Sur la berge opposée du fleuve Potomac, face aux monuments historiques de Washington, s'élève, au milieu de grands immeubles de bureaux, une structure de verre et d'acier qui ressemble à un tourbillon s'élançant vers le soleil levant, et dont les panneaux reflètent les couleurs de l'arc-en-ciel. C'est également un monument : celui dédié aux journalistes disparus.
Construit par le Freedom Forum (Forum de la liberté), organisation apolitique vouée à la liberté de la presse, le Freedom Forum Journalist Memorial (monument du Freedom Forum en mémoire des journalistes) commémore la vie et la mort des journalistes du monde entier. Certains dont le nom est gravé sont morts alors qu'ils relataient des guerres, des catastrophes naturelles, ou des actes de violence ; d'autres sont tombés malades durant leur mission. Certains ont été réduits au silence par l'assassinat. N'apparaissent sur le monument ni les noms des journalistes morts à la suite d'un incident sans rapport avec leur mission, ni le nom de ceux ayant participé à la violence qui a causé leur mort.
Le monument se trouve dans Freedom Park (parc de la Liberté), terrain d'un hectare et demi situé à Arlington, en Virginie, aux abords de la capitale. Sur chaque panneau de verre est gravé le nom du journaliste, celui de son agence de presse, la date de sa mort et le pays dans lequel il a trouvé la mort dans l'exercice de ses fonctions. Près de mille noms y sont déjà inscrits.
La cérémonie d'inauguration du monument s'est tenue en mai 1996. Dans son discours au pied de l'édifice, l'épouse du Président, Mme Hillary Rodham Clinton, a rendu hommage aux journalistes disparus en les qualifiant de « héros de la démocratie », car « la démocratie dépend de la libre diffusion de l'information ».
Les journalistes ont « inspiré d'innombrables
mouvements de libération », et leurs efforts ont
« soutenu le combat contre l'esclavage, le fascisme, le
communisme et l'apartheid », a déclaré
Mme Clinton. Le journalisme a pour vocation « de dire
la vérité sur le monde qui nous
entoure », et cela s'est souvent avéré
une dangereuse entreprise, a-t-elle ajouté.
Dans une missive, M. Boutros Boutros-Ghali, alors
secrétaire général des Nations unies, a
félicité le Freedom Forum pour la
construction du monument. « Les Nations unies sont
résolument attachées à libre circulation de
l'information et des opinions dans le monde, aussi bien entre
nations qu'au sein de chaque pays », a-t-il dit.
Le Freedom Forum prévoit des
cérémonies durant la Journée mondiale de la
liberté de la presse, qui a lieu chaque année en
mai, et lors desquelles d'autres noms seront rajoutés sur
le monument. Cette année, deux cent dix noms y seront
inscrits.
Sur près de mille noms gravés, trente-neuf
représentent ceux des journalistes tués en 1996, et le reste
durant les années précédentes. Leurs noms,
ainsi que celui des neuf cent trente-quatre autres
déjà gravés sur le monument, sont
classés dans une base de données qui comprend une
fiche biographique détaillée de chacun.
L'accès à cette base de données se trouve
dans le site Internet du monument de Freedom Park, ainsi
que dans celui du Freedom
Forum. Cette liste est continuellement mise à jour.
En plus du monument, le Freedom Park présente
des symboles de la liberté, tels qu'un énorme
morceau du mur de Berlin, une urne d'Afrique du Sud et une
réplique d'un bateau utilisé par un couple de
réfugiés cubains qui a tout risqué pour
naviguer sur une mer hostile vers la liberté.
À proximité du Freedom Park, dans le
quartier général du Freedom Forum, un
musée, appelé « newseum »
(musée de la presse), ouvrira ses portes en avril 1997. Il
comprendra des expositions interactives sur le passé, le
présent et l'avenir du journalisme, ainsi que des
simulations au cours desquelles les visiteurs pourront jouer le
rôle d'animateur d'une émission d'informations
télévisées.
Les visiteurs pourront également visionner les
nouvelles qui ont eu lieu le jour de leur naissance, grâce
à une base de données « spéciale
anniversaire ».
L'un des points culminants du musée de la presse sera
un mur vidéo mesurant plus de trente-huit mètres de
large, sur lequel seront projetées toutes les
dernières nouvelles du monde entier, via satellite. Le
musée possédera également une salle de
projection hémisphérique de deux cent vingt places,
qui retransmettra des programmes sur la presse, le journalisme et
sur le rôle d'une presse libre.
Afin de bien souligner la condition difficile des journalistes
dans le monde, le Freedom Forum a également
organisé en 1996 une série de forums
régionaux sur la presse intitulée Journalists
Under Fire : Media Under Siege (Les journalistes en
première ligne : la presse assiégée).
Le premier forum de la série, tenu à Hongkong, a
envisagé l'avenir de la presse libre lorsque la Chine
reprendra la souveraineté de l'île, en prêtant
une attention particulière aux conditions de travail de la
presse en Asie.
Un des quinze intervenants du second forum, tenu à
Londres, devait être Véronica Guerin, journaliste
irlandaise qui a été tuée à Dublin
deux jours avant la date prévue de sa participation. Mme
Guerin préparait un reportage sur les
éléments criminels en Irlande. Son meurtre a
été un rappel tragique du fait que les
gouvernements répressifs ne sont pas les seuls
périls affrontés par les journalistes. Le Forum de
la presse européenne a également tenu une
séance à Dublin afin de discuter de la couverture
de la presse durant les conflits en Irlande du Nord.
Le troisième forum de la presse, organisé
à Buenos Aires, s'est attaché à analyser le
rôle de la presse durant la transition vers la
démocratie dans les Amériques. Bien que tous les
pays du continent américain, hormis Cuba, aient à
présent un gouvernement démocratique, les
journalistes doivent toujours affronter des obstacles et des
risques dans beaucoup de pays. Des groupes de discussion se sont
penchés sur ces problèmes et ont cherché les
moyens de renforcer la liberté de la presse libre dans la
région.
Les difficultés ainsi que les victoires
rencontrées par les journalistes africains ont
été abordées au cours du quatrième
forum de la presse, tenu au Cap.
La séance de clôture des forums, tenue au
quartier général du Freedom Forum, s'est
penchés sur les sommaires de rapports provenant des
différentes régions.
Tout au long des allocutions faites durant les forums à
travers le monde, le Monument aux journalistes s'est
dressé comme l'emblème du courage dont les
journalistes font preuve tous les jours, simplement pour couvrir
les événements. Sur un mur en face du monument, les
mots de Thomas Jefferson résument bien l'ultime
défi : « Afin de conquérir sa
liberté de pensée (...) et la liberté de la
presse, chaque être humain doit être prêt
à accepter le martyre. »
Cliquez ici si vous
désirez une liste d'organismes qui défendent la
liberté de la presse dans le
monde.
Démocratie et
droits de l'homme
Revue électronique de l'USIA, volume 2, numéro 1,
février 1997