n・essaire de disposer du mat・iel n・essaire aux analyses techniques et scientifiques et de bases de donn・s centrales des mandats et des empreintes digitales, qui sont syst・atiquement consult・s lors des interpellations ou arrestations effectu・s dans l'ensemble du pays.

Bon nombre de syst・es de justice p・ale fond・ sur le droit romano-germanique ne reconnaissent pas la r・le de l'irrecevabilit?des preuves obtenues ill・alement, sauf s'il est ・abli que les preuves obtenues sont sujettes ?caution ou que des aveux ont ・?extorqu・. Aux ・ats-Unis, les statistiques montrent que, une fois adopt・, cette r・le ne s'est appliqu・ qu'?un nombre restreint d'affaires, dans lesquelles la mise en accusation n'a pas abouti ?cause de l'irrecevabilit?des preuves. Depuis que la r・le dite de Miranda a ・?adopt・ aux ・ats-Unis (selon laquelle un suspect doit ・re inform?de son droit de garder le silence et de b・・icier d'un conseiller juridique), le nombre d'aveux a l・・ement diminu? et depuis que les forces de police ont ・?form・s aux techniques d'interrogation psychologique acceptables, le pourcentage d'affaires dans lesquelles des aveux ont ・?obtenus est rest?inchang?ou a m・e augment?dans certains cas.

L'enregistrement sur bande vid・ ou audio des interrogatoires devrait ・alement ・re encourag?de fa・n ?emp・her toute fausse accusation de brutalit・ polici・es. Cette approche a ・?utilis・ avec succ・ aux ・ats-Unis et ailleurs. L'augmentation du nombre de d・larations enregistr・s a un effet cumulatif, ?mesure que les juges et les procureurs se familiarisent avec les avantages que pr・ente l'enregistrement d'aveux.

L'adoption de sanctions contre les policiers, procureurs ou juges ayant commis des violations des droits de l'homme doit ・alement ・re abord・ dans le contexte de l'analyse des motifs de tels actes. On s'appuie souvent ?cette fin sur le soutien d'associations professionnelles, en vue de cr・r ou de r・ffirmer un sentiment de fiert?professionnelle, au moyen de codes disciplinaires et d・ntologiques librement assimil・ et appliqu・. Parall・ement ?ces efforts, un organisme ind・endant devrait enqu・er sur les fusillades et les meurtres o?des policiers sont mis en cause et sur tous les d・・ en garde ?vue ; aux ・ats-Unis, ce r・e incombe aux procureurs et aux commissions ind・endantes.

Parfois, les valeurs en vigueur peuvent servir ?renforcer le respect des droits de l'homme et ?convaincre de la n・essit?d'adopter des sanctions disciplinaires. Au Y・en, par exemple, au cours d'un expos?consacr?aux instruments et aux normes relatifs aux droits de l'homme, le d・accord muet des ・・es d'une ・ole de police se lisait sur leur visage. Mais ils ont ensuite visiblement chang?d'attitude lorsque l'orateur a soulign?l'importance du code de l'honneur et a expliqu?que lorsque ceux qui sont en position de force et de sup・iorit?num・ique battent les plus faibles au lieu de les prot・er, l'honneur des policiers en p・it et que prot・er un de ses coll・ues du d・honneur porte en fait atteinte ?l'honneur de tous les policiers. Pour motiver les ・・es policiers, qui se per・ivent comme des soldats respectueux du code de l'honneur et luttant contre la criminalit? cette approche s'est av・・ plus efficace que si l'on s'・ait content?d'・oncer les bienfaits des normes relatives aux droits de l'homme.

Confiance. En exag・ant ses arguments, on finit par perdre et la confiance de ses interlocuteurs, et le sentiment commun d'impartialit? Cela se produit lorsqu'on d・init de fa・n trop g・・ale les droits de l'homme au lieu de mettre l'accent sur ceux qui importent le plus ?la soci・?en question. Ces erreurs se divisent en deux grandes cat・ories : d'une part celles r・ultant d'une mauvaise compr・ension des circonstances factuelles et d'un manque d'information et d'exp・ience en ce qui concerne les pratiques habituelles de la police et des tribunaux et, d'autre part, celles provenant d'une mauvaise compr・ension des normes de protection des droits de l'homme pouvant s'appliquer ?une situation inconnue.

En Bosnie, en ・ypte, en Inde et au Y・en, entre autres, j'ai entendu des d・enseurs des droits de l'homme dire que les retards dans les proc・ures p・ales constituaient une violation du droit « d'・re jug?sans d・ai » ou « dans des d・ais raisonnables ». Pourtant, ces d・enseurs n'avaient pas discut?avec les procureurs et les juges concern・ des raisons de ces retards et avaient simplement qualifi?« d'excuses » les explications avanc・s. On pourrait certes faire valoir que le manque de moyens, la lenteur traditionnelle et la pesanteur des proc・ures judiciaires constituent une violation de fait des droits de l'homme, mais l'argument n'est gu・e convaincant et est m・e pernicieux lorsque des violations flagrantes des droits de l'homme sont commises ?tant d'autres ・ards.

Respect. Les formateurs aux droits de l'homme doivent conna・re les diff・ences et les similarit・ qui existent entre le syst・e juridique de leur pays et celui du pays concern? Sinon, en raison des grandes diff・ences existant entre deux syst・es, ils risquent de g・・aliser ?tort les caract・istiques de leur propre pays et de s'attirer l'hostilit?de leur auditoire en commettant des erreurs g・antes et d・oncertantes. Il est ・alement important de s'informer en d・ail des proc・ures propres au pays concern?et de manifester ?ce sujet une volont?d'apprendre. Il ne faut pas se contenter de supposer que le droit civil du pays concern?est identique ?celui de son propre pays ou s'en rapproche. ?cet ・ard, il convient de d・erminer le degr?de maturit?de la culture juridique du pays concern? Il faut ?cette fin se pr・arer en effectuant des recherches, et interroger et ・outer ceux qui se trouvent sur place et sont ?m・e de r・ondre ?des questions.

Par exemple, dans certains syst・es, le procureur et la d・ense doivent demander ?la cour la permission de poser des questions directement aux t・oins et peuvent simplement poser des questions au juge qui est ensuite libre de les reformuler ?l'intention des t・oins. Une partie l・・ ou la famille du d・unt peuvent participer ?des proc・ures p・ales ou s'y faire repr・enter par leur avocat. Si le procureur g・・al classe l'affaire, ils peuvent prendre le r・e de la partie poursuivante. L'accus?peut avoir le droit d'interroger directement les t・oins. Dans la plupart des syst・es de droit romano-germanique, il n'a pas ?pr・er serment. M・e le terme de « d・endeur » que l'on rencontre en « common law », se traduit souvent par « accus?nbsp;» et, dans certains pays, « le suspect » et « l'accus?nbsp;» sont deux termes quasiment interchangeables sur le plan judiciaire.

Les formateurs aux droits de l'homme estiment parfois ?tort que les principes de leur propre syst・e judiciaire constituent des normes de protection des droits de l'homme, et ils tiennent absolument ?les faire appliquer dans le pays concern? Il s'agit l?d'une double erreur : les principes du pays h・e ne respectent pas tous obligatoirement les principes relatifs aux droits de l'homme (bien qu'ils puissent viser ?prot・er les droits de l'accus?, et le syst・e judiciaire du pays en question doit ・re examin?dans son ensemble, car on risque sinon de voir des violations qui n'existent pas.

En ex-Yougoslavie, par exemple, les formateurs aux droits de l'homme ont ・?choqu・ d'apprendre que les pratiques et les m・hodes utilis・s par la police pour interroger des suspects ne faisaient l'objet d'aucune restriction ou d'aucun garde-fou (comme par exemple le droit d'・re mis en garde ou de b・・icier d'un conseiller juridique). Mais les formateurs n'ont pas compris que cette situation ・ait due au fait qu'aucune d・osition faite aux policiers ne pouvait servir de pi・es ?conviction lors d'un proc・ et que le syst・e dans son ensemble ・ait donc coh・ent, bien qu'il soit fond?sur le principe selon lequel toutes les d・larations faites ?la police manquent de fiabilit?et ne peuvent donc servir de pi・es ?conviction. Les seules obligations r・lementaires pr・ues par le code de proc・ure p・ale ・aient les d・ais dans lesquels le d・enu devait compara・re devant un juge d'instruction et l'interdiction « d'extorquer des aveux de l'accus?nbsp;». Le code p・al interdisait ・alement d'obtenir des d・ositions par la force, par des menaces ou par d'autres moyens ill・aux.

Directives. Les formateurs aux droits de l'homme connaissent g・・alement bien les conventions, les normes et les directives relatives aux droits de l'homme et en particulier, dans le contexte du syst・e judiciaire, celles qui concernent les droits de l'accus? Cependant, il est tout aussi important de conna・re les autres instruments internationaux relatifs aux droits des victimes et aux principes fondamentaux et aux r・es des parties en pr・ence : pouvoir judiciaire, forces de police, procureurs et avocats de la d・ense.

Cr・ibilit? Un formateur qui comprend les principes et le professionnalisme des personnes suivant la formation sera davantage respect? Il est parfois reproch?aux formateurs, ?juste titre dans certains cas, de privil・ier les droits de l'accus?et de ne pas tenir compte de la n・essit?de rendre justice aux victimes ou d'appliquer pleinement et efficacement la loi.

Conditions ?satisfaire. La plupart des pays dans lesquels ont lieu les programmes de formation aux droits de l'homme connaissent les m・es probl・es que les pays industriels, mais ces probl・es se posent ?plus grande ・helle et avec plus d'acuit? Par exemple, la police et le pouvoir judiciaire manquent g・・alement de place, de mat・iel, de personnel, d'・ucation et de formation en cours d'emploi et les ressources dont ils disposent ont souvent besoin d'・re modernis・s ou remplac・s.

Souvent, les formateurs aux droits de l'homme vivent dans des pays disposant d'importantes ressources budg・aires et humaines. Lorsqu'ils arrivent dans un pays h・e, ils essaient souvent d'imposer les normes les plus ・ev・s en mati・e de droits de l'homme. Malheureusement, le pays h・e risque de ne pas avoir les moyens d'allouer des ressources financi・es et humaines plus importantes.

Le formateur doit donc ?la fois bien conna・re et expliquer les avantages qui peuvent ・re obtenus si l'on applique des normes minimales de protection des droits de l'homme. Si la formation doit ・re ax・ sur des normes minimales, c'est non seulement pour maintenir une certaine impartialit? mais ・alement parce que le gouvernement du pays h・e risque pour l'instant de consid・er comme irr・listes des normes plus ・ev・s et donc de les rejeter. De m・e, les formateurs aux droits de l'homme devraient toujours choisir les batailles qui valent la peine d'・re livr・s et se fixer des priorit・. D・idez quelles sont les trois questions les plus importantes qui seront vraisemblablement accept・s dans le contexte juridique du pays h・e et se traduiront par des changements. L'accent devrait ・re mis sur ces questions, et ・entuellement sur trois autres, r・lisables ?plus long terme. Cette m・hode de persuasion a souvent pour effet d'accro・re la cr・ibilit?du formateur.

Un formateur doit ・alement indiquer clairement les instruments de protection des droits de l'homme qui permettent aux individus s'estimant l・・ par l'action d'un ・at de disposer de voies de recours et de porter plainte et ceux qui imposent aux ・ats signataires des obligations pouvant faire l'objet d'un suivi (par exemple, lors de l'examen de rapports d'・at) mais qui n'ont par ailleurs pas force de loi.

Dans le cas des individus (non seulement des accus・ mais aussi des victimes) qui estiment avoir ・?l・・ par les tribunaux de leur pays, le m・anisme de mise en conformit?de la Convention europ・nne des droits de l'homme est le dispositif le plus sophistiqu?et le plus efficace en mati・e de droit international. En outre, en expliquant aux avocats comment introduire une demande de r・aration en vertu de la Convention europ・nne des droits de l'homme (qui ne s'applique qu'aux ・ats ayant sign?la Convention et les protocoles qui s'y rattachent), le formateur peut s'inspirer des pr・・ents jurisprudentiels de la Cour europ・nne des droits de l'homme.

・uit? Nombre de normes de protection des droits de l'homme visent ?donner des ・・ents d'orientation et ?formuler des principes. Les normes r・ionales et internationales sont forc・ent de port・ g・・ale, puisqu'elles n'ont pas pour objectif d'・ablir des pr・・ences entre divers syst・es nationaux ; elles doivent au contraire s'appliquer ?de nombreux syst・es nationaux diff・ents. Qu'il s'agisse des d・ais maximaux de d・ention ou des diff・entes ・apes des proc・ures, les normes de protection des droits de l'homme donnent rarement des d・ails.

Un formateur doit indiquer clairement les r・・ences sur lesquelles il s'appuie lorsqu'il donne des d・ails. Par exemple, il peut arriver qu'on lui pose la question suivante : « Combien de temps est-ce que la police peut d・enir une personne apr・ l'avoir arr・・ et avant de la faire compara・re devant un juge ? » Les personnes qui suivent une formation aux droits de l'homme dispens・ ?l'・helle locale doivent ・re trait・s avec respect et ・uit?et doivent ・re inform・s des r・・ences sur lesquelles s'appuient vos r・onses, afin de pouvoir d・ider elles-m・es du degr?de cr・ibilit?des sources en question. Par exemple, vos r・onses se fondent-elles sur les d・isions de la Cour europ・nne des droits de l'homme de Strasbourg, sur le Comit?d'experts ind・endants des droits de l'homme nomm・ par les ・ats Parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, le Conseil de l'Europe, la section Droits de l'homme de l'OSCE, Amnesty International, Human Rights Watch, ou des professeurs de droit et d'autres sp・ialistes des droits de l'homme, qui peuvent tous avoir des points de vue ou des opinions diff・ents ?

Il ne faut pas avancer de dispositions pr・ises mais non obligatoires parce qu'on les juge optimales ou parce que le pays d'origine du formateur les a adopt・s. Au Kosovo, j'ai entendu des juristes sp・ialistes des droits de l'homme dire que le d・ai maximal de d・ention avant comparution devant un juge ・ait de 48 heures. Cette indication se fondait sur ce qui leur semblait ・re la r・le et sur ce que les lois d'autres pays europ・ns pr・oyaient, bien qu'ils n'aient cit?aucun pays en particulier.

Bien qu'il s'agisse d'une r・onse plus longue et moins pr・ise, il aurait ・?pr・・able et exact du point de vue juridique de r・ondre que « l'article 5 (3) de la Convention europ・nne des droits de l'homme et l'alin・ 9 (3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipulent qu'un d・enu doit compara・re « sans tarder » devant un juge. La Cour europ・nne des droits de l'homme a statu?qu'un d・ai de quatre jours et six heures serait trop long dans des affaires de terrorisme, mais dans d'autres cas, elle a jug?qu'un d・ai de seulement quatre jours pouvait ・re trop long dans des proc・ures p・ales ordinaires, bien qu'elle ait auparavant pris une d・ision allant dans le sens contraire ». Brogan c. Royaume-Uni, (1989) 11 EHRR 117 ; Brincat c. Italie, (1993) 16 EHRR 591 ; X c. Pays-Bas, Appl. 2894/66 (1966) 9 annuaire 564 ; Egue c. France, 57 DR 47, 70 (1988) (un d・ai de 4 jours est « en principe » acceptable). »

Par rapport aux « 48 heures » avanc・s par ces d・enseurs des droits de l'homme, cette r・onse plus exacte aurait ・?plus respectueuse des institutions judiciaires et des avocats locaux, car elle leur aurait donn?les indications utiles en leur permettant de prendre leur propre d・ision.

Il ne faut pas syst・atiquement supposer qu'une violation d'une norme de protection des droits de l'homme doive entra・er la sanction la plus s・・e ou les r・arations les plus importantes, m・e si on pr・・erait qu'il en soit ainsi et si l'on estime que ce serait la mesure la plus dissuasive. Si le droit national autorise la production de preuves obtenues ill・alement, ces preuves, si elles sont fiables, peuvent peut-・re, dans le respect des normes de protection des droits de l'homme, ・re produites devant le tribunal sans ouvrir droit ?des r・arations ou sans ・re jug・s irrecevables, sous r・erve de certaines garanties.

Compromis. Les formateurs aux droits de l'homme ont plus de chances d'obtenir un accueil favorable des repr・entants des forces de l'ordre, des procureurs et des juges s'ils reconnaissent qu'il est n・essaire de faire la part des choses entre la protection de l'accus?et celle des victimes et de la soci・? La plupart des dispositions l・islatives, et en particulier les termes exacts des normes internationales de protection des droits de l'homme, sont adopt・ au terme de longues n・ociations et constituent un compromis entre ces diff・ents int・・s. S'il est toujours possible d'arriver ?un certain degr?d'harmonisation, il est in・itable que, dans certains aspects de la proc・ure, le renforcement de la protection des droits de l'accus?nuise ?la rigueur de l'application de la loi.

Il est de plus en plus n・essaire de mettre l'accent sur les droits des victimes, notamment en ce qui concerne la violence familiale et sexuelle ?l'encontre des femmes et des enfants. Tout particuli・ement dans le cadre des missions de maintien de la paix et dans les pays sortant d'un conflit, le compromis ?faire entre les droits fondamentaux de l'accus?et la s・urit?des victimes doit d・oucher sur l'adoption rapide de normes minimales en mati・e de droits de l'homme. La D・laration de l'ONU des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalit?et aux victimes d'abus de pouvoir consacre ces droits, sans toutefois donner plus de pr・ision ?cet ・ard.

De m・e, pour pr・erver leur cr・ibilit? les formateurs doivent reconna・re les efforts entrepris en vue d'・ablir des instruments proc・uraux sp・iaux visant ?garantir l'efficacit?des enqu・es et des poursuites p・ales contre la criminalit?organis・, le terrorisme, le trafic de drogues, la traite d'・res humains et les crimes de guerre et essayer d'harmoniser ces outils avec les normes de protection des droits de l'homme.

L・islation. Dans certains cas, les formateurs sont ・alement pri・ de participer ?la r・ision de dispositions l・islatives ou souhaitent y participer. Des lois bien intentionn・s mais incorrectement r・ig・s sont toutefois tr・ dangereuses. M・e lorsqu'il s'agit de d・endre les droits de l'homme les plus importants, toute intervention doit ・re effectu・ par des sp・ialistes, car, sinon, l'atteinte ?la cr・ibilit??long terme des stages ult・ieurs de formation aux droits de l'homme sera plus grave que les cons・uences n・atives imm・iates qui en r・ulteront.

Dans la revue sp・ialis・ Jurisprudence, John Austin ・rit : « Ce qu'on appelle commun・ent l'aspect technique de la l・islation est incomparablement plus difficile que l'aspect que l'on pourrait qualifier d'・hique. En d'autres termes, il est beaucoup plus facile de concevoir correctement ce que serait une loi utile que de la r・iger de fa・n ?ce qu'elle accomplisse l'objectif du l・islateur. » Autant dire que la r・action de dispositions l・islatives ne doit pas ・re confi・ ?des amateurs bien intentionn・. D'apr・ mes observations, voici quelques exemples des conditions pr・lables qui doivent ・re r・nies (mais ne l'ont pas toujours ・? si l'on veut effectuer une v・itable r・orme l・islative :

Les repr・entants des institutions judiciaires et des forces de police voient les choses diff・emment selon qu'ils exercent leurs fonctions ?l'・helle internationale ou ?l'・helle locale : les repr・entants locaux connaissent leurs lois et leur contexte social et les repr・entants internationaux portent un regard neuf sur la situation et peuvent penser de fa・n originale, pr・is・ent parce qu'ils n'・oluent pas dans la culture juridique du pays en question et refusent souvent d'accepter des restrictions ou des proc・ures pour la simple raison qu'elles ont toujours ・?l?

Outre la n・essit?de disposer d'une l・islation ・uilibr・ qui tienne compte des int・・s de toutes les parties concern・s, c'est en exigeant une loi « parfaite » que l'on risque d'emp・her l'adoption d'une loi « satisfaisante ». Lorsque les lois et les mesures de protection des droits de l'homme en vigueur ne sont pas « satisfaisantes » et que la lutte pour la perfection compromet la possibilit?de parvenir rapidement ?une r・orme l・islative, une loi « satisfaisante » devrait suffire. Par exemple, en Bosnie, l'・uipe internationale d'experts du Conseil de l'Europe pr・ente sur le terrain n'arrivait pas ?s'accorder sur la n・essit?de recommander ?la communaut?internationale d'apporter son soutien aux r・ormes en cours des lois et proc・ures p・ales, car l'un des membres de l'・uipe estimait que le projet de l・islation ne prot・eait pas suffisamment les droits de l'homme. Tous s'accordaient pourtant ?reconna・re que ce projet ・ait nettement pr・・able au statu quo. Cette opposition aurait consid・ablement retard?la r・orme, mais les partisans des « lois satisfaisantes » ont fini par l'emporter sur ceux qui souhaitaient la « perfection ».

La soci・?civile. Les formateurs doivent indiquer clairement aux diff・ents groupes avec qui ils travaillent que des efforts concert・ sont n・essaires pour instaurer des lois de d・ense des droits de l'homme, des formations et des garde-fous dans le domaine de l'application de la loi et du pouvoir judiciaire, qui consistent notamment ?pouvoir et ?vouloir mener une enqu・e et entamer une action p・ale lorsque des violations des droits de l'homme ont lieu, et particuli・ement lorsqu'elles sont commises par des policiers ou des fonctionnaires.

En Tanzanie, les ONG ・uvrant en faveur des droits de l'homme et des femmes, les policiers, les procureurs et les juges se sont r・nis pour planifier ensemble les programmes de traitement, les services psychosociaux, les enqu・es et les poursuites judiciaires ?entamer en cas de crimes sexuels et de violence familiale. Il a ainsi ・?d・id?que les policiers et les procureurs orienteraient les victimes vers les ONG pouvant leur offrir aide et services de soutien. Les ONG ont accept?d'expliquer aux victimes qu'il ・ait dans leur int・・ de s'adresser ?la police et aux tribunaux. Les ONG ont ・alement accept?d'assister les victimes dans ces proc・ures. La presse a inform?la population des mesures de protection offertes par les ONG et des probl・es que constituent la violence familiale et le viol. Ces diff・ents secteurs ont ainsi trouv?des int・・s communs correspondant ?tous leurs objectifs.

Lors d'une formation aux droits de l'homme, il faut garder ?l'esprit l'importance que rev・ le respect des droits de l'homme dans le cadre de l'・ablissement d'une soci・?civile fonctionnant correctement et rappeler ce principe aux organismes tels que les ONG, l'ordre des avocats, les organes de presse et m・e les forces de police et les repr・entants du pouvoir judiciaire. Les avantages que pr・ente une telle soci・?s'accompagnent de responsabilit・, et en fournissant des efforts et en faisant preuve de dynamisme, de persistance et d'une volont?de collaborer et de d・inir des priorit・ communes, il est v・itablement possible d'am・iorer la situation.

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